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Albert débarque dans la clinique. Thierno peut, enfin, se rendre au boulot.

Une trentaine de minutes plus tard, il arrive au restaurant. Dès son entrée, certains serveurs se mettent à faire des messes basses. Ils estiment que l’ivoiro-sénégalais abuse car il est le seul à s’absenter souvent et à arriver en retard. Ils en ont marre et comptent bien exprimer leur ras-le-bol auprès de leur collègue.

Thierno, de son côté, se demande s’il doit parler du problème de Maysân à Anissa. C’est vrai qu'elle le lui a formellement interdit. Toutefois, estimant qu’elle se trouve en danger, il se doit de trouver une solution. Et la seule qui se présente à lui, à l’heure actuelle, est d’en parler.

Il se dirige donc vers le bureau d’Anissa. Mais celle-ci est absente. Il va donc chez son autre patronne, Bushra.

─ Bonjour madame Jaber.

─ Bonjour, c'est madame Reda, corrige Bushra. Anissa est la seule qui porte encore le nom de notre père.

─ Au temps pour moi. Est-ce que peux vous parler ?

Bushra lui permet de s’assoir. Sans faux fuyants, Thierno lui explique la situation. L’épouse de Medhi a du mal à y croire.

─ Æmeen est l’homme le plus doux que je connaisse. Je ne pense pas qu’il ferait ça à Maysân, déclare Bushra.

─ Vous en êtes sûre ?

─ Certaine. Et puis franchement, avec le caractère de ma sœur, je ne pense pas qu’elle se laisserait faire.

─ Madame, vous devriez sérieusement mener votre enquête.

─ Pour quoi faire ? Si son mari la frappe comme tu dis, c'est mon où qui est au soleil ?¹ Si elle-même a choisi de rester dans un foyer pareil, c’est qu’elle aime ça.

¹(expression ivoirienne) : Cela ne me concerne pas.

─ Vous ne devriez pas dire ça.

─ Ah mais, c’est la vérité hein ! En plus, elle parle trop mal aux gens. Elle mérite de se faire cogner deux à trois fois pour lui remettre les idées en place.

Thierno décide d’abandonner. Il se rend compte que la benjamine n’en a absolument rien à faire de la situation de sa sœur. Ce n’est sûrement pas elle qui l’aidera à résoudre le problème. Il attend impatiemment le retour d’Anissa.

Il sort du bureau avec l’intention de commencer son service quand il est encerclé par un groupe de serveurs. Ils sont tous beaucoup plus jeunes que lui. Thierno est le seul qui avoisine la trentaine.

─ On aimerait te parler, commence Yves, le porte-parole du groupe.

─ Ok.

─ Avec tout le respect qu’on te doit, on a remarqué que ton comportement dans le resto laisse à désirer. Déjà, tu es froid avec tout le monde. Tu nous salues à peine quand tu arrives. Tu es souvent en retard alors qu’apparemment, tu es à deux pas d’ici. C’est un manque de respect pour nous qui habitons hyper loin. C’est vrai que tu es plus âgé que nous. Mais quand il y a la vérité, il faut la dire. Donc on espère que tu ne vas pas mal prendre nos remarques et que tu vas t’en servir pour t’améliorer.

─ Ok, répond Thierno avant de s’éloigner rapidement d’eux.

─ Il se fout de nous ou quoi ? se plaint l’une des serveuses. Il n’a même pas pris la peine de s’excuser !

─ Je vous avais dit que ça n’aurait servi à rien. Il s’est toujours comporté comme si on n’existait pas.

Ce que les autres voient comme de l’arrogance, Thierno l’envisage comme un gain en temps et en énergie. Il n’a jamais aimé les confrontations et les longs débats. Généralement, quand on lui fait des reproches, il fait tout pour stopper la discussion.

Apo qui suivait la scène de loin, accoure vers lui.

─ Je voulais te dire que je n’étais pas d’accord avec eux. Quand ils sont venus me voir, je leur ai dit qu’ils devaient se mêler de leurs affaires, affirme-t-elle fièrement.

─ Ok.

🥶🥶🥶

Pour leur deuxième date, Medhi a choisi d'inaugurer le nouveau cinéma Pathé avec Gil-Loïc. C'est la salle de ciné la plus chère du pays. Mais le libanais, persuadé de gagner gros, n'hésite pas à investir au maximum.

Après la séance, ils prennent des photos sur le parking quand tout à coup, le tonnerre se met à gronder. Une pluie torrentielle s'abat sur le couple.

Heureusement pour eux, Gil-Loïc est sorti avec la voiture de son père. Ils s’y réfugient immédiatement.

─ Tu as une belle voiture, complimente Medhi.

─ Merci. C’est celle de mon père. Je ne l’utilise que quand il veut bien me la laisser.

─ Ça doit coûter une fortune.

─ Arrêtons de parler de voitures ! Ça m'ennuie. Tu trouves pas que le moment qu’on partage actuellement est romantique ?

─ Si. C’est très romantique.

─ Toi et moi, dans cette voiture, sous la pluie. Il ne manquerait plus qu’une chose pour rendre le moment parfait.

─ Quoi donc ?

Gil-Loïc se rapproche de Medhi. Le mari de Bushra comprend vite que sa cible désire l’embrasser. Il ne s’y était pas préparé et commence à paniquer. Au moment décisif, il éloigne son faciès de celui du wedding planner.

─ Y’avait quelqu’un qui passait, avance-t-il comme excuse. On aurait pu nous voir.

─ Dommage ! Je meurs d’envie de t’embrasser.

─ Moi aussi, s’oblige à dire Medhi.

─ Et si tu passais la nuit chez moi ce soir ? Mes parents ont un dîner d’affaires.

─ Euh j’en ai très envie. Mais, je pense qu’on devrait prendre notre temps. Rien ne presse !

─ C'est rare d'entendre un discours pareil de la part d'un gay. Cela me fait encore plus craquer pour toi.

Medhi esquisse un sourire. « Ouf ! J’ai échappé belle pour cette fois. » pense-t-il intérieurement.

C’est l’heure de la fermeture du restaurant libanais. Anissa n’est pas venue de la journée. Thierno espère qu’elle sera présente le lendemain pour qu’il puisse lui expliquer le problème relatif à Maysân. Il se trouve beaucoup trop investi et aurait aimé ne rien de tout savoir de tout ça. Malheureusement, il ne peut plus faire machine arrière. Dès sa sortie, il est accueilli par Adam qui l’attendait patiemment.

─ Coucou Thierno.

─ Arrête de me harceler ! Je ne veux pas de toi.

─ Je sais que tu ne veux pas blesser Anissa. Mais, elle n’en saura rien.

─ Je m’en fous.

─ S’il te plaît ! Juste une dernière fois.

─ Non.

─ Ok, c’est compris. Tu peux y aller. Je ne te dérangerai plus.

Surpris par la résignation précipitée de son interlocuteur, le serveur file chez lui. Adam le regarde s’en aller avec un air sournois. Il a une idée machiavélique derrière la tête. Il ne voulait pas en arriver là. Mais étant donné que Thierno lui complique la tâche, il va devoir employer les grands moyens.

Mariage de couverture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant