Mariage de couverture

50

Anissa n’aurait pu imaginer pire scénario pour le deuxième anniversaire de ses filles. En lieu et place d’invités autour d’un gigantesque gâteau d’anniversaire, il y a plutôt des proches autour d’un cercueil. En effet, c’est la cérémonie mortuaire de son père. Ce dernier a été retrouvé inerte dans une chambre d’hôtel. Personne n’a jamais su ce qui lui est arrivé.

Trois jours plus tôt, le vieil homme en quête de nouvelles sensations charnelles, s’est loué les services d’un jeune prostitué. Leurs ébats se déroulaient bien jusqu’à ce qu’il lui demande d’aller « plus fort, beaucoup plus fort ». Le travailleur de sexe ne s’est pas fait prier. Il a adapté ses coups de rein à la vitesse et à l’intensité exigée. Il a donc libéré sa semence plus vite que prévu. Juste après, il s’en est allé satisfaire d’autres clients.

Papa Jaber est resté allongé pendant un bon moment. Ses jambes tremblotantes témoignaient de la qualité des rapports sexuels qu'il venait d'avoir. Malheureusement, ses jambes n'étaient pas les seules à trembler dans la mesure où son cœur s'est mis à battre à un rythme effréné. C'est ainsi qu'il a senti son âme le quitter petit à petit. L’homme aux cinq petits-enfants a perdu la vie après avoir pris son pied.

⚰️⚰️⚰️

Attiré à la base par ses performances sexuelles, Adam a fini par tomber amoureux de Drissa. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’ex petit-ami d’Anissa a développé des sentiments pour son petit-ami malgré la mentalité arriérée de ce dernier.

L’amour a ses raisons que la raison ignore. Depuis lors, les deux hommes ne se quittent plus et c’est ensemble qu’ils vont partager un moment bien particulier.

─ Adam, tu es prêt ?

─ Oui, on peut y aller.

Ils arrivent pile à l’heure, mais ils constatent que toutes les places sont déjà prises. Ils se tiennent donc debout. Thierno qui passait par-là est surpris de voir Adam. Il a l’intention de l’ignorer, mais son ancien sexfriend n’est pas de cet avis.

─ Eh Thierno, tu ne vas quand même pas me dépasser comme ça ! Pas après tous les bons moments qu’on a partagé ensemble.

L’ivoiro-sénégalais souffle.

─ Bonjour Adam.

─ Bonjour, comment tu vas ?

─ Bien. Je peux y aller ?

─ Non, attends un peu ! Qu’est-ce que tu fais à la cérémonie mortuaire du papa de mon chéri, dit-il en désignant Drissa qui est à ses côtés.

─ Comment ça son papa ? C’est la cérémonie mortuaire du père d’Anissa. Je croyais que t’étais là pour ça.

Adam fronce les sourcils et se tourne vers Drissa.

─ En fait, c’est aussi mon père. Mais je suis né d’une relation extraconjugale.

Thierno se souvient directement de la révélation que lui avait faite son défunt beau-père. Il se demande ce qu’il doit faire. Après quelques secondes de réflexion, il décide d’épargner Anissa de cette information. « Toute vérité n’est pas bonne à dire » pense-t-il.

Vu qu’il a déjà tous les tenants et les aboutissants, monsieur Gueye laisse Drissa expliquer les détails de la situation à Adam. Il a déjà beaucoup à faire avec la cérémonie.

Après la prière mortuaire, c’est la débandade car tout le monde cherche à rentrer chez lui. Cela crée un réel embouteillage humain. Il faut dire que le vieil homme était très populaire.

Adam et Drissa avancent lentement vers la sortie. L’unique garçon de Papa Jaber en profite pour visualiser une dernière fois son père dans ses pensées. Même s’ils n’étaient pas en bons termes, il est content d’avoir pu lui dire au revoir.

À un moment, ses réflexions sont perturbées quand il passe près d’un minicar garé à l’extérieur. Dans le véhicule, il y a les petits-enfants de Papa Jaber surveillés par des domestiques.

─ Adam Adam ! scande-t-il. Regarde par ici ! Tu ne trouves pas que ces jumelles ressemblent à ta mère ?

À cause de la foule, le père biologique n’arrive pas à les voir. Il y a du monde derrière et il faut avancer.

🌍🌍🌍

Une dizaine de jours plus tard, Anissa, encore abattue par la perte de son père, n’est pas d’humeur à faire quoique ce soit. Thierno se réveille donc aux aurores pour s’occuper du petit-déjeuner. Il réveille, par la suite, les jumelles afin de les préparer pour leur première rentrée scolaire.

─ Aujourd’hui, c’est votre premier jour en petite section, annonce-t-il fièrement pendant qu’il donne une cuillérée de céréales à Nawel.

─ Moi, je veux pas partir à l’école, déclare Djinda.

Thierno fait un bisou à sa fille et tente de la rassurer.

─ Moi je veux partir ! Moi je veux partir ! hurle Nawel.

Le jeune papa comprend que la jumelle au prénom libanais réclame en réalité de l’attention. Il lui fait aussi un bisou afin de rééquilibrer la balance.

Après deux chignons réalisés malgré ses piètres compétences capillaires, Thierno accompagne ses filles à l’école.

Dès l’entrée de l’établissement, tous les regards sont braqués sur les Gueye. Thierno comprend très vite que ses filles seront les stars de l’école. En effet, en plus d’être des jumelles se ressemblant trait pour trait, elles ont un teint métis, couleur de peau qui est très prisée dans l’environnement abidjanais.

Il est temps pour le père de se séparer de ses filles. Alors que Djinda lui serre juste la main avant de foncer vers la balançoire, Nawel, en larmes, s’agrippe à l’une de ses jambes. La pauvre gamine est tétanisée par son nouvel environnement.

─ Regarde ta sœur ! Elle est en train de s’amuser. Va la rejoindre !

─ Papa, ne me laisse pas ici ! implore la bambine.

Thierno a un pincement au cœur. Au même moment, une gamine sortie de nulle part, prend la main de sa fille. Nawel, étonnée, cesse de pleurer et observe la jeune inconnue.

─ J’ai l’impression qu’elles seront de très bonnes amies.

Thierno regarde à côté de lui. Il est surpris.

─ Solène ?

La jeune dame le regarde à son tour.

─ Ah Thierno c’est toi ? Je n’avais même pas fait attention.

─ C’est ta fille ?

─ Oui, elle s’appelle Lana.

─ Joli prénom. La mienne s’appelle Nawel. Elle a sa sœur qui se prénomme Djinda. Mais je ne sais même plus où elle est passée.

─ Ah les enfants ! En tout cas, je suis très contente de te revoir.

─ Moi aussi ! C’est une belle coïncidence que nos enfants fréquentent la même école, fait remarquer Thierno.

─ J’avoue qu’au départ, je n’étais pas partante pour inscrire ma fille ici. Mais Henri a insisté pour je ne sais quelles raisons.

─ Je vois. Je dis oh ! Est-ce que tu as des nouvelles de Gil-Loïc ? J’essaie de le joindre depuis un bon bout de temps. J’ai essayé son numéro. Je suis même passé par son boulot, mais rien n’a marché.

─ Il a cessé son activité de wedding planner. Il travaille pour l’un de ses oncles là !

─ Mais pourquoi ? Je croyais que c’était sa passion.

─ Oui, mais, ce n’était pas très rentable.

─ Est-ce que je peux avoir son contact tout de même ?

─ Bien sûr !

Thierno enregistre le numéro en espérant que Gil-Loïc ne lui raccrochera pas au nez comme les mille précédentes fois.