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Une nouvelle journée débute. Anissa est déjà dans le restaurant. Elle est arrivée tôt car elle a énormément de travail à rattraper. C’est même elle qui accueille les premiers serveurs.

─ Bonjour madame Jaber.

─ Bonjour Yves. Bienvenue.

─ Merci madame. Je suis tellement content de vous revoir. Vous nous avez trop manqué.

─ Oh ! Je n’ai été absente que deux jours.

─ Hum, c’était beaucoup pour nous. Pourquoi vous n’étiez pas là ?

─ Je ne me sentais pas bien. Je voulais même me rendre à l’hôpital aujourd’hui. Mais bizarrement, tout va mieux. Je pense que j’avais juste besoin de repos.

─ Ah tant mieux alors.

─ Qu’est-ce que j’ai raté ?

─ Madame, on a tous constaté que Thierno est souvent en retard. Si j’étais vous, je l’aurais renvoyé depuis.

─ Mais non, voyons ! Il va s’améliorer. J’ai confiance en lui.

Quand Thierno arrive, il est, comme souvent, en retard. Il est content d’apprendre que sa patronne est de retour. Il pourra, enfin, lui exposer le problème de Maysân et ainsi s’en débarrasser.

Malgré sa forte présence sur les réseaux sociaux, Gil-Loïc n’arrive toujours pas à attirer de nouveaux clients. Il est seul chez lui et s’ennuie. Il décide donc d’envoyer un message à Medhi.

Thierno a balancé toute la vérité à Anissa. Sa patronne est profondément choquée.

─ Je n’ai jamais senti Æmeen. Il a l’air trop parfait. Mais est-ce qu’il irait jusqu’à porter main à Maysân ? Pff je suis perdue.

─ Désolé de vous mettre dans cette situation. Mais il fallait que je vous le dise.

─ Je comprends et je t’en remercie. Je vais me rendre chez Maysân tout de suite pour tirer tout ça au clair. Encore merci.

─ Je vous en prie.

Depuis une demi-heure, Medhi est chez Gil-Loïc. Mais, il est toujours aussi impressionné par la gigantesque demeure dans laquelle sa proie habite. Il se hâte du jour où il pourra vivre dans une maison pareille grâce à ses pratiques peu catholiques.

─ Medhi, tu viens ?

─ Où veux-tu qu’on aille ?

─ Dans ma chambre.

─ Dans ta chambre ? Je trouve qu’on est à l’aise ici.

─ Arrête de faire ton timide ! Suis-moi !

─ O-Ok.

Anissa est en face de la domestique de sa sœur. Celle-ci s’évertue à lui dire que Maysân est absente. Mais, la trentenaire n’y croit guère.

─ Tantie, je ne suis pas en train de mentir. Ma patronne n’est pas là.

─ Où est-elle ?

─ Elle est sortie.

─ Bah, je vais l’attendre à l’intérieur, alors.

─ Eh tantie, je ne peux pas.

Anissa la bouscule et fonce en direction du salon. Elle y retrouve Maysân en train d’enfiler un nouveau pansement.

─ Tantie, elle m’a poussé pour rentrer, se justifie la domestique.

─ C’est bon. Laisse-nous !

Gil-Loïc et Medhi viennent de coucher ensemble. Pour l’époux de Bushra, ce fût un pur supplice. À plusieurs moments, il a eu envie de vomir. Il était constamment animé par l'idée de tout stopper. Mais, étant donné qu’il voulait assoir sa crédibilité auprès de sa cible, il s'est forcé.

─ Gil-Loïc, je peux utiliser ta salle de bain, s’il te plaît ?

─ Bien sûr mon amour.

Malgré toutes les tentatives d’Anissa, sa sœur refuse d’avouer qu’elle est victime de violences.

─ Comment tu t’es fait toutes ces blessures alors ?

─ Anissa, je n’ai rien à te prouver.

─ Tant que tu ne m’expliques pas comment il t’est arrivé tout ça, je ne bouge pas d’ici.

La cadette souffle.

─ Æmeen me frappe. C’est ce que tu voulais entendre non ?

─ Maysân…

─ Non, tais-toi ! Je ne veux pas de ton aide. Je suis très bien comme ça.

─ Il va te tuer si on ne fait rien.

─ J’aime mon mari. Il lui arrive souvent de s’énerver et de me donner quelques p'tits coups. C’est sa façon de m’aimer et je l’accepte. Ce sont les réalités du mariage.

─ C’est faux ! Un mariage n’est pas censé se dérouler ainsi.

─ Qu’est-ce que tu en sais ? Montre-moi ton alliance avant de mettre ta bouche dans les affaires des gens mariés ! Tu ferais mieux de te trouver un époux au lieu de foutre ton museau dans des problèmes qui ne te concernent pas. Contrairement à toi, j’ai un mari et un magnifique garçon. S’il y a quelqu’un parmi nous qui a besoin d’aide, c’est bien toi.

Blessée par les propos de sa sœur, Anissa décide de s’en aller.

Face au miroir de la salle de bain, Medhi observe son corps qu’il estime souillé. Quand il repense au fait qu’il a dû lécher le trou de balle d’un homme, il éclate en sanglots. Lui, l’homophobe d’antan, s’est retrouvé à devoir introduire son pénis dans un orifice autre qu’un vagin. Il se demande s’il parviendra à s’en remettre.

Au lieu de retourner au restaurant, Anissa décide de retrouver ses parents malgré la montagne de travail qui l’attend.

À peine sa mère la regarde s’avancer, qu’elle comprend qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

─ Tu es revenue tôt aujourd’hui hein !

─ Hum maman, si tu savais ce que j’ai appris.

─ Affaire-moi !

Anissa fait le résumé des récents événements. Sa mère pouffe de rire.

─ C’est à cause de ça que tu t’es déplacée jusqu’ici ?

─ Bah oui maman, c’est très grave.

─ Venant de toi, ça ne me surprend pas vu que tu n’es toujours pas mariée. Avant que tes sœurs ne quittent la maison, je leur ai dit qu’elles devaient s’attendre à ça. Ton propre papa m’a déjà frappé. Mais, j’ai toujours supporté. Maysân a eu une très bonne réaction. Je suis fière d’elle.

Anissa est restée bloquée sur la troisième phrase prononcée par celle qui l’a mise au monde. Elle a préféré ne plus écouter la suite de ses propos pour éviter d’être choquée davantage.

Elle fait le choix de ne plus retourner sur son lieu de travail. Son seuil de tolérance a été atteint.

Après avoir fait un dernier câlin à Gil-Loïc, Medhi s’empresse de sortir de la demeure. La journée qu’il a passé a été tellement traumatisante pour lui qu’une soudaine rage l’anime. Il se jure de déposséder Gil-Loïc de tous ses biens. Après tout ce qu’il a été obligé de faire, il ne se gênera point pour le plumer jusqu’à l’os.

Mariage de couverture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant