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Anissa convoque aussitôt le nouveau serveur dans son bureau. Elle ne le pense pas assez stupide pour opérer un vol pareil dès son premier jour. Toutefois, elle désire en avoir le cœur net.

─ Thierno, quand tu étais seul dans mon bureau, tu n’as rien pris ? demande-t-elle.

─ Hum, comme s’il allait dire qu’il avait pris quelque chose, murmure Maysân.

─ Non, je n’ai touché à rien, répond Thierno.

─ Tu es sûr ?

─ Mais Anissa, tu crois vraiment que s’il a volé, il va avouer ? s’énerve Maysân. Moi, je suis sûre que c’est lui.

─ Je ne suis pas toujours d’accord avec elle, intervient Bushra. Mais, s’il était seul dans ton bureau, c’est fort probable qu’il t’ait volé. En plus, le tiroir n’était même pas fermé à clé.

Maysân écarquille les yeux.

─ Comment tu sais que le tiroir n’était pas fermé à clé ? questionne-t-elle en fixant sévèrement sa sœur. Anissa n’a jamais dit ça.

─ Ah mais c’est vrai, réalise l’aînée. Comment tu sais ça Bushra ?

La benjamine balbutie des mots à peine audibles.

─ La dernière fois, quand tu m’as crié dessus parce que j’étais absente là, tu avais la bouche hein ! Aujourd’hui, tu es devenu bobo¹ ! Anissa, allons fouiller dans ses affaires !

¹(nouchi) : muette

─ Je peux tout vous expliquer, déclare Bushra.

─ Donc c’était toi ? hurle Anissa choquée.

Une expression populaire dit : « qui ne dit mot, consent ». Et par son silence affligeant, Bushra vient d’admettre que c’est bien elle la voleuse.

─ Toi, retourne à ton travail ! ordonne Maysân à Thierno. On va régler ça entre sœurs. Gare à toi si tu en parles à quelqu’un !

─ Je crois que tu lui dois des excuses avant qu’il parte. Tu l’as quand même accusé injustement.

La cadette refuse catégoriquement de présenter ses excuses. Thierno, lui, s'en fout. Il retourne à son travail sans se faire prier. Les trois sœurs sont à présent seules.

─ Avant de commencer, est-ce que je peux avoir l’argent s’il te plaît ?

Bushra hoche la tête tristement. Elle se dirige vers son bureau.

─ Allez dépêche-toi ! On n’a pas que ça à faire, crie Maysân.

─ Tu en fais trop là, chuchote l’aînée.

─ C'est une voleuse. C'est tout ce qu'elle mérite.

Quelques secondes plus tard, Bushra revient avec tout l’argent dont elle s’était frauduleusement emparée. Avec cette preuve tangible, Anissa est deux fois plus surprise. Maysân se contente de la dévisager fortement.

─ Pourquoi tu avais besoin de tout cet argent ?

─ Je fais partie d’une tontine. Et il faut impérativement que je donne ma part aujourd’hui sinon je risque d’avoir des probl...

─ Pause ! Vous côtisez 500.000f dans votre tontine ?

─ Non, 250.000f par mois. Mais le mois dernier, j’ai pas payé.

─ Mais Bushra, comment tu peux te mettre dans des situations comme ça ? Quelle histoire de tontine même !

─ Elle est trop stupide ! renchérit la cadette.

─ Anissa, je te demande pardon. Je m’en veux tellement. Je te jure sur la tête de mes enfants que c’est ma première fois. C’est parce que j'ai des problèmes que je me suis comportée ainsi.

─ Bon, tu peux garder l’argent pour t'acquitter de tes dettes. Mais, tu vas me rembourser hein !

─ Quoi ! s’exclame Maysân. Tu es bien trop gentille. Si c’était moi, j’aurais porté plainte. Si elle a fait ça, c’est qu’elle peut nous tuer.

─ May, tu exagères. Pense à notre réputation ! Si cette affaire éclate au grand jour, ça va rejaillir sur notre famille. Or si ça atteint notre famille, ça va forcément se répercuter sur le restaurant et à ce moment-là, c’est nous tous qui allons couler. Donc s’il te plaît, mets ta colère de côté !

─ Hum !

Sortent du bureau, Maysân, suivie de Bushra qui est couverte de honte. Thierno les observe attentivement et se demande, intérieurement, comment cette affaire s’est terminée.

─ Je vois que tu traînes beaucoup avec les patronnes. Vous vous connaissiez avant ?

Thierno se retourne et remarque qu’une serveuse haute comme trois pommes est en face de lui.

─ Non, on ne se connaissait pas, réplique-t-il.

─ D’accord. En tout cas, moi c’est Apo. Et toi ?

─ Thierno.

─ Apo et Thierno, ça rime, dit-elle en rigolant.

─ Ouais.

─ Toi aussi, c’est ton premier jour ici ?

Thierno hoche la tête.

─ Tout se passe bien pour toi, j’espère.

─ Ça va.

Un groupe de jeunes étudiants vient d’arriver. Thierno a l’intention d’aller les aider à s’installer quand sa collègue lui dit : « Laisse ! Je m’en charge. » suivi d’un clin d’œil. Il la trouve bizarre.

😉😉😉

Deux jours se sont écoulés depuis le retour de Gil-Loïc à Abidjan. Après un repos bien mérité, il décide de faire une surprise à ses amis de longue date. Ils ne savent pas qu’il est de retour dans la capitale. Il espère donc que sa venue leur fera plaisir et que surtout rien n'aura changé entre eux.

Il est 19h quand le Yango qu’il a commandé gare devant un grand immeuble.

Il enjambe les marches des escaliers avec hâte. La maman de Solène lui a dit : « Deuxième étage, porte 205 ». Il a même noté l’adresse dans son téléphone. Impossible qu’il se trompe.

Le binguiste arrive devant la maison indiquée et sonne.

─ C’est qui ? demande Henri.

─ Oh ! Viens ouvrir là !

Les deux époux sont surpris. Qui peut bien se permettre de leur parler sur ce ton ? Henri regarde à travers le judas.

─ Jésus ! C’est Gil-Loïc !

─ Sérieux ?! Qu'est-ce que tu attends pour lui ouvrir ?!

Le mari ouvre la porte et accueille chaleureusement son meilleur ami. Ils se font un câlin, puis, sont rejoints par Solène qui est toute contente de revoir son ancien camarade de classe.

Ils s’installent, discutent pendant un bon bout de temps avant d’aborder un sujet délicat.

─ Alors, Gil-Loïc, on a vu certaines de tes photos pendant que tu étais aux États-Unis, commence Solène.

─ Je vois où vous voulez en venir. Ce sont mes photos lors de la Gay Pride, n’est-ce pas ?

─ Oui. Ne me dis pas que tu es avec eux !

─ Les amis, je suis gay !

─ Eh Dieu ! Ils t’ont contaminé, s’écrie Solène.

─ Pas du tout ! Je l’ai toujours été. D’ailleurs, mon premier petit-ami était dans notre classe.

Mariage de couverture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant