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C’est le jour du mariage. Anissa n’a l’air ni stressée, ni heureuse. Elle n’affiche aucune émotion. La trentenaire veut juste que ce mariage se termine au plus vite et qu’on n’en parle plus. Ce n’est pas le mariage féérique dont elle a rêvé depuis qu’elle est toute petite. Elle aimerait tout annuler. Mais malheureusement pour elle, elle ne peut plus revenir à la case départ, d’autant plus qu’elle a promis à son père qu’elle y mettrait du sien pour la réussite de cette union.

Thierno a le même faciès inerte que sa future épouse. Mais contrairement à elle, il ne surprend personne. Il a toujours refoulé ses émotions au plus profond de lui et ce n’est pas le jour de son mariage que les gens espéraient voir un changement.

Pour lui, ce mariage ne tiendra pas et il l’espère même d’ailleurs. L’homme qui adore la solitude pense qu’Anissa ne le supporterait pas plus d’un mois. Il a pour projet de se rendre désagréable afin que son épouse demande le divorce le plus rapidement possible.

Anissa, elle, est convaincue qu’en parvenant à lui faire porter la paternité de sa grossesse, il n’aura d’autre choix que de prendre le mariage au sérieux. Elle n’attend pas de lui qu’il soit un bon mari. Elle espère juste qu’il parviendra à lui faire garder son image de femme respectable auprès de la société.

La mosquée dans laquelle sera célébré le mariage est prête. Gil-Loïc a fait ce qu’il a pu avec le temps et le budget qui lui ont été accordés. Il est fier du résultat. Le wedding planner réalise que parfois les meilleurs rendus partent des éléments les plus simples.

Les invités arrivent au fur et à mesure. À gauche, il y a les parents et amis de la mariée. Tandis qu'à droite, figurent ceux du marié. C’est en jetant un coup d’œil aux convives qu’on réalise qu’il s’agit bel et bien d’un mariage mixte. D’un côté, on assiste à une exposition de beautés orientales et de l’autre, brille toute une rangée de teints d’ébène.

Le marié fait son entrée. Il est vêtu d’un boubou blanc en bazin qui met sa carnation en valeur. Il parcourt la salle du regard. De son côté, il y a majoritairement les membres de sa famille qui ont fait spécialement le déplacement. Des cousins, des tantes et même certains parents qu’il ne connait pas. Avant de s'asseoir, il adresse une pensée à ses géniteurs qui ne sont plus de ce monde.

Ensuite, arrive Anissa. Un sourire nerveux se dessine sur son visage. Dès que Nabil, le petit dernier de Bushra, la voit, il hurle son prénom. Toute l’assemblée rigole de la frasque du gamin et cela permet de détendre l’atmosphère. Anissa s’assoit en face de l’imam et regarde timidement son futur époux. Celui-ci ne bouge pas d’un poil et attend que le guide religieux prenne la parole.

À quelques lieues de là, Gil-Loïc s’occupe de la cour familiale des Jaber vu qu’elle va accueillir le déjeuner post-mariage.

Même s’il s’efforce de rester professionnel, il ne peut s’empêcher d’avoir de temps à autre, un pincement au cœur. Thierno étant son premier amour, il quelque peu chagriné de le voir s’unir à une autre personne. Il ne pensait pas que ce mariage jouerait autant sur son moral.

À la mosquée, la cérémonie vient de s’achever. Durant un long moment, Anissa et Thierno ont feint d’écouter l’exposé de l’imam sur les obligations et les interdits dans un mariage musulman. Comme tous bons mariés lambda, ils se contentés de faire ce qu’il faut.

Il est à présent temps de prendre les photos. L’hypocrisie va reprendre de plus belle. Les mariés, aidés par le photographe, font des poses romantiques. Quand bien même ils ne font pas beaucoup d’efforts, toute l’assistance demeure bluffée.

─ Ils sont mignons hein, commente Dialika.

─ C’est vrai, reconnaît Bushra. Ils forment un beau couple.

Vu que la maison des Jaber est à deux pas de la mosquée libanaise où s’est tenu le mariage, les invités y arrivent en un clin d’œil. Les serveurs du restaurant ont été réquisitionnés pour effectuer le service. En voyant Thierno arriver bras dessus, bras dessous avec Anissa, Apo casse malencontreusement un verre.

Gil-Loïc refusant d’être témoin du bonheur des mariés, décide de s’échapper dès leur arrivée. En sortant de la cour familiale, il aperçoit Medhi au loin. Il s’immobilise telle une statue. Croyant avoir mal vu, il se rapproche davantage pour vérifier. Le jeune homme n’en croit pas ses yeux.

─ Medhi, prononce-t-il d'une traite.

─ Gi…Gi…Gi…Gil-Loïc ! Mais…

Au même moment, Nabil, fatigué, se met à gigoter dans les bras de son père.

─ Papa, je veux aller chez maman, se plaint-il.

─ Medhi, tu m’expliques ?

─ Euh Gil-Loïc, accorde-moi deux minutes, le temps que je le ramène chez sa mère.

─ Je te suis. Aujourd’hui là, on est collé, serré, scotché, cimenté.

Finalement, Medhi confie son dernier né à sa belle-mère vu qu’il ne retrouve pas sa femme. Il s’isole, par la suite, avec Gil-Loïc.

─ Je vois que tu t’es bien foutu de moi, commence le wedding planner. Tu m’as fait croire que tu étais célibataire alors que visiblement, ce n’est pas le cas. Tu voulais juste me soutirer des sous, n’est-ce pas ?

─ Je te demande pardon.

─ Moi, je veux mon argent.

─ Laisse-moi un peu de temps, s’il te plaît !

─ Tu te fous de moi ?

─ Non oh, je suis sérieux. Actuellement, c'est vraiment chaud sur moi.

Gil-Loïc a un rictus. Les réponses de son interlocuteur l’irritent de plus en plus.

─ Si tu ne me rembourses pas tout de suite, j’irai tout leur raconter, menace-t-il en pointant les invités du mariage.

Medhi s’apprête encore une fois à implorer le pardon de son "ex" quand il se fait interrompre par son épouse.

─ Mon mari, y a ces policiers qui ont demandé à te voir, annonce-t-elle.

Les policiers en question se rapprochent de Medhi.

─ C’est vous monsieur Medhi Abdel Reda ?

─ Oui, c’est moi. Qu’est-ce qu’il y a ?

─ Vous êtes en état d’arrestation pour trafic de drogue.

Aussitôt, un sergent lui passe les menottes et le conduit vers une voiture de police. Bushra se met à hurler. Elle tente de s’opposer farouchement aux agents de la police.

La scène fait grand bruit et tout le monde se rue hors de la cour familiale. Ils assistent tous, impuissants, à l’arrestation du mari de Bushra.

Mariage de couverture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant