Les travaux pour l'agrandissement du restaurant "Les délices des Jaber" sont terminés. Anissa a une vision ambitieuse et prévoit ainsi d'enrichir la carte du restaurant avec des spécialités ouest-africaines. Depuis lors, elle est au four et aux moulins pour que tout se passe bien. Avec l'aide de sa petite sœur Bushra, elle imprime des affiches.
─ Qui va se charger des entretiens d’embauche ?
─ Bah, c'est Maysân hein ! Elle ne fout absolument rien ici. Faut bien qu'elle serve à quelque chose.
─ Eh Bushra, elle est plus âgée que toi hein !
─ Qu'elle se comporte comme une grande sœur alors ! Toi, je te respecte parce que tu mérites d'être respectée. Mais elle ? Hum.
─ Je ne vais pas me mêler de vos histoires, décide sagement Anissa.
─ Alors, on dit quoi ? Ça fait longtemps qu'on n’a pas discuté.
─ Hum, qu’est-ce que je peux bien te dire de nouveau ? réfléchit l’aînée. Ah oui, maman a accepté que je me mette avec un ajnabyoun¹.
¹(arabe) : quelqu’un d’une autre nationalité
─ Maman que je connais là ?
─ Eh oui !
La benjamine de la famille Jaber prend un bon moment pour se remettre de cette nouvelle tant elle est stupéfaite.
─ C'est une bonne chose. Enfin, elle évolue.
─ Je suis trop contente. Tu n’imagines pas à quel point ça me soulage.
─ Attends... tu as un petit-ami ?
Anissa répond par l’affirmative. Bushra, bien qu’étant heureuse d’apprendre qu’un homme partage la vie de sa grande sœur, ne peut s’empêcher d’exprimer son mécontentement. En effet, elle en veut à sa sœur de lui avoir caché cette information. Par conséquent, Anissa lui présente ses excuses. Elle ne voulait juste pas que cette information parvienne aux oreilles de ses parents.
─ J'espère que ton gars est un bon imam.
─ Comment ça ?
─ Quand j'ai présenté Medhi aux parents, ils lui ont demandé de diriger la prière pour voir s'il était un bon musulman.
─ Ah bon ?!
─ Ouais, et il s'en est bien sorti.
Anissa semble déconcertée par cette nouvelle condition. Elle ne s'y attendait absolument pas. Adam, son copain, est né dans une famille chrétienne. Mais, il a décidé de se convertir au judaïsme. Et depuis lors, il reste fermement attaché à cette religion. La jeune trentenaire qui venait, à peine, de se débarrasser d'un obstacle, en voit un autre s'ériger face à elle.
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Attendant sous un soleil de plomb, Thierno voit enfin son bus arriver. Même s’il est plein à craquer, il est bien obligé de s’y trouver une place vu qu'il ne lui reste plus que la modique pièce de 200 francs CFA.
Coincé entre plusieurs personnes, il garde précieusement la main sur sa poche afin de protéger son seul objet de valeur : son téléphone portable.
Après plus d'une heure de route, le bus stationne à son terminus. Thierno descend, puis, marche sur une longue distance avant de regagner la cour commune dans laquelle il vit.
Comme d'habitude, sans adresser un mot, ni même un regard à ses voisins, il rejoint directement la maison qui l’abrite.Les autres habitants de la cour en sont arrivés au stade où plus personne ne juge son attitude. Ils ont fini par s'y habituer.
Une fois à l’intérieur du domicile, l'asocial de la cour retire son haut et s'allonge spontanément à même le sol.
Sa grande sœur le surprend dans cette position, l'observe avec mépris avant de verbaliser le fond de sa pensée.
─ Pendant que tes amis travaillent, toi tu es couché ici comme du n'importe quoi !
─ Dialika, s'il te plaît ! Je suis fatigué.
─ Tu étais où ?
─ Chez un ami.
─ Toi ? Un ami ? Hum ! J'espère qu'il t'a aidé à trouver du travail hein !
─ Dialika, est-ce que tu peux me laisser me reposer s'il te plaît ?
─ Si tu veux la paix, trouve-toi un travail qui va te permettre de louer ta propre maison !
─ Eh !
─ Comme tu es trop paresseux pour chercher un job, j'en ai trouvé un pour toi. Le restaurant libanais d’à côté recrute. J'ai postulé pour toi.
Thierno se relève aussitôt.
─ Ah non ! s'exclame-t-il. Avec tous les diplômes que j'ai, je ne peux pas aller travailler dans un restaurant. Tu sais très bien que ce n'est pas ma valeur !
─ Téjal sa gémmiñ² ! Thierno, c'est soit ça, soit tu quittes cette maison.
²(wolof) : Ferme ta bouche
─ Tu es sérieuse là ?
─ Complètement. Tu commences à nous encombrer. Je ne me suis pas mariée pour héberger mon petit frère. Si tu ne veux pas travailler, tu dégages ! hurle l’ainée.
─ Tu trouves vraiment que je vous encombre ?
─ Quand tu es obligé de dormir au salon là, toi-même tu ne te sens pas encombré ?
Pendant une poignée de secondes, le petit-frère fixe son aînée droit dans les yeux. Il essaie d'analyser son regard. Pour le coup, elle semble entièrement sincère. Par conséquent, il prend un sac de supermarché, y met quelques affaires sous les yeux inquisiteurs de sa sœur.
─ Qu'est-ce que tu fais ? finit-elle par questionner.
─ Vu que je vous encombre tant, je vais partir.
Même s'il ignore où lui mèneront ses pas, le chômeur avance sans regarder en arrière.
Dialika le regarde s'en aller avec un sourire en coin. Elle n'est point inquiète. La jeune femme est persuadée que son petit-frère va rebrousser chemin aux premiers gargouillements de son ventre.
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Mariage de couverture
RomansaC'est l'histoire de l'union entre une hétéro et un homo. Généralement, c'est le gay qui se sert d'une femme afin de cacher sa sexualité. Mais, dans ce récit, c'est la non-gay qui utilise le non-hétéro pour se couvrir. Mais de quoi ? Lisez donc pour...