- Chapitre 43 -

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Nous remontons silencieusement les escaliers.Ares garde une main ferme mais presque discrète sur la taille, me guidant dans un mot. Le silence est pesant, presque étouffant, comme si quelque chose planait au dessus de nous, invisible mais omniprésent. Je sens sa tension, palpable, et cela me met encore plus mal à l'aise.

Lorsque nous sortons enfin, Arès me guide vers l'extérieur. L'air chaud du dehors me frappe en plein visage. Le soleil est éclatant, presque aveuglant après la froideur du cabinet du médecin. Nous avançons en direction de la chambre mais Arès s'arrête brusquement devant la fameuse terrasse, un endroit que je n'aurais jamais pensé pouvoir revoir.

- On s'assoit ici, dit-il d'une voix tendue, sans me porter le moindre regard.

Je ne discute pas, je ne discute plus depuis longtemps. Je le suis jusqu'à sa table, celle légèrement en retrait où nous nous étions déjà installés auparavant, à l'ombre d'un parasol blanc. Le soleil fait scintiller l'air autour de nous, créant une chaleur presque suffocante, exagérée par le regard insistant et inquisiteur des hommes autour de nous.

Arès s'assoit en face de moi, ses mouvements sont brusques, comme s'il se battait intérieurement contre quelque chose. Il sort son téléphone qu'il pose sur la table, ses doigts tapotent nerveusement sur la table, ses mâchoires se crispent.

La serveuse s'approche, toujours aussi souriante, avec son carnet de commande à la main.

- Monsieur Yrieix, je suis heureuse de vous revoir. Qu'est-ce que je vous sers ? dit-elle pleine d'entrain.

Je jette un coup d'œil à Arès, qui ne réagit pas immédiatement, son regard perdu dans le vide. Il finit par relever la tête, mais son regard habituel, celui qu'il affiche devant les gens est différent. Il est ailleurs.

- Un café pour moi, répond-t-il sèchement. Et toi ? ajoute-t-il.

Je prends un moment avec de répondre, encore décontenancée et surprise par ce simple geste de me demander mon avis.

- Juste un verre d'eau s'il vous plaît, merci dis-je doucement.

La serveuse note rapidement notre commande.

- Servez lui un verre de jus de fruits plutôt, ajoute Arès.

J'aurai dû me douter que ce n'était pas dans ses habitudes de me laisser le choix.

La serveuse modifie la commande sur son carnet avant de disparaître. Un silence lourd retombe immédiatement. Arès est toujours tendu, les épaules rigides, les yeux fixés sur un point invisible derrière moi. L'envie de lui poser des questions me démange, mais l'appréhension est plus forte et me cloue sur place.
Pourtant, après quelques minutes de silence insoutenable, je me lance.

- Monsieur Yrieix... qu'est-ce qui vous met en colère ? Osé-je demander doucement, ma voix à peine audible et tremblante.

Arès reste immobile, ses yeux se plissant légèrement, mais il ne me répond pas. Je peux voir la bataille dans son regard, un mélange de frustration et d'hésitation. Sa main droite se crispe sur son téléphone, comme s'il luttait pour ne pas l'écraser.

La serveuse revient avec nos boissons, dépose rapidement le café et le jus de fruits devant nous, puis s'éclipse en ajoutant qu'elle reste à sa disposition. Mes yeux ne quittent pas Arès, qui semble de plus en plus perturbé.

- Mon frère a envoyé un message tout à l'heure, finit-il par lâcher d'une voix rauque.

Je reste silencieuse, attendant la suite, même si je sais que le simple fait qu'il réponde à ma question est déjà un événement en soi. Arès ne se confie jamais. Jamais.

- Il a parlé avec notre père et m'a prévenu qu'il allait venir, continue-t-il.

Je fronce les sourcils, confuse par l'information. Son père ? Je n'ai jamais entendu Arès parler de sa famille, si ce n'est de son frère et toujours avec une certaine distance, mise à part la dernière fois où Hadès l'a menacé s'il ne me punissait pas pour ce que j'ai fais à Dario. La façon dont il prononce le mot « père » est différente, chargée d'une émotion que je ne parviens pas à identifier.

- Votre père ? demandé-je prudemment, ne sachant pas exactement où je mets les pieds et ne souhaitant pas le mettre en colère davantage.

Arès serre la mâchoire et son regard devient encore plus sombre, presque menaçant. Il ne répond pas immédiatement, mais ses doigts tambourinent plus fort sur la table.

- Il ne devait pas venir ici, lâche-t-il enfin, ses yeux bleus se posant sur moi avec une intensité qui me fait frissonner. S'il vient, tout va changer.

Je ne sais pas quoi répondre. Qu'est-ce que cela signifie « tout va changer » ? L'atmosphère déjà lourde s'alourdit encore. Je l'observe en silence, essayant de déchiffrer ce qu'il ne dit pas.

Arès prend une grande et longue inspiration, comme pour contenir une rage qu'il tente de maîtriser.

- Il est dangereux, Persia. Plus que Dario, plus qu'Hades, plus que moi. Il contrôle tout, et surtout... il n'a aucune limite.

Il s'interrompt, son regard fuyant enfin le mien. C'est la première fois que je vois de la peur chez Arès ou même une forme de vulnérabilité. Mais là, quelque chose se brise dans son masque et son attitude habituelle.

- S'il vient ici, tu devras te montrer obéissante, auquel cas, je ne pourrai pas te protéger de lui murmure-t-il la voix presque imperceptible.

Mon cœur rate un battement. Me protéger ? De quoi parle-t-il ? Depuis quand me protège-t'il ? Une partie de moi a envie d'éclater de rire face à l'ironie de cette situation, mais l'inquiétude dans les yeux d'Ares, cet homme qui ne semblait avoir peur de rien, m'arrête net.

Si Arès, cet homme impitoyable, est inquiet, alors qui est ce monstre qui vient ?

Le silence qui suit les mots d'Ares est encore plus oppressant que tout ce que j'ai ressenti jusqu'ici. Mon esprit se bouscule, je suis prisonnière de cet endroit depuis des mois, sous le joug d'Ares,et voilà qu'il me parle de protection. L'inquiétude dans les yeux et les gestes d'Ares, me paralyse.

Je sers le verre de jus de fruits entre mes mains, son contact froid contre mes paumes contraste avec la chaleur étouffante qui règne autour de nous. Arès lui reste immobile, ses doigts crispés sur la table. Je ne sais pas quoi dire ni penser. Cet homme que j'ai appris à craindre et à détester, en raison de sa violence et de son inhumanité, se tient là devant moi, vulnérable le pour la première fois.

Je prends une longue inspiration, essayant de rassembler mes pensées. Une part de moi est tentée de le pousser à en dire plus, à comprendre ce qu'il entend par protection, mais je sais qu'insister de trop pourrait déclencher quelque chose en lui que je ne suis pas prête à affronter. Alors je reste silencieuse, observant chaque mouvement, chaque micro-expression qui passe sur son visage.

- Que se passera-t-il quand il sera là ? demandé-je avec la voix plus faible que je ne le voudrais.

Arès lève les yeux vers moi et pendant une seconde j'y vois une fatigue immense qu'il cache d'ordinaire si bien derrière son masque d'arrogance et de cruauté.

- Il va prendre les choses en main, dit-il lentement comme s'il pesait chacun de ses mots, et ce ne sera pas beau à voir.

Je frissonne malgré la chaleur, ce qu'il sous entend me glace le sang. Arès n'a jamais caché la violence qui l'entoure, qui coule dans ses veines et celles de son frère. Mais l'idée que quelqu'un puisse être encore pire qu'eux, encore plus implacable, me terrifie.

- Pourquoi me dire ça maintenant ? demandé-je en baissant les yeux vers mon jus de fruits. Pourquoi me parlez-vous de protection, alors que vous m'avez enfermé ici ?

PersiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant