Batailles

5.

Mia

Encore un peu secouée par ce qu'il vient de se passer j'ai dans un premier temps envie d'hurler à cette fille rousse de dégager et de me foutre la paix. Mais ma curiosité me tiraille et me force au calme pour le moment. Je sens sa présence légèrement en retrait de moi, mais tout de même assez présente pour savoir qu'elle me suit bel et bien. Ce n'est qu'au bout de quelques mètres parcouru en silence que je me résigne à m'arrêter pour me tourner vers elle et lui demander :

Mais en fait tu es qui te permettre de gâcher mon rencard ?

Une lueur amusée parcourt ses yeux d'un bleu très clair tandis qu'elle me tends sa main en me répondant :

— Je suis Bella. Je connais Malo de très longue date.

— Est-ce que tu es son ex ou un truc du genre ?

Cette fois-ci elle rit franchement. Je ne comprends pas ce que ma question a de si drôle et malgré moi je pince l'arrête de mon nez pour ravaler un sarcasme. Lorsque son rire s'éteint enfin elle daigne me répondre :

— Non pas du tout. Et tu ne devrais pas t'approcher de lui.

— Pourquoi ça ? Je ne te connais pas, tu ne me connais pas, tu sors de nulle part et tu te permets de me dire quoi faire. C'est sacrément gonflée.

— Ce n'est pas parce que toi tu ne me connais pas, que moi je ne te connais pas dit-elle avec un sourire énigmatique.

Mais bordel, tout le monde m'espionne dans cette foutue ville ou quoi ? C'est quoi son problème à elle et à Malo ? Je n'ai pas le temps de dire quoique ce soit qu'elle reprends d'une voix un peu plus douce :

— Malo aura une très mauvaise influence sur toi Mia. Vraiment très mauvaise. Ne te laisse pas avoir s'il te plaît.

— Admettons, dis-je en soupirant, en quoi est-ce ton problème si j'ai soudainement envie de gâcher ma vie ?

— En réalité ce serait le problème de beaucoup de personnes qu'il parvienne à avoir une telle influence sur toi. Tu ferais mieux de m'écouter je te l'assure Mia.

Plus je l'écoute, plus je meurs d'envie d'aller retrouver Malo. Peut-être qu'elle a raison, mais je ne supporte pas les interdits surtout quand ils sont aussi fourni avec aussi peu d'explications. J'avais besoin de réponses et cette soirée m'apporte encore plus de questions. Comprenant que Bella ne m'apprendra sans doute rien de plus sur Malo je décide de changer de sujet, peut-être que ça m'éclairera un peu plus. Je mobilise toute ma mémoire pour me rappeler le terme qu'elle a employé à mon sujet mais le mot m'échappe à chaque fois si bien que je finis par platement lui demander :

— Comment est-ce que tu m'as appelé au restaurant déjà ?

— C'est un peu plus qu'un nom, c'est ce que tu es réellement. Le terme est nephilim.

Toujours plantées au beau milieu de la rue à discuter mes yeux doivent être assez interrogateurs pour que Bella poursuive d'elle-même avec une certaine hésitation :

— Ca risque d'être difficile à croire pour toi Mia, je sais à quel point tu as besoin que les choses soient rationnelles. Peut-être qu'on se devrait aller ailleurs pour en parler ? Chez toi par exemple ?

Je n'ai aucune envie de ramener cette fille quasiment inconnue dans mon petit studio et sans m'en rendre compte je secoue négativement la tête. Bella soupire avant de reprendre :

— Très bien, faisons ça ici alors, mais si tu n'encaisses pas le choc et que tes jambes se dérobent ça ne sera pas ma faute.

Je la regarde un peu interloquée, c'est si énorme que ça ce qu'elle a à m'annoncer ? Je suis soudainement un peu moins sûre de vouloir voir ma curiosité assouvie mais la voix de cette dernière se déchaîne dans ma tête et une longue bataille intérieure et silencieuse s'en suit. Bella semble respecter le temps dont j'ai besoin et ce n'est que quand mes yeux se rivent dans les siens en quête d'une réponse qu'elle lâche :

— Est-ce que tu peux me parler de tes parents ?

Je la regarde avec surprise, la bouche stupidement ouverte tant je m'attendais à tout sauf à ça. Il me faut de courtes secondes pour me reprendre et mon étonnement laisse place à au rire. Cette fille se moque de moi, ça ne peut pas être possible autrement, si bien que je lui réponds railleuse :

— Si tu connais si bien ma vie tu dois déjà connaître le chapitre sur mes parents.

Un sourire légèrement victorieux naît sur les lèvres de Bella et ce maudit sourire me donne immédiatement envie de la haïr de tout mon être. On se jauge en silence un petit moment, je ne compte pas lui raconter ma vie privée qui est justement privée. Et visiblement Bella reste inflexible à attendre une réponse. Ce jeu du roi du silence m'exaspère profondément si bien que je tourne les talons pour reprendre ma marche d'un pas rageur.

J'aimerai tellement m'en foutre de tout ça, dire que ça ne m'atteint pas, que ma curiosité n'a pas été piquée au vif mais il n'en est rien. Je sais que Bella me suit toujours puisque j'entends le claquement de ses talons juste derrière moi. Ce n'est qu'au bout de longues minutes que je finis par plier et lâcher dans un souffle :

— Si tu veux que je te parle de mes parents ils sont plutôt aimant et bons avec moi. Mon père est médecin, c'est de lui que vient mon intérêt pour cette discipline, ma mère s'occupait elle de la maison. Maintenant si ta question portait sur les gens à qui je dois la vie je n'ai aucune information à leur sujet et c'est sans doute mieux ainsi. Après tout c'est ma génitrice qui a volontairement choisi de ne rien me laisser.

— Et si je te disais que moi j'avais des informations ?

— Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans le fait que mon père est un parfait inconnu et que ma mère m'a abandonné dès qu'elle m'a expulsé ?

— Je sais que tu as toujours voulu savoir, voulu comprendre et le moment est enfin venu pour que quelqu'un te l'explique.

Je me retourne pour détailler Bella et si c'était elle ma mère ? Ce doute affreux traverse mon esprit une fraction de seconde et j'ai besoin de détailler son visage finement ciselé pour m'assurer que nous n'avons aucune ressemblance. Son âge qui doit être proche de mes vingt-six ans fini de me rassurer totalement. Mais si ce n'est pas ça, qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est une sœur ? Je secoue la tête pour sortir de mes pensées et pose un regard interrogatif sur Bella pour l'encourager à continuer.

— J'aurais préféré qu'on soit assises dans un endroit au calme pour que je te dise ça mais puisque tu es encore plus têtue que moi très bien faisons ça ici. Effectivement tes parents n'ont pas eu d'autres choix de t'abandonner à ta naissance et c'était loin d'être volontaire. Aujourd'hui encore ils paient le prix de ce choix.

Bella s'arrête pendant de longues secondes comme si elle cherchait ses mots pour poursuivre et lorsqu'elle le fait enfin c'est pour changer de sujet :

— Tu ne sais pas ce que sont les nephilims, sinon tu aurais déjà compris de quoi je te vais te parler. Ce n'est pas grave je vais te l'expliquer tu es prête ?

J'hoche la tête pendue à ses lèvres dans l'espoir d'avoir enfin une réponse digne de satisfaire la curiosité qui me broie littéralement le ventre.

— Un nephilim est le fruit de l'union d'un ange et d'un démon. C'est ce que sont tes parents, c'est aussi ce que je suis ou ce qu'est Malo. Et...

— Tu te fous de moi c'est ça ? Je refuse de croire à tes délires, dis-je en l'interrompant, les anges, les démons, la religion et tout ce bordel ça n'existe pas.

Un sourire triste apparaît sur les lèvres de Mia tandis qu'elle m'explique :

— Je ne voulais pas faire les choses ainsi mais le temps presse un peu Mia. Désolée de te secouer un peu toi et tes idées préconçues sur tout dit-elle d'une voix douce mais ferme, donne moi ta main.

Un peu trop abasourdie par ce qu'elle est en train de me dévoiler je lui tends machinalement ma main gauche.

— C'est parti, lâche Bella en attrapant ma main.

On est là, encore au milieu de la rue, à se tenir la main comme s'il allait se passer quelque chose. Et effectivement, soudainement une douce mélodie sort de la bouche de Bella, un peu comme si elle psalmodiait quelque chose d'incompréhensible tant sa voix est basse. Mes yeux clignent plusieurs fois sans que je ne sache expliquer pourquoi réellement. Et lorsqu'ils se réouvrent un hoquet de surprise m'échappe.