Arès ressort de la salle de bain, et je reste quelques minutes de plus, le regard perdu dans le miroir. Le reflet de mon visage, marqué par la douleur et la peur, me renvoie une image déformée de qui je suis réellement. Mes pensées tourbillonnent dans ma tête, un véritable tourbillon d'émotions contradictoires. D'un côté, je ressens encore la brûlure de la gifle qu'Arès m'a infligée, un rappel brutal de sa force et de son pouvoir. De l'autre, il y a cette étrange attention qu'il a montrée en nettoyant ma blessure, un geste qui m'évoque des sentiments ambivalents. Comment un homme capable de tant de violence peut-il également faire preuve d'une telle délicatesse ?
Alors que je tente de mettre de l'ordre dans ces émotions, je prends une profonde inspiration et me redresse, quittant le miroir comme pour fuir ce que je vois. Finalement, je rejoins Arès dans le salon, une partie de moi tremblant d'appréhension face à ce qui pourrait se passer ensuite. Il est installé sur le canapé, plongé dans la lecture d'un livre. L'atmosphère est à la fois tendue et familière, et je sens mon cœur battre un peu plus vite.
Je jette un coup d'œil à la couverture du livre, intriguée par le titre. C'est un roman que j'ai déjà entendu mentionner, un récit parmi ces histoires d'amour brutales qui semblent résonner avec ma propre réalité, comme si le destin m'avait déjà prévenue de la tournure tragique de mes propres relations. "Les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë — une histoire de passion tumultueuse, de désespoir et de vengeance. Cela me fait réfléchir : existe-t-il des leçons à tirer de ces récits, ou suis-je condamnée à vivre la répétition des mêmes erreurs ?
Je m'installe à une table près de lui, en prenant soin de ne pas faire de bruit, comme si le moindre son pouvait perturber ce moment fragile. Je récupère le cahier de dessin qu'Arès m'a offert, ce cadeau inattendu qui semble me donner une certaine liberté d'expression dans ce monde où je me sens souvent piégée. Ses pages vierges attendant que je les remplisse de mes pensées et de mes émotions. Je sens une certaine tranquillité me gagner, comme si ce moment me permettait d'échapper, même brièvement, à ma réalité. Le crayon à papier se glisse entre mes doigts, et je le sens comme un prolongement de ma volonté de m'évader.
Je commence à croquer le magnifique coucher de soleil que j'ai pu voir ce soir, lorsque Arès m'a accordé du temps de liberté. La scène m'est revenue en mémoire, vibrante et pleine de vie : les couleurs chatoyantes, la lumière se mêlant aux ombres, comme une danse entre le jour et la nuit. Les nuances délicates se mêlent sous mes doigts, et je m'immerge complètement dans le dessin. Chaque trait que je trace sur le papier me permet de relâcher une pression accumulée, de lâcher prise sur une part de moi qui, dans la frénésie de mes pensées, a souvent du mal à s'exprimer.
En traçant des lignes sur le papier, je réalise que chaque coup de crayon devient une sorte de libération. C'est une façon d'exprimer une partie de moi que je peine à laisser émerger dans ma vie quotidienne. Je veux capturer la beauté éphémère de ce coucher de soleil, mais aussi l'émotion qu'il a suscitée en moi. C'est comme si je m'efforçais de fixer un moment de grâce, un instant où la lumière, même pour quelques secondes, parvient à transpercer l'obscurité.
Je suis consciente qu'Arès m'observe. Sa présence, bien que réconfortante, est toujours chargée de tension, comme une corde prête à se rompre. Je me concentre sur chaque trait, cherchant à capturer non seulement les couleurs du ciel, mais aussi l'émotion que ce moment a suscité en moi. Mes mains se déplacent avec assurance, mais ma tête tourne encore autour des implications de sa réaction à mon dessin, à mes choix.
Dans le fond de ma tête, je sais que cette paix est temporaire, que chaque minute de tranquillité est un cadeau fragile. Je me demande si Arès se rend compte de l'importance que cela revêt pour moi, cette bulle de créativité et d'intimité que je parviens à créer à travers le dessin. Je désire prolonger ce moment, le rendre éternel, même s'il n'est qu'une illusion. J'espère qu'Arès continuera à me laisser cette liberté, même si ce n'est que pour un moment. Peut-être que, dans cette fugacité, se cache une forme de rédemption, une promesse d'un avenir différent.
Je me perds dans l'acte de dessiner, chaque coup de crayon évoquant des souvenirs de mon enfance, lorsque l'art était une échappatoire, un refuge. À cette époque, il n'y avait pas de peur, pas de colère, juste une liberté d'expression. Chaque page de mon carnet était un univers où je pouvais laisser libre cours à mon imagination, où les couleurs et les formes prenaient vie sous mes doigts. Les dessins de paysages, de visages, de rêves, tout cela était un moyen d'explorer des émotions que je ne pouvais pas partager avec le monde extérieur.
À présent, je me rends compte que dessiner me reconnecte à cette partie de moi que je pensais perdue. En traçant des lignes, j'exprime un besoin de libération, de m'affranchir d'un fardeau émotionnel qui m'étouffe. La réalité de ma vie avec Arès est si complexe, si truffée d'incertitudes et de dangers, que ces moments de créativité deviennent des havres de paix inestimables. Le crayon glisse sur le papier, et je laisse mon esprit vagabonder, mes pensées se libérant au rythme des mouvements de ma main.
J'entends le léger bruit de pages qui se tournent, et je jette un coup d'œil furtif vers Arès. Son regard est toujours fixé sur son livre, mais je sens qu'il est conscient de ma présence. Peut-être m'observe-t-il dans un moment de vulnérabilité, un instant où je m'efforce de me libérer de ses chaînes invisibles. Je me demande ce qu'il pense réellement. Est-il indifférent à mes efforts, ou cela suscite-t-il en lui quelque chose de plus profond, quelque chose qu'il n'ose pas exprimer ?
La tension dans la pièce est palpable, et je tente de me concentrer sur le dessin, de ne pas laisser mes pensées vagabonder vers les incertitudes de notre relation. Arès est une énigme, un homme à la fois intimidant et captivant, dont la colère peut surgir à tout moment. Pourtant, en ce moment précis, alors que je suis absorbée par ma création, j'ose espérer que quelque chose en lui pourrait changer. Peut-être qu'un jour, il comprendra l'importance de ces instants pour moi, et qu'il me permettra de m'épanouir en tant qu'artiste, en tant qu'individu.
À mesure que le dessin prend forme, je sens les contours du coucher de soleil se dessiner sous mes doigts. Les couleurs se mélangent en nuances de gris et je réalise à quel point cet acte créatif est en réalité un reflet de mes propres luttes intérieures. La lumière du soleil couchant évoque un sentiment de fin, de déclin, mais aussi de beauté et d'espoir. Cela me rappelle que même dans les moments les plus sombres, il existe toujours une lueur, une promesse d'un nouveau jour qui se lève.
Je m'immerge complètement dans le dessin, perdue dans cette bulle de créativité. L'angoisse qui me tenait auparavant à l'écart s'efface lentement. Je me rends compte que ces moments passés à dessiner, même en présence d'Arès, me permettent d'exprimer des émotions que je ne peux pas verbaliser. Je me sens en sécurité dans cette bulle, même si je sais que cela pourrait ne pas durer.
Alors que je trace les derniers coups de crayon, j'ose un regard en direction d'Arès. Son expression est impassible, mais quelque chose dans son attitude a changé. Peut-être qu'il perçoit la passion avec laquelle je dessine, ou peut-être que, d'une manière ou d'une autre, il comprend l'importance de cet acte pour moi. Mon cœur s'emballe à cette pensée, mais je ne me laisse pas emporter. Je ne veux pas que cette bulle éclate.
Je termine le dessin, et je le regarde avec satisfaction. C'est plus qu'une simple représentation d'un coucher de soleil ; c'est un témoignage de ma résilience, de ma lutte pour trouver un sens et une beauté même dans les moments difficiles. Je prends un moment pour apprécier ce que j'ai créé, un sourire naissant sur mes lèvres. Pour un instant, je me sens vivante, connectée à quelque chose de plus grand que moi.
Cependant, dans le fond de mon esprit, je sais que cette paix est fugace. Alors que je tourne à nouveau mon regard vers Arès, une partie de moi se demande s'il partagera un jour cette vision, s'il comprendra que je cherche simplement à exister, à m'exprimer à travers l'art. Je m'accroche à l'espoir que, peut-être, au fil du temps, il pourra voir au-delà de la colère et de la douleur, et découvrir la beauté qui réside en nous tous, même dans les coins les plus sombres de notre existence.
Avec un soupir, je pose mon crayon. La pièce semble plus calme, et je réalise que j'ai réussi à prolonger cette bulle d'intimité et de créativité, même si elle est fugace. Ce moment partagé, même en silence, est une victoire pour moi. Je sais que demain apportera son lot de défis et d'incertitudes, mais pour l'instant, je m'accroche à cette beauté, à cette promesse d'évasion. Je me permets de rêver, de croire qu'il existe des jours meilleurs, que l'amour et la passion peuvent finalement triompher sur la douleur et la peur.
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Persia
General Fiction⚠️ Trigger Warning - Traumas Avertissements⚠️ Chers lecteurs, chères lectrices, cet ouvrage contient des passages décrivant des actions ou propos pouvant déclencher une souffrance émotionnelle et réactiver un possible traumatisme. Notamment des des...