- Chapitre 51 -

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Arès me dévisage un long moment, son regard perçant comme pour sonder mes pensées les plus profondes. L'espace entre nous semble chargé d'une tension que je peine à nommer. Il laisse échapper un souffle lent et s'avance, prenant le temps de scruter chaque recoin de ce lieu, comme s'il voulait ancrer sa présence en chaque parcelle de cet espace.

- À partir de maintenant, tu vivras ici, avec moi, répète-t-il, sa voix plus basse, presque possessive. 

- Cet endroit est à toi, en quelque sorte, mais surtout, tu es chez moi. »

Je baisse les yeux, mes doigts jouant nerveusement avec le collier autour de mon cou. Je le sens proche de moi, et sa présence est à la fois rassurante et accablante. L'idée de quitter la petite chambre en bas, sombre et confinée, me laisse un goût amer, bien que ce nouvel espace soit infiniment plus vaste. Ce qui m'attend ici semble avoir changé de forme, mais pas de nature.

Il observe mes réactions, semblant capter mon hésitation, mes doutes, mon envie de liberté. Sa main vient se poser doucement sous mon menton pour me forcer à le regarder dans les yeux. 

- Je t'ai offert une cage plus grande, Persia. Plus élégante, plus lumineuse... peut-être même plus agréable. Mais une cage tout de même. 

Son sourire en coin me glace. 

- Tu ne t'échapperas pas, que cela te plaise ou non. 

Sa déclaration fait écho dans l'immense appartement silencieux, comme une promesse ou une menace. Je laisse mon regard vagabonder dans la pièce, cherchant un sens à ce nouvel environnement. Les murs sont tapissés de détails raffinés, les meubles respirent le luxe et le confort, mais quelque chose demeure inerte, glacé. Ce n'est pas un foyer ; c'est un espace magnifiquement conçu, un décor de théâtre où chaque élément semble minutieusement placé pour impressionner et confiner.

J'ose murmurer, presque sans voix : 

- Et... qu'est-ce que cela change pour moi ? 

Il arque un sourcil, amusé, et une lueur de défi brille dans ses yeux. 

- Ce que cela change, Persia ? Disons que tu gagnes une certaine... liberté. Mais cette liberté est conditionnelle. Elle dépend de toi. Je t'offre plus d'espace, Persia. Plus de liberté, si tu veux, mais cela ne change rien au fond. C'est ici que tu seras, près de moi.

Je déglutis, luttant pour masquer la pointe d'inquiétude qui commence à monter. Cet endroit est vaste, somptueux, mais les murs me paraissent déjà se refermer autour de moi, comme une cage plus large et plus éclatante que celle d'avant. Un frisson parcourt ma peau, tandis qu'il recule légèrement pour me donner une vue d'ensemble de l'appartement. 

- Regarde autour de toi. Ici, tu as tout ce dont tu pourrais avoir besoin. Les livres, les vêtements, de la lumière, du calme... tout est là. Tout ce que tu veux, tu pourras l'avoir. Mais tu n'en sortiras que lorsque je le déciderai. 

- Alors... je dois rester ici... sans sortir ? murmuré-je, cherchant à comprendre la limite exacte de cette "liberté" qu'il évoque.

- Tout ce que tu veux, tu pourras l'avoir. Mais tu n'en sortiras que lorsque je le déciderai. Compris ?

Je hoche la tête, sentant son regard peser sur moi, une autorité indiscutable dans chaque mot. En silence, j'accepte cette nouvelle réalité, bien consciente que je viens de pénétrer dans une nouvelle dimension de captivité. Pourtant, l'ombre d'un espoir fragile reste en moi : ce lieu est différent, plus ouvert, plus vaste. Peut-être qu'avec le temps, il y aura ici une chance, un moment de faiblesse, un instant à saisir pour reprendre un semblant de liberté.

Arès observe mon silence, semble interpréter mes pensées. Il laisse échapper un léger rire, presque imperceptible. 

- Disons que tu n'auras pas besoin de clé, Persia. Mais tant que tu me restes fidèle, que tu restes... obéissante, je n'aurai certainement plus besoin de t'enfermer. »

Je ferme les yeux un instant, pesant ses mots, me préparant mentalement à accepter cette nouvelle prison déguisée en palais. Mais une petite voix intérieure, silencieuse et résolue, me rappelle que peu importe l'endroit, l'envie de liberté ne s'éteindra jamais.

Dans la lumière douce de l'après-midi, j'explore l'appartement avec une curiosité mêlée de prudence. Chaque recoin de la vaste suite semble conçu pour éblouir : les murs ornés de moulures dorées, les tissus précieux, et la vaste bibliothèque encastrée contre le mur, regorgeant de livres d'histoire, de philosophie, et de quelques œuvres anciennes aux pages jaunies. Je sens la présence d'Arès derrière moi, installe dans le fauteuil, son regard suivant mes mouvements avec une intensité silencieuse.

Après un moment, il s'approche et me tend un verre de vin, un sourire en coin.

- À cette nouvelle étape, Persia. 

J'hésite, fixant le verre sans vraiment le prendre. L'alcool n'a jamais fait partie de mes habitudes, et Arès le sait. Il incline légèrement la tête, son sourire devenant plus insistant, presque un défi silencieux. Voyant qu'il n'abandonnera pas, je finis par céder, prenant le verre de ses mains. Arès observe chaque geste tandis que je porte le verre à mes lèvres et prends une gorgée timide, le goût inhabituel me surprenant.

- Voilà, ce n'était pas si difficile, n'est-ce pas ? 

Son regard reste fixé sur moi, et je décèle une satisfaction mêlée d'amusement dans ses yeux.

Je repose le verre, presque soulagée, et m'installe près de la fenêtre, où les rideaux en velours laissent filtrer une lumière dorée. Arès s'assied en face de moi, croisant les bras, et brise le silence avec une question qui me déroute : 

- J'aimerais te connaître autrement. Parle-moi de ce qui te passionne.

Je reste un instant interdite, surprise par cette demande inhabituelle. Lentement, je commence à évoquer mes souvenirs, des lieux que j'ai aimés, des livres qui m'ont marquée, et quelques souvenirs d'enfance. Arès m'écoute attentivement, son regard fixé sur moi, comme s'il cherchait à comprendre chaque nuance de mes mots.

- J'ai toujours aimé dessiner, commencé-je, une lueur de passion dans mes yeux. Quand j'étais petite, je prenais souvent mes crayons et je passais des heures à croquer des paysages, des personnes, tout ce qui me touchait. C'était comme si je pouvais capturer un moment, un sentiment, et le conserver pour toujours. 

Je marque une pause, mon sourire s'évanouissant légèrement. 

- Mais avec le temps, j'ai cessé. Je me suis sentie piégée, comme si ma créativité s'était évanouie avec ma liberté. 

Nos yeux se croisent, et je sens que cette connexion fragile est plus forte que je ne l'avais imaginé. Je me remémore mes voyages, une passion qui m'a toujours habitée. 

- Voyager, c'était ma véritable échappatoire. J'ai exploré des endroits magnifiques — les rues colorées de Barcelone, les paysages majestueux des Alpes, et la sérénité des plages en Italie. Chaque voyage était une promesse d'aventure, un moyen d'oublier le quotidien. Mais maintenant... 

Je m'arrête, un mélange de nostalgie et de frustration s'emparant de moi. 

- Maintenant, je ne m'autorise même plus  à rêver à ces horizons lointains. 

Arès ne dit rien, mais son regard devient plus attentif, presque compréhensif. Je me rends compte que je lui révèle des facettes de moi-même que je n'ai jamais partagées avec personne, et cela me donne le courage de continuer.

PersiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant