Le loup noir: spin off de Neven l'écarlate

Chapitre 24 Comme père et fille

Judith chuta lourdement sur les planches du pont du Phantom, son corps heurtant le bois avec un bruit sourd. Tout autour d'elle, les membres de l'équipage scandèrent son nom ou celui du capitaine, créant une atmosphère électrique. Chacun semblait avoir parié sur le résultat du duel, prenant des paris informels sur qui allait émerger victorieux.

Plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis le pillage de Warwick, laissant des traces indélébiles dans les esprits et les cœurs. À la nouvelle du tragique événement, le roi Eadmund entra dans une fureur noire. Il offrit une prime généreuse à quiconque pourrait ramener le Loup Noir, espérant que des corsaires habiles pourraient le capturer et le présenter, pieds et poings liés, devant lui. La chasse à l'homme était lancée.

Mais au lieu d'être effrayé, la situation flattait le pirate. Enfin, il pouvait être considéré comme un véritable fléau des mers. Quant aux autres capitaines, une fois la capitale pillée, ils s'empressèrent de regagner l'archipel de Manéran pour profiter des richesses colossales qu'ils avaient obtenues grâce à Harlken. Le Loup Noir espérait qu'il n'aurait plus jamais à croiser ni à côtoyer Erik...

De retour au repaire des pirates, Kurt partagea le trésor avec ses hommes qui, n'étant pas vraiment du genre à penser à leurs vieux jours, dépensèrent tout en quelques semaines, entre alcool et plaisirs charnels. Alors que chacun savourait ce moment de repos bien mérité, le Loup Noir réfléchissait déjà à sa prochaine cible. Il envisageait de laisser les royaumes du Nord respirer un peu, même si une certaine envie de revoir la redoutable princesse refaisait surface. Il nourrissait également le désir d'apporter son aide à la sirène dans sa quête de souvenirs, mais cela devait attendre. Finalement, il trouva sa nouvelle cible : les cités marchandes de l'océan du Levant. Désormais, bénéficiant d'une confiance totale de la part de ses hommes, aucun d'entre eux ne trouva à redire lorsque Kurt se lança une nouvelle fois à l'assaut des navires marchands des cités.

Kurt se tenait debout, dominant la scène. Son regard perçant se posa sur Judith, encore à terre, essoufflée et frustrée par sa chute.

-Alors, Judith, déjà fatiguée ? A ce train là j'aurais le temps d'atteindre la cinquantaine avant que tu n'arrive à seulement m'effleurer. déclara Kurt d'un air supérieur, un sourire en coin.

La jeune fille ne se laissa pas démonter et se releva, faisant face au pirate avec détermination. Grâce à Kurt, elle avait réussi à se faire une place au sein du Phantom. Kurt s'était assuré qu'elle acquière toutes les bases de la vie de matelot pour qu'elle puisse occuper différents postes. Certains pirates furent d'abord hostiles à son égard, la considérant comme un poids mort, tandis que d'autres éprouvaient des envies douteuses. Cependant, aucun mal ne lui fut fait, car tous savaient ce qu'ils risquaient en cas d'abus.

L'ombre du capitaine planait au-dessus de Judith, veillant sur elle, mais la jeune fille voulait montrer qu'elle pouvait se débrouiller seule. Ses progrès fulgurants impressionnèrent tout le monde, même Kurt. Quand elle fut enfin considérée comme une véritable membre du Phantom, Kurt tint sa promesse et commença à lui enseigner l'art de l'escrime.

Chaque matin, à l'aube, un rituel silencieux s'installa entre Judith et Kurt. La jeune femme le défiait à l'escrime, mais les résultats étaient invariablement les mêmes : Judith s'effondrait au sol, vaincue par les talents supérieurs de Kurt. Pourtant, elle ne se décourageait pas. Dotée d'une force de caractère impressionnante, elle refusait de perdre sa motivation. Jour après jour, combat après combat, défaite après défaite, Judith s'efforçait de maintenir son objectif en tête. Elle passait ses nuits à s'entraîner en secret, répétant inlassablement les mouvements que Kurt lui avait enseignés. Elle écoutait attentivement les conseils des autres membres d'équipage, apprenant de leurs expériences et de leurs erreurs.

Dans un enchaînement rapide, Kurt fit tourbillonner sa lame autour de celle de Judith. Cette dernière tenta de reculer, semblant comprendre la manœuvre de Kurt. Cependant, le pirate la prit au dépourvu avec une nouvelle technique qu'il n'avait jamais utilisée. Pendant qu'elle reculait, il lui fit un croche-pied, la faisant chuter au sol. La scène se conclut avec la pointe du sabre de Kurt juste sous le menton de Judith, signifiant la fin du duel. Immédiatement, plusieurs pirates soupirèrent, échangeant quelques pièces à d'autres en conséquence de leurs paris antérieurs.

- Sale tricheur ! s'exclama-t-elle, le regard empli de colère.

- Dans un combat, toutes les tactiques sont bonnes, même celles qui peuvent paraître peu honorables, jeune Judith. Il arrivera que tu tombes sur des adversaires qui utiliseront toutes les ruses et les coups bas possibles. C'est là ma petite leçon du jour... conclut-il en rangeant son sabre, puis en tendant sa main vers Judith pour l'aider à se relever.

Mais la jeune fille repoussa sa main et se releva toute seule, puis alla s'atteler aux tâches quotidiennes. Kurt la contempla pendant un instant, secoua la tête avec un sourire bienveillant. Au fil de ces semaines, une affection particulière avait germé en lui à l'égard de Judith, mais elle n'avait rien de charnel. C'était plutôt une tendresse presque paternelle, comme s'il la considérait comme sa propre fille. Kurt était bien conscient des épreuves qu'avait traversées Judith, témoin du massacre brutal de sa famille. Résolu à faire de cette jeune fille une femme capable de se débrouiller par elle-même, un peu à la manière de la célèbre Neven, Kurt s'était engagé à la guider sur cette voie.

Le calme revenu après le tumulte du duel, Heckel s'approcha du capitaine.

- Alors, Cyclope, finalement, tu as décidé quoi ?

- Cap vers la mer d'Azur, mon ami. Je me dis que les navires marchands du Sultanat Abayid seront ravis de se voir soulager du fardeau de leur richesse. Et puis, je suis assez curieux de cette région. Je n'ai jamais pu la visiter du temps où j'étais dans la marine d'Astria.

Soudain, un cri perça le silence de l'océan.

- Navires en vue ! hurla la vigie, son cri déchirant la tranquillité ambiante.

Aussitôt, Kurt s'avança vers le bastingage bâbord du navire. Dépliant sa longue-vue, son regard scruta l'horizon. Lorsqu'il aperçut les pavillons flottant au vent, son visage s'assombrit, une lueur d'inquiétude perçant ses yeux.

- C'est le pavillon de guerre de la marine d'Astria... murmura-t-il, sa voix empreinte de gravité.