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Dès le lever du jour, Thierno se rend au restaurant. Pas de bol pour lui ! Il est encore fermé. Ce qui signifie qu’il va devoir revoir Anissa. Cela ne l’enchante guère. Mais il se rassure en se disant que c’est la dernière fois. Ressassant en boucle les derniers événements, il attend.

Son épouse arrive une demi-heure après. Contrairement à lui, elle est soulagée de le revoir.

─ Eh Thierno, je suis contente ! Après ce qui s’est passé, je me suis demandée si je te reverrais. J’avais tellement peur.

─ Tu attends quoi pour ouvrir le resto ?

─ Désolée ! Tu es venu tôt aujourd’hui hein ! constate Anissa pour détendre l’atmosphère.

Thierno ignore royalement sa remarque. Son regard est fixé sur la serrure qui se déverrouille progressivement. Dès que c’est ouvert, il se précipite à l’intérieur faisant fi de toute forme de galanterie.

Le co-gérant se dirige dans son bureau pour y rassembler toutes ses affaires. Cela lui prend une heure. Il récupère tout ce dont il a besoin.

Ça y est ! Il pense avoir pris tout ce qu’il lui faut.

En sortant, il se souvient qu’il a un paquet de cigarettes dans le cellier. Faut-il s’y attarder ? Il choisit d’opter pour l’affirmative.

Il avait réussi à arrêter de fumer depuis la naissance des jumelles. Mais il sent qu’il aura grandement besoin de revenir vers cette addiction.

Après avoir ouvert la porte du cellier, il tombe sur Apo et Yves en plein ébats sexuels. Il a envie de rigoler, mais parvient à garder tout son sérieux. Les jeunes serveurs sont extrêmement mal à l’aise. Ils se rhabillent sur le champ.

─ Ah non, ne vous dérangez pas pour moi ! Je venais juste récupérer mon paquet de cigarettes.

Apo se met à genoux devant son patron.

─ Je suis vraiment désolée que tu aies dû voir tout ça, dit-elle. Lui et moi, c’est juste du sexe, tu sais.

─ Apo, pour une bonne fois pour toutes, je ne suis pas amoureux de toi. Je ne l’ai jamais été. Tu peux même coucher avec la terre entière si ça te chante. Moi quoi dedans ?

C’est après cette interrogation sans réponse que Thierno ressort du cellier transformé en mougoudrome. Il se dirige vers la sortie. Il croise Anissa sur son chemin.

─ Où est-ce que tu vas avec toutes ces affaires ?

─ Je m’en vais.

─ D'accord. Mais où ?

─ Tu es débile ou quoi ? Je me tire d’ici.

─ Thierno, s’il te plaît, tu ne peux pas me faire ça.

─ Si, je peux.

─ Mais on n’a eu aucune discussion. Quand je t’ai avoué pour Gil-Loïc, tu es parti. Pardon, permets-moi au moins de t’expliquer pourquoi j’ai agi ainsi.

─ Je n’ai plus rien à te dire.

─ Thierno…

─ Ciao Anissa !

Malgré les supplications de la libanaise, Thierno ne daigne même pas regarder en arrière. Il a une idée en tête désormais et fera tout pour qu’elle se réalise.

🧠🧠🧠

La petite sœur des Délices des Jaber connaît aussi des mésententes au niveau de ses gérants. En effet, dans le restaurant de Bouaké, rien ne va plus. Quelques temps après l'ouverture, le bilan est catastrophique. Le commerce fonctionne à perte.

Depuis lors, Drissa est devenu irascible envers son petit-ami. Ce dernier n’en peut plus et compte bien lui dire ce qu’il pense.

─ Drissa chou, depuis un bon moment, tu es désagréable avec moi. C’est vrai que le restaurant ne marche pas, mais ce n’est pas une raison pour me traiter aussi mal. N’oublie pas que j’ai tout laissé à Abidjan pour te suivre dans cette aventure.

─ J’suis pas d’humeur à parler de ça.

─ Ah non, on va en parler. Il en va de notre couple. Et puis, ce n’est pas comme si tu étais occupé. Regarde ! Il n’y a personne dans le restaurant.

─ Écoute Adam, je te demande pardon si je t’ai blessé. C’est bon ?

─ Hum, ça ira. Maintenant que tu sembles plus détendu, je peux te parler de mon idée pour ramener plus de clients ?

─ Vas-y !

─ Il faut demander de l’aide à Anissa. C’est vrai que tu bénéficies du nom commercial "Les délices des Jaber". Mais il faut que tu aies aussi leur expertise. J’ai déjà dégusté les chawarmas du restaurant d’Abidjan et je t’assure qu’ils n’ont rien à voir avec ce que tu sers ici.

─ Tu insinues que mes chawarmas ne sont pas bons ?

─ Je vais être très honnête Drissa. Ils sont dégueulasses.

─ Tu n’as aucun goût.

─ Mais pourquoi tu…

─ Je ne veux plus t’entendre. Je ne demanderai l’aide de personne.

Adam se terre dans le silence pour éviter d’agacer son amoureux. Il se découvre des capacités de soumission qu’il ignorait jusque-là. Depuis un bon moment, il encaisse sans rien dire. On dit que l’amour rend aveugle. Pourquoi a-t-on oublié de mentionner qu’il rend aussi muet ?

🤫🤫🤫

Thierno est sur la route. Il conduit en direction du point de départ d'un long périple qu’il envisage de faire. À un moment de son trajet, il passe près de l’école de ses filles. Son cœur se serre. Elles lui manquent terriblement. Il se sent obligé de s’arrêter.

Devant la classe de petite section, il tape plusieurs fois dans ses mains. Dès qu’elle le voit, Nawel court vers lui.

─ Papa !

─ Oui, mon cœur. Ça va ?

La gamine hoche la tête.

─ Où est ta sœur ?

─ À la maison.

Thierno tapote son front.

─ Ah c’est vrai ! J’ai oublié qu’elle est malade.

─ Maman ne veut plus que je m’amuse avec elle. Elle est méchante.

─ Non, elle n’est pas méchante. Quand Djinda va guérir, vous pourrez continuer à jouer ensemble. Tu as compris ma chérie ?

─ Oui.

Thierno la regarde avec un sourire nourri de fierté. Qu’est-ce qu’elle est mignonne !

─ Bon, je vais devoir y aller. Tu me fais un bisou ?

Nawel lui en fait plusieurs. À son tour, il lui en fait aussi.

─ Ça, c’est pour toi, dit-il après un bisou sur sa joue gauche. Et ça, c’est pour Djinda, continue-t-il après avoir fait de même sur la joue droite.

Les retrouvailles père-fille terminées, Thierno reprend la route. Il arrive à destination après de longs bouchons.

Il est devant l’ambassade des États-Unis en Côte d’Ivoire. Il compte y effectuer les formalités nécessaires pour se rendre au pays de l’Oncle Sam. Vous l’avez bien compris, il veut rejoindre son Gillo coûte que coûte.

Mariage de couverture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant