- Chapitre 61 -

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Je prends une inspiration tremblante, sentant la tension se relâcher légèrement entre nous, puis je pose la question que je redoute depuis qu'il a enfermé cet homme dans le coffre.

Qu'est-ce que... qu'est-ce que vous allez faire avec lui ? Ma voix est faible, incertaine, mais il n'y a plus de retour en arrière.

Arès tourne la tête vers moi, un sourire froid aux lèvres, presque amusé par ma question, et je me demande si j'ai commis une erreur en demandant.

Tu veux vraiment le savoir ?

Je déglutis et acquiesce, même si une part de moi hurle de ne pas le faire, de ne pas écouter la vérité brutale qui va suivre.

Très bien, répond-il, ses yeux retrouvant la route. Je vais d'abord demander à mes hommes de faire des recherches sur lui. Sa vie familiale, professionnelle, toutes ces petites choses qu'il préfère garder cachées sous le tapis... Sa voix devient presque douce, ce qui rend ses paroles encore plus effrayantes. Et quand je saurai tout, je déciderai s'il mérite de vivre. Dans tous les cas, il va prendre pour ce qu'il a osé faire.

Je sens un frisson glacé remonter le long de ma colonne vertébrale, et je ne peux m'empêcher de me recroqueviller un peu plus sur mon siège. Chaque mot qu'il prononce est chargé d'une violence froide, méthodique, une violence qu'il ne cache même plus. Je me rends compte, alors, qu'il n'a aucun remords, aucune hésitation. Pour lui, cette décision est déjà prise, comme une sentence inévitable, irrévocable.

Et s'il a une famille ? osé-je demander, ma voix étranglée par l'appréhension.

Arès éclate d'un rire bref et sans joie, un rire qui résonne étrangement dans l'habitacle sombre.

Crois-moi, Persia, je saurai quoi faire si c'est le cas. Ses yeux se posent sur moi, durs et glacials. Il n'aura que ce qu'il mérite.

Je me tais, incapable de trouver les mots pour répondre. Tout ce que je ressens, c'est un mélange d'effroi et de fascination. Cet homme qui m'a protégée avec une violence inouïe, me dévoile une face de lui-même que je n'avais jamais osé imaginer. Une face dangereuse, implacable, celle d'un homme qui ne recule devant rien pour défendre ceux qu'il considère comme sa propriété.

Je ne suis pas sûre de ce que je suis pour lui, ou de ce qu'il est pour moi. Tout ce que je sais, c'est que quelque chose a changé entre nous. Quelque chose qui a franchi une limite que je ne sais pas comment reculer.

Vous... vous n'êtes pas obligé d'aller aussi loin, dis-je enfin, d'une voix hésitante, consciente de l'audace de mes paroles.

Il m'adresse un regard amusé, presque tendre, mais ce n'est pas de la douceur. C'est autre chose, quelque chose de plus sombre.

Tu ne comprends pas encore, Persia, murmure-t-il. Je suis toujours obligé d'aller aussi loin.

Ses mots me laissent sans voix, et je tourne la tête vers la fenêtre, regardant les ténèbres défiler autour de nous. Je sens mes yeux se remplir de larmes, mais je refuse de les laisser couler. Parce que je sais, au fond de moi, qu'il a raison. Parce que j'ai compris, dans ses paroles, dans sa détermination inflexible, que je suis maintenant liée à lui d'une manière que je ne contrôle plus.

Je reste silencieuse, et lui aussi. La voiture continue d'avancer, toujours trop vite, comme si nous ne pouvions pas nous arrêter, comme si nous étions en fuite, poursuivis par une vérité trop douloureuse à affronter.

Et je me demande si, dans cet univers de violence et de pouvoir, il y aura un jour une échappatoire. Ou si je suis destinée à m'y perdre, à jamais.

La voiture ralentit enfin, brisant le silence tendu qui pèse entre nous depuis des kilomètres. Les phares illuminent cette grande grille en fer forgé qui se dresse, imposante et intimidante, marquant l'entrée du domaine d'Arès. Il s'arrête avant de passer le portail, laissant le moteur ronronner doucement dans la nuit. Je sens mon cœur s'accélérer, battant contre ma cage thoracique comme s'il voulait s'en échapper. Quelque chose dans son silence m'angoisse, une menace latente que je n'arrive pas à ignorer.

D'un geste lent et calculé, il coupe le moteur. Le silence s'abat sur nous comme un couperet. Ses doigts pianotent nerveusement sur le volant avant qu'il ne se tourne brusquement vers moi, ses yeux me transperçant d'un regard intense et froid.

Donne-moi ton portable, ordonne-t-il d'une voix tranchante qui ne laisse aucune place à la négociation.

Je le regarde, déconcertée. Un souffle nerveux échappe à mes lèvres, et je trouve le courage de poser la question.

Pourquoi ? demandé-je, d'une voix plus tremblante que je ne l'aurais voulu.

Un sourire étire ses lèvres, un sourire qui n'a rien de chaleureux, mais qui déborde de cette autorité calme et implacable qu'il sait si bien manier. Ses yeux se plissent légèrement, et il prend une inspiration lente, comme s'il savourait ma confusion.

Les quelques heures de liberté que tu as passées t'ont apparemment fait oublier certaines règles, dit-il en appuyant chaque mot d'un ton presque amusé. Je n'hésiterai pas à te les rappeler si je dois répéter ce que je viens de te demander.

Je frémis. Il n'a pas besoin de préciser ce qu'il entend par là. Les souvenirs des punitions passées refont surface avec une clarté douloureuse, et je sens un frisson glacé me parcourir l'échine. Mon instinct me hurle de ne pas le défier, de ne pas aggraver la situation. Ma gorge se serre, et, à contrecœur, je me résigne.

Je... je ne voulais pas vous contrarier, murmuré-je en fouillant nerveusement dans mon sac. Ma main tremblante en ressort le téléphone, ce symbole dérisoire de la liberté que j'ai cru pouvoir saisir, ne serait-ce qu'un instant. Je le lui tends sans un mot de plus, le regard baissé.

Il attrape le téléphone avec une lenteur calculée, me laissant ressentir tout le poids de mon échec. Il le glisse dans la poche intérieure de sa veste de costume, d'un geste précis et méticuleux, sans me quitter des yeux. Je sens mes joues chauffer de honte, consciente de ma propre faiblesse.

Arès laisse un silence planer, savourant ma soumission, avant de se redresser et de se tourner vers la route. Sans un mot de plus, il redémarre le moteur et s'engage dans l'allée du domaine, les graviers crissant sous les pneus de la voiture.

La grande maison, majestueuse et intimidante, se dessine au bout de l'allée, éclairée par quelques lumières qui percent la nuit. Chaque fois que je franchis ces grilles, j'ai l'impression de pénétrer dans une prison dorée, une cage dont je ne pourrais jamais sortir. Et pourtant, je ne dis rien. Je me contente de regarder la route défiler, incapable d'ignorer la boule d'angoisse qui se forme dans mon ventre.

Arès garde les yeux fixés droit devant lui, impassible, son visage à demi éclairé par la lueur des phares. Je sens sa colère en sourdine, prête à éclater à tout moment. Je le connais assez pour savoir que, ce soir, je n'ai pas intérêt à faire un pas de travers.

Je me demande brièvement ce qu'il compte faire du téléphone. Peut-être le détruire, ou le garder pour surveiller mes moindres faits et gestes. Mais je n'ose pas poser la question. La tension dans la voiture est trop lourde, trop palpable, et je sais que la moindre provocation pourrait me coûter cher.

Nous approchons de la maison. Le domaine est silencieux, calme, comme si l'immense bâtisse retenait son souffle, attendant que nous franchissions le seuil. Les arbres, leurs branches squelettiques se dressant contre le ciel nocturne, semblent être des sentinelles muettes qui observent la scène, indifférentes.

Je me tais, espérant simplement que la nuit se termine sans davantage de drames. Pourtant, je sais que rien ne sera oublié. Que les quelques heures de liberté que j'ai osé m'offrir me coûteront plus que je ne peux l'imaginer.

PersiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant