- Chapitre 49 -

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Rassemblant mon courage, je lève lentement une main et la pose doucement contre sa joue, là où la coupure brille sous les lumières vives de la salle de bain. Sa peau est chaude sous mes doigts, et Arès ne bronche pas. Il ferme un instant les paupières, acceptant ce contact dans une sorte de silence résigné, presque vulnérable. La colère qu'il portait dans ses traits semble se dissiper légèrement, laissant apparaître une fatigue profonde, comme si toute cette violence avait fini par l'épuiser.

Je lui fais signe de s'asseoir, et il obtempère, abaissant lentement sa grande silhouette pour se poser sur le bord de la baignoire. Pendant un instant, il est comme un enfant égaré, observant chacun de mes gestes avec une attention scrutatrice. Je me détourne pour fouiller dans une armoire, et trouve une trousse de secours. Lorsqu'enfin je m'assois en face de lui, j'imbibe un coton de désinfectant, prête à nettoyer ses blessures.

- Ça risque de piquer un peu,  murmuré-je, ma voix douce et prudente.

Il sourit et ne peux s'empêcher de laisser un rire s'échapper, discret mais plein de sens. 

- Je devrais survivre, ajoute-t-il doucement.

Je presse la compresse contre une coupure sur sa main, essuyant délicatement le sang coagulé. Arès serre les mâchoires, ne laissant échapper qu'un soupir léger alors que le désinfectant fait son effet. Je continue, déplaçant la compresse de coupure en coupure, les soignant avec autant de soin que possible. Les muscles sous sa peau se tendent à chaque contact, mais il ne bouge pas, se contentant de m'observer en silence, un éclat presque indéchiffrable dans son regard.

Quand j'atteins son visage, je pose ma main sur son menton pour orienter doucement sa tête, et il se laisse faire. Le regard intense et insondable qu'il ancre dans le mien me déstabilise ; il semble me percer à jour, lire au-delà de ce simple acte de soin. Ses yeux s'assombrissent, comme s'il essayait de comprendre ce que mes gestes veulent dire, tout comme je cherche à déchiffrer le mystère derrière ses blessures.

À mesure que j'applique la compresse sur sa joue, il relâche lentement ses épaules, et un soupçon de douceur semble s'installer entre nous. Les secondes s'étirent, et, dans ce silence où seul le bruit léger du coton frottant contre sa peau se fait entendre, quelque chose change imperceptiblement. La distance entre nous s'amenuise. Il y a une douceur nouvelle, inattendue, comme si ce soin que je lui apporte, ce contact patient et volontaire, érodait un peu plus les murs qu'il a élevés autour de lui.

Je m'attarde un instant de plus, laissant mes doigts caresser doucement sa peau une dernière fois, comme pour m'assurer qu'il va bien. Il incline légèrement la tête, un mouvement presque imperceptible, comme un remerciement silencieux.

Arès sort de la salle de bain, et je le suis, l'esprit encore embrumé par notre récente intimité. En entrant dans la chambre, je suis frappée par le désordre qui y règne. Les meubles sont renversés, les coussins éparpillés sur le sol, et un vase brisé repose en mille morceaux à côté du lit. L'intensité de la bagarre entre Arès et Hadès est palpable, presque tangible dans l'air.

Je reste un instant figée à l'entrée, observant cette scène chaotique. Chaque objet éparpillé semble raconter une histoire de violence et de tension, une tension que je peux encore sentir vibrer dans mes os. Arès, de son côté, ne semble pas affecté par ce désordre. Il s'avance vers un fauteuil, s'y installe avec une nonchalance calculée, ses traits marqués par les séquelles du combat. Il remet un peu d'ordre autour de lui, redressant un coussin, poussant un meuble d'un geste léger, comme si cela pouvait apaiser la tempête qui gronde encore en lui.

Je prends une profonde inspiration et commence à ranger le bazar, cherchant à ramener un semblant de normalité dans ce chaos. Mes mains s'activent, mes gestes sont presque automatiques alors que je remets les objets à leur place. Mais en poussant un coussin sous le lit, je fais une découverte inattendue : un pistolet, tombé du pantalon d'Arès, gisant là, à portée de main. Mon cœur s'emballe en voyant l'arme, un frisson d'appréhension parcourant mon échine.

Mes doigts hésitent un instant, le poids de l'arme dans ma main me rappelle la brutalité qui l'accompagne. Une pensée fugace me traverse : je pourrais le menacer, mais une vague de souvenirs m'envahit, me rappelant la douleur et la terreur que j'ai déjà subies à cause de cette violence. Je fronce les sourcils, me remémorant la fois où il avait enfoncé ce même pistolet entre mes lèvres, sa menace encore résonnant dans ma mémoire. Une peur sourde me serre le ventre, m'incitant à reculer.

Je me redresse lentement, tenant le pistolet à la hauteur de mes yeux, mes pensées se bousculant. Je jette un coup d'œil vers Arès, qui me fixe avec une intensité que je ne peux pas ignorer. 

- Vous... vous laissez ça ici ? osé-je demander, ma voix tremblante trahissant mon agitation.

Il ne se détourne pas de moi, son regard lourd d'un mélange d'émotions que je peine à saisir. 

- Repose l'arme sur le lit, dit-il d'une voix calme, mais l'acier de ses mots n'échappe pas à mes oreilles, comme une promesse de violence sous-jacente.

J'hésite, mais je finis par me rapprocher du lit, mon cœur battant la chamade. Avec une lenteur mesurée, je dépose le pistolet, le regardant glisser doucement sur la surface comme si ce geste pouvait apaiser la tempête qui gronde en moi.

- C'est très bien, Persia, murmure-t-il, un sourire qui n'atteint pas ses yeux se dessinant sur ses lèvres, mais je sens la menace toujours présente dans son regard. 

Je ne peux m'empêcher de ressentir l'angoisse qui me ronge. 

- J'ai peur de cette arme, Monsieur Yrieix. Vous l'avez déjà utilisée contre moi, vous avez menacé de me tuer. 

Mes mots sortent à toute vitesse, trahissant l'inquiétude qui m'envahit.

Il se lève lentement, comme si mes mots l'avaient touché, mais son expression reste impassible, presque provocante. Il s'approche et récupère l'arme, la remettant dans son pantalon d'un geste précis et dominateur. 

- Je n'aurai certainement plus jamais besoin de l'utiliser pour te menacer, déclare-t-il d'une voix glaciale, sa tonalité faisant vibrer une part de moi qui m'inquiète.

Un frisson me parcourt à ses mots, et je lui jette un regard anxieux. 

- Et si vous décidiez à nouveau de l'utiliser ? murmuré-je, le doute perçant dans ma voix.

Il me fixe, l'intensité de son regard semblant s'intensifier, et je me sens comme prise au piège. 

- Cela ne dépend que de toi. Si tu choisis de me faire confiance, de te soumettre comme tu l'as dit, il n'y aura plus besoin de menaces.

Son sourire s'élargit légèrement, mais il y a quelque chose de cruel derrière.

Je hoche la tête, la tension entre nous palpable. Peut-être qu'il est prêt à changer, ou peut-être que c'est juste un moment, une promesse non dite entre nous. Je regarde l'arme, puis son visage, et je réalise que tout ceci n'est qu'un reflet de notre relation tumultueuse, marquée par la douleur mais aussi par une possibilité de rédemption.

PersiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant