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Anissa observe la femme qui était assise à côté d’elle s’effondrer littéralement. Elle compatit à sa douleur même si elle ne la connaît ni d’Adam, ni d’Eve. Elle aurait aimé pouvoir lui dire que les médecins se sont trompés et que son mari est toujours en vie. Mais hélas, sa voisine de la salle d’attente est condamnée à vivre l’un des pires moments de son existence.

Elle est tellement obnubilée par la douleur de la nouvelle veuve qu’elle oublie qu’elle pourrait être la prochaine sur la liste. En effet, elle n’a toujours pas eu de nouvelles de Thierno. Depuis qu’elle a mis les pieds dans l’hôpital, personne ne lui a adressé la parole. Elle fait donc de la patience sa plus fidèle alliée avec pour seule distraction le spectacle d’une quinquagénaire de l’ethnie Bété qui pleure le départ de sa moitié.

Les heures défilent, mais rien de nouveau sous le soleil. Anissa commence à s’impatienter des "Patientez" que lui balancent sans cesse les infirmiers. Elle décide d’appeler Henri sur qui elle a l’intention de déverser sa colère.

─ Allô ma beauté, je te manque déjà ?

─ Ton produit que tu m’as vendu là, tu m’avais dit que ça n’avait pas d’incidence sur la santé non ?

─ Oui, ça fait juste dormir. Pourquoi ?

─ Tu m’as vendu de la merde, répond-elle énervée.

─ Comment ça ?

Anissa reste bloquée pendant un instant avant de raccrocher. En effet, elle ne veut pas lui expliquer qu’elle a utilisé la substance problématique sur son mari et que ça a mal tourné. Henri la rappelle, mais elle raccroche avant d’éteindre son téléphone pour éviter d’être importunée davantage.

Tout a commencé sur Telegram. Comme la plupart des personnes qui utilisent cette application, Anissa y était juste pour dénicher les dernières pépites en matière cinématographique. Un jour, dans l’un de ses canaux préférés, un individu s'est mis à faire la promotion de substances illicites qu’il disait posséder. Cela tombait pile poil au moment où Anissa venait de forcer Thierno à se marier avec elle. Se fournir ces produits se révélait être pour elle la solution miracle pour faire perdurer son plan machiavélique.

Après l’échec de ses affaires avec le cartel, Henri s’est redirigé vers le darkweb. Il a pu s’y fournir une bonne quantité de substances prohibées qu’il revend à des prix exorbitants. C’est ainsi que sa première cliente fût Anissa qui n’a pas été suffisamment maligne pour retirer sa photo de profil lors de leurs échanges. Le dealer l’a donc directement reconnue vu qu’il a déjà mangé dans son resto.

Un infirmier vient, enfin, à la rencontre de la libanaise pour lui donner des nouvelles. En effet, il commence par la rassurer en lui affirmant que Thierno est hors de danger. Elle lance un ouf de soulagement.

─ Je peux aller le voir ?

─ Oui, mais avant, il vous faudra passer chez le médecin qui souhaite vous parler.

─ Ok, allons-y !

L’infirmier conduit Anissa chez le médecin. Une fois devant son local, il lui chuchote un "bonne chance" avant de s’en aller. La trentenaire ne comprend pas pourquoi elle aurait besoin de chance, mais entre quand même.

─ Bonjour docteur, salue Anissa.

─ Asseyez-vous madame ! On n’a pas le temps.

Anissa obtempère toute confuse.

─ Quelqu’un a essayé d’empoisonner votre mari, annonce sans détour le médecin. On a procédé à des analyses et au vu de ce qu’on a eu comme résultats, il est clair qu’on veut nuire à votre époux.

─ Oh lala !

Oh gninnin ! C’est de votre faute, accuse le professionnel de santé.

─ Pardon ?

─ Au lieu de cuisiner pour votre mari, vous le laissez manger dehors. Voici les retombées ! Non seulement, c’est sûr qu’il vous trompe, mais en plus de ça, il va choper des cochonneries dehors. J’espère que vous allez retenir la leçon et prendre votre foyer au sérieux. Faudra pas venir déranger nos malades avec vos pleurs quand il va mourir d’empoisonnement !

Anissa le regarde toute estomaquée. Le discours du médecin lui a fait perdre ses mots. Elle s’éclipse du bureau sans bruits et se rend lentement vers la chambre de Thierno. Il lui faut du temps pour réaliser ce à quoi elle vient d’assister.

Quand elle se retrouve en face de Thierno, la nouvelle mariée affiche une mine gênée. Celui-ci lui adresse juste un bref regard avant de rediriger son attention ailleurs.

─ Comment tu vas ? demande timidement Anissa.

Thierno lève le pouce.

─ Je suis vraiment désolée de t’avoir raccroché au nez quand tu m’as appelé.

Thierno ne réagit pas. Son visage est complètement fermé.

─ Tu m’en veux ?

Thierno répond par la négative à travers un signe de tête.

─ En tout cas, si tu as besoin de quelque chose, je suis là, renchérit Anissa en s’asseyant sur une chaise à proximité de lui.

Thierno ne répond toujours pas. C’est ainsi que les époux Gueye vont rester silencieux pendant un long moment.

🤫🤫🤫

Æmeen est le dernier parent à récupérer son fils à la sortie de l’école. Portant Mustafa dans ses bras, il est interpellé par l’une des maîtresses de ce dernier.

─ Papa de Mustafa ! hurle la maîtresse.

─ Oui !

─ J’aimerais vous parler du comportement de votre fils ces derniers temps, annonce-t-elle.

─ Je vous écoute.

─ C’est vrai que depuis la petite section, Mustafa a toujours été un enfant plein d’énergie. Ce qui n’est pas vraiment un problème. Mais en ce moment, il utilise son énergie à mauvais escient. Il ne fait que s’en prendre aux filles. On a essayé de lui parler, mais si vous pouviez lui en toucher deux mots, ce serait l’idéal.

À ce moment-là, Æmeen n’a qu’une envie : insulter l’enseignante. Cependant, il se retient et fait mine d’adhérer à tout ce qu’elle dit.

Lors du dîner familial, il s’empresse de raconter la scène à sa femme. Celle-ci s’énerve.

─ Mustafa, ce n’est pas bien de taper ses petits camarades. Tu seras puni, déclare Maysân d’un ton ferme.

─ Laisse-le tranquille ! Il ne fait rien de grave. C’est comme ça qu’on apprend à être fort.

─ Ah non Æmeen, il ne faut pas que tu l’encourages dans ça.

─ Et c’est devant notre fils que tu me parles comme ça ? s’énerve le chef de famille.

Sans même qu’elle ne s’y attende, Maysân reçoit une violente claque de la part de son mari. Mustafa qui n’a pas perdu une miette de la scène éclate de rire.

─ Papa encore ! Gifle-là encore ! s’exclame-t-il enthousiaste.

Æmeen prend des morceaux de salade avec sa main qu'il jette violemment sur le faciès de son épouse.

Maysân, complètement humiliée, part se réfugier dans la salle de bain sous les rires moqueurs des deux hommes de sa vie.

Mariage de couverture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant