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Medhi attend sa belle-mère depuis deux heures. Il s'est rendu chez elle car il a l'intention de lui parler d'un sujet important. Mais vu qu'elle lui accorde peu d'intérêt depuis son passage en prison, elle le fait attendre alors qu'elle est occupée à ne rien faire.

L'ex-prisonnier prend son mal en patience. Il ne peut pas passer par une autre personne pour régler son problème. Alors, il est bien obligé d'attendre. Qu'elle fasse même une journée entière dans sa chambre, il ne bougera point.

Finalement, la mère de sa femme se pointe pendant qu'il se sustente.

─ Qui t'a servi ça ? est la première interrogation qu'elle lui soumet.

─ C'est la servante. Elle me l'a gentiment proposé.

La maîtresse de maison fait appel à son employée et ne se gêne pas pour la réprimander devant son beau-fils. Medhi, couvert de honte, ne touchera plus à son repas.

─ Tu es venu faire quoi dans ma maison ?

─ Il y a un sujet important dont j'aimerais te parler.

Pause de quelques secondes.

─ Mais tu attends quoi pour parler ? hurle la mère de Bushra.

Medhi ravale sa salive.

─ Je suis venu te dire qu'il faut qu'on retire Bushra de l'hôpital psychiatrique. J'ai l'impression qu'on la maltraite là-bas. À chaque fois que je m'y rends, il y a toujours quelque chose qui ne va pas.

─ Et elle va rester où ?

─ Chez moi. Je vais m'occuper d'elle.

Dame Jaber ricane.

─ Toi ?

─ Oui.

─ Un drogué qui veut s'occuper d'une malade mentale ! Waw, dans quel monde sommes-nous ?

─ J'ai beaucoup changé, la vieille.

─ Qui est ta vieille ?

─ Pardon.

La veuve de Papa Jaber s'accorde un moment de réflexion.

─ De toutes les façons, la garder dans cet asile coûte vraiment cher. Donc si tu penses que tu peux la gérer, ça me fera des économies.

─ Donc c'est OK, n'est-ce-pas ? demande Medhi.

Dame Jaber le fusille du regard avant de retourner dans sa chambre.

😒😒😒

Les délices des Jaber de Bouaké viennent d'ouvrir leurs portes. Après toute la promo qu'il a faite, Drissa s'attendait à beaucoup plus de monde. Il est un peu déçu de la faible affluence.

Le nouveau restaurateur comprend qu'à Bouaké, la population ne va pas au restaurant comme à Abidjan et qu'il devra faire beaucoup plus d'efforts pour attirer de la clientèle.

Adam est à ses côtés. Il n'aurait voulu rater ce moment pour rien au monde. Conseillant de nouveaux clients qui ne s'y connaissent guère en chawarma, il voit Anissa débarquer sur les lieux. « Mais qu'est-ce qu'elle fait là celle-là ? » chuchote-t-il.

─ Hein ! s'exclame l'un des clients novices en chawarma.

─ Non, ce n'est pas à vous que je m'adressais, réplique Adam. Je reviens dans un instant.

Le visage fermé, il part à la rencontre d'Anissa qui contemple la construction de son défunt père.

─ Tu n'as rien à faire ici, lui déclare-t-il.

─ Je suis légitime d'être ici. C'est le restaurant de mon père.

─ C'est le restaurant de Drissa.

─ Comme tu veux ! Dis-lui que je veux le voir.

Quand on parle du loup, on voit sa queue. Le patron du restaurant se ramène comme s'il avait senti qu'on le réclamait.

─ Anissa, si tu es venue pour essayer de me mettre des bâtons dans les roues, sache que ce n'est pas le mom...

─ Je suis venue te féliciter.

Le couple est choqué. N'est-ce pas la même Anissa qui s'opposait à ce que Drissa hérite du restaurant ?

─ Ça te surprend peut-être mais je tenais vraiment à te dire bravo, renchérit Anissa. Je t'en voulais parce que je refusais d'accepter que tu étais mon frère. Cela m'aurait poussé à admettre que notre père avait été infidèle et c'était trop dur pour moi. Mais maintenant, je suis passée à autre chose et j'ai préféré mettre mon ego de côté.

─ Tu ne crois plus que j'ai monté un plan avec le notaire ?

─ Ah non, rassure-toi !

─ Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?

─ Quelqu'un en qui j'ai confiance m'a assuré que tu es mon frère et je le crois.

─ C'est bien alors !

─ En tout cas, si tu as besoin de conseils, si tu veux qu'on collabore, il n'y a pas de problèmes.

─ C'est gentil d'avoir fait ton mea culpa. Mais nos relations s'arrêtent là. Je ne voulais pas apprendre à te connaître quand notre père vivait et ce n'est pas maintenant que ça va changer. Je me débrouillerai bien tout seul. Sur ce, la sortie, c'est par là-bas, termine Drissa.

Adam pouffe de rire. Mais il a tout de même la galanterie de raccompagner son ex.

─ Honnêtement, j'ai bien aimé que tu aies reconnu tes torts. J'ai reconnu la vraie Anissa quand tu l'as fait. Pas celle qui est devenue dingue quand elle est tombée enceinte, déclare Adam.

─ Euh ok.

─ Ça m'a même donné envie de m'occuper de nos filles.

─ N'y pense même pas, répond Anissa d'un ton autoritaire.

─ Je rigolais. Les enfants, c'est pas mon truc. Ce que j'aime dans le fait d'être avec des mecs, c'est qu'on ne peut pas en avoir.

─ Naturellement, ajoute Anissa.

─ Ta précision est très juste. On dirait que Thierno t'a bien briefé sur ces trucs-là !

─ Hum, murmure Anissa pour se débarrasser de lui.

Mais Adam est d'humeur très bavarde.

─ À propos de Thierno, comment il s'occupe des petites ? Lui qui ne parle jamais !

─ Maintenant, il parle hein ! En tout cas, c'est un bon papa.

─ Il est vachement courageux de s'occuper de deux morveuses qui ne sont pas les siennes. Mais bon, j'imagine qu'il profite bien de ton argent en retour.

Anissa soupire d'agacement.

─ Adam, je vais devoir y aller. Tu sais, Bouaké est quand même loin d'Abidjan.

─ Ouais, je comprends. J'espère qu'on restera sans rancune hein !

─ Sans rancune. Je ne t'en veux plus, rassure Anissa.

─ Tu m'inviteras au prochain anniversaire des jumelles alors !

─ Même pas en rêve !

Les ex se séparent avec des éclats de rire. Ils ne le savent pas encore. Mais, ils ne se reverront plus jamais.

Adam évoluera sans jamais se demander ce que seront devenues ses filles car en réalité, il ne les a jamais considérées comme telles.

Mariage de couverture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant