Arès continue de rouler, de plus en plus vite, laissant le moteur rugir dans la nuit sombre. Les lumières de la ville disparaissent derrière nous, remplacées par l'obscurité oppressante de la campagne. Le paysage nocturne se transforme en un flou indistinct, défilant de chaque côté comme des ombres projetées à une vitesse vertigineuse. Je sens la voiture vibrer sous l'accélération démesurée d'Arès, chaque virage me plaquant un peu plus contre mon siège. La tension emplit l'habitacle, et mes doigts, crispés sur mes genoux, tremblent au rythme des battements de mon cœur.
Je ne peux m'empêcher de penser que nous fuyons quelque chose, quelque chose d'invisible mais bien plus lourd que la simple colère qui résonne dans les gestes d'Arès. Je me mords la lèvre, le goût du métal se mêlant à la peur qui grandit en moi. C'est alors que des éclats lumineux déchirent la nuit. Je me retourne, apercevant les gyrophares rouges et bleus qui clignotent, leurs sirènes déchirant le silence. Un frisson de panique glisse le long de mon échine. Arès ne ralentit pas. Il reste fixé sur la route, la mâchoire contractée, son regard brillant d'une lueur de défi, comme s'il refusait de céder.
Finalement, les sirènes se rapprochent, insistent, nous contraignant. Arès freine brusquement, et la voiture s'immobilise sur le bas-côté. Le silence qui s'abat ensuite est encore plus oppressant, comme si la terre entière retenait son souffle. D'un geste sec, Arès coupe le moteur et reste figé, les mains fermement agrippées au volant, sans dire un mot. Sa posture est rigide, et je vois qu'il serre les poings. Je retiens mon souffle, le cœur battant à tout rompre alors que la lumière d'une lampe torche inonde soudain l'habitacle.
Un policier s'approche, ses pas résonnant dans l'air froid de la nuit, et je me sens à découvert, comme si chaque détail de cette scène allait être examiné.
— Bonsoir, monsieur, lance-t-il d'une voix ferme. Vos papiers d'identité et ceux du véhicule, s'il vous plaît.
Sans un mot, Arès tend ses papiers au policier, ses mains tachées de ce que je devine être du sang séché. La lampe du policier se fixe sur ses doigts, son expression se durcit alors qu'il inspecte la voiture. Ses yeux glissent sur moi, notant chaque marque encore visible sur mes bras et sur mon cou, des empreintes laissées par la lutte et par les violences précédentes d'Arès. Je sens le poids de son regard, et la lampe torche, crue et implacable, dévoile l'ombre de ma propre peur.
— Madame, est-ce que tout va bien ? demande-t-il, sa voix plus douce mais teintée de suspicion.
Je hoche lentement la tête, mais aucun mot ne parvient à franchir mes lèvres. La présence du policier représente une mince lueur de sécurité, un moment où, peut-être, la réalité pourrait me tirer de cette situation. Pourtant, Arès ne bouge pas, son regard figé droit devant, son visage comme taillé dans la pierre. Le policier récupère les papiers et les passe à son collègue, qui attend un peu en retrait près de leur véhicule. L'attente devient insoutenable. Le silence est rempli d'une tension palpable, et je sens Arès prêt à exploser, comme une tempête contenue derrière un mur de verre fissuré.
Finalement, le policier prend la parole, son ton légèrement plus incisif :
— Monsieur, pourriez-vous sortir de la voiture ?
La question provoque une réaction glaciale chez Arès. Il inspire profondément, sa colère frémissant sous la surface, puis répond d'un ton venimeux :
— Est-ce que vous savez qui je suis ?
Le policier hausse un sourcil, son regard se durcissant. Il s'avance, la lumière de sa lampe torche fixée sur le visage d'Arès avec défi.
— Oui, je sais exactement qui vous êtes : un homme qui intimide et cogne sa femme, lâche-t-il avec mépris, le regard brûlant de dédain.
Je sens Arès se raidir, la colère émanant de lui comme une onde de choc, prête à se déchaîner. Ma gorge se serre, et je m'attends à ce qu'il réplique d'un geste brutal, qu'il franchisse la ligne, ici, maintenant. Mais au même moment, l'autre policier revient, les papiers à la main, visiblement nerveux.
— Excusez-nous, monsieur, intervient-il, son ton empreint d'une déférence marquée. Mon collègue est une nouvelle recrue, il n'a pas encore pris la mesure des... circonstances.
L'expression du premier policier change, une confusion teintée de malaise traversant son visage. Il baisse sa lampe torche, réalisant peut-être qu'il est en train de commettre une erreur grave. Je retiens un soupir de soulagement, bien que l'inquiétude continue de peser sur moi comme une ombre.
— Vous êtes libres de partir, reprend l'officier plus âgé en rendant les papiers à Arès, son ton plein de respect. Nous vous prions de nous excuser pour le désagrément, monsieur Yrieix. Bonne soirée et bonne route.
Arès récupère les papiers d'un geste sec, sans même accorder un regard aux policiers, et redémarre la voiture d'un coup sec. Les policiers restent en retrait, figés dans leur gêne, tandis que nous nous éloignons sous leurs regards. La route s'étire de nouveau devant nous, mais cette fois, un silence lourd et glacial a remplacé la frénésie de l'accélération.
Assise, le regard rivé sur la route, je suis incapable de briser le silence. Une part de moi veut poser des questions, veut des réponses, mais l'autre sait qu'il n'y en aura pas. À côté de moi, Arès, impassible et imperturbable, semble être devenu une ombre indéchiffrable, un mur auquel je n'ai plus accès. La nuit défile autour de nous, et un sentiment de vide s'installe en moi, une sensation d'avoir franchi un point de non-retour, d'avoir assisté à quelque chose d'inavouable, dont je ne reviendrai pas.
Ce silence, lourd et oppressant, semble être la seule réponse qu'il daignera me donner. Et tandis que la voiture fend la nuit, je sens le poids de cette nuit comme une marque indélébile, me rappelant qu'il y a des frontières dans notre monde que je ne pourrai jamais franchir, des secrets qu'il emportera sans jamais les partager.
Le silence s'étire, alors que la route continue de défiler devant nous. Je sens mon cœur battre à mes tempes, et chaque kilomètre qui passe semble me rapprocher d'un point de non-retour. Puis, finalement, Arès brise le silence d'une voix grave et impassible.
— C'est ça, la définition même de mon pouvoir, dit-il, sans détourner le regard de la route. Même la police est complice. Même eux savent jusqu'où s'étendent mes influences. Tu ne pourras jamais te réfugier chez eux si jamais tu décides de fuir.
Ses mots s'abattent sur moi comme une gifle. La réalité de ce qu'il vient de dire est froide, brutale, et implacable. Je détourne les yeux, incapable de soutenir son regard. Mon souffle se raccourcit, et une peur glacée serpente dans ma poitrine. Il a raison, et c'est précisément ce qui me terrifie. Je suis piégée, encerclée par une puissance qui dépasse tout ce que je peux concevoir, une force qui semble inébranlable, même face à ceux qui devraient représenter la justice.
Je baisse la tête, ma voix tremblante, mais je trouve tout de même la force de répondre.
— Je n'ai pas fui aujourd'hui, murmuré-je, les mots à peine audibles dans l'habitacle silencieux.
Un bref silence suit ma réponse, comme si mes mots le prenaient de court. Je ne sais pas s'il est surpris ou agacé, mais je sens son regard se poser brièvement sur moi, pesant, avant de revenir sur la route.
— Non, concède-t-il enfin, d'une voix basse. Aujourd'hui, tu es restée.
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Persia
General Fiction⚠️ Trigger Warning - Traumas Avertissements⚠️ Chers lecteurs, chères lectrices, cet ouvrage contient des passages décrivant des actions ou propos pouvant déclencher une souffrance émotionnelle et réactiver un possible traumatisme. Notamment des des...