Le poids de mes mots pèse dans l'air et je sens Arès se raidir un peu plus. Il reste silencieux un moment. Lorsqu'il parle enfin, sa voix est plus calme presque résignée.
- Parce que jusqu'ici, tout ce que je t'ai fait, c'était sous contrôle. Je me fixe mes propres règles. Mon père, lui, il n'en a pas. Il est capable de tous les bas-fonds de l'âme humaine, de toutes les atrocités.
Ce qui résonne en moi c'est « sous contrôle ». Comme si toute la torture, la violence constante, les coups étaient mieux parce qu'il avait posé ses propres limites. Une rage sourde monte en moi, mais je la refoule, ce n'est pas le moment de perdre le contrôle.
- Je ne comprends pas, murmuré-je. Pourquoi m'avoir capturée si vous aviez peur de lui et de ce qu'il pourrait me faire ?
Arès esquisse un sourire amer.
- Parce que je te voulais, Persia, et parce que t'avoir me permets de tenir ton père et ses hommes par les couilles. Parce que je pensais que je pourrais gérer la situation et te garder sous ma coupe sans que ça ne dégénère. Mais tu as tué quelqu'un, Persia.
Il passe une main nerveuse sur sa tête, signe qu'il est vraiment perturbé. Je l'observe, essayant de déchiffrer ses mots. Une partie de moi est paralysée par la peur mais l'autre veut comprendre. Comprendre qui est cet homme qui semble effrayer même Arès.
- Est-ce qu'il va me tuer comme l'a dit Hadès ? osé-je demander, ma voix à peine plus forte qu'un souffle.
Le silence qui suit ma question est insoutenable. Arès détourne le regard.
- Pas s'il voit que tu es utile... et obéissante.
Ces mots, bien que rassurants, me laisse un goût amer. « Utile ». Un objet. Une pièce dans un jeu de pouvoir qui me dépasse totalement. « Obéissante ». Soumise. Un être dépourvu de toute opinion. Et c'est là que je comprends pleinement : je ne suis pas un être humain à leurs yeux, je suis une monnaie d'échange, une garantie de contrôle, là pour assouvir les désirs et pulsions de celui qui me détient.
Je baisse la tête, incapable de soutenir son regard plus longtemps. Tout en moi est brisé, mais une petite flamme continue de brûler. Une flamme de survie. Peut importe ce qu'il va arriver, je dois rester en vie et trouver un moyen de sortir de cet enfer.
Arès se lève brusquement, renversant presque sa chaise dans son mouvement et m'effrayant par la même occasion.
- Finis ton verre, on rentre, dit-il avec un regard dur.
Je termine mon jus de fruits, me lève à mon tour, les jambes encore tremblantes. Alors que nous commençons à marcher vers sa chambre, je sens sa main se poser à nouveau sur ma taille, me guidant avec cette même possessivité habituelle. Mais cette fois, quelque chose est différent. Il y a une urgence, une pression nouvelle, comme s'il essayait de nous précipiter dans ce qu'il pense être un refuge, alors qu'en réalité, ce n'est qu'une prison.
Et quelque part au fond de moi, je sais que la véritable tempête n'a même pas commencé.
Le chemin du retour se fait dans un silence absolu. Chaque pas que nous faisons résonne dans mes oreilles, amplifiant l'angoisse qui monte en moi. La main d'Ares contre ma hanche semble m'étouffer plus qu'elle ne me guide. Je peux sentir la tension dans chacun de ses muscles, dans sa respiration qui se veut être de plus en plus rapide. Il est nerveux, je suis terrifiée.
Mon esprit est en ébullition, cherchant désespérément une solution, une issue, un moyen de me sortir d'ici. Je ne suis plus qu'un pion et je sais que mon utilité ne durera que tant que je servirai ses intérêts.
Nous atteignons finalement la porte de la chambre et Arès l'ouvre brusquement, me poussant délicatement à l'intérieur. Il referme la porte derrière nous et le clic sec du verrou me fait sursauter. Je sens mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine.
- Assieds toi, m'ordonne t'il d'une voix calme, presque trop calme.
Je ne discute pas, je m'assois sur le bord du lit, les mains jointes sur mes genoux, tentant de contrôler les tremblements qui parcourt mon corps. Il fait les cents pas, devant moi, comme un lion dans une cage, ses yeux bleus fuyants constamment les miens, ses mains se servant encore et encore des verres qu'il s'empresse de terminer d'une traite.
- Tu ne comprends pas, Persia... tu ne comprends pas ce que cela suggère, dit-il en s'arrêtant devant moi les poings serrés. Tout ça... ça aurait dû être différent, depuis le début. Maintenant on en est là, et je ne peux pas revenir en arrière, je ne peux pas effacer toutes les traces que je t'ai laissées. Mon père... il ne devait pas venir ici. J'avais tout sous contrôle jusqu'à ce que...
Il s'interrompt, son regard se faisant plus sombre, plus menaçant. Un frisson glacial me parcourt.
- Jusqu'à ce que je tue Dario, complété-je de ma voix tremblante.
Arès acquiesce lentement, ses yeux se plissant légèrement.
- J'aurai dû le laisser faire ? questionné-je
- Ce n'est pas ce que j'ai dit, au contraire, j'aurai dû te protéger, j'aurai dû mettre ma fierté et ma colère de côté... et te protéger.
Je suis surprise de sa réponse, qui montre encore une facette d'Ares que je ne connaissais pas. Je ne réponds pas.
Il passe une main nerveuse sur son visage, se tourne vers la fenêtre en fixant l'horizon avec une intensité laissant croire qu'il cherche lui aussi la liberté. Il reste silencieux un moment mais je sens que quelque chose bouillonne en lui.
Je l'observe, tentant de comprendre ce qu'il ne dit pas. Ce père dont il parle avec une telle crainte, ce père qui incarne tout ce que je redoute déjà chez Arès et encore plus. Une partie de moi commence à se demander, si même Arès est terrifié, jusqu'où suis-je prête à aller pour survivre ?
- Que veut-il ? murmuré-je finalement en brisant le silence.
Arès se retourne lentement et s'approche de moi.
- Il veut tout, Persia. Il veut récupérer le pouvoir qu'il m'a autrefois confié car il pense que je ne suis plus digne d'être le chef. Il veut tout. Et ça commence par toi.
Cette phrase me frappe de plein fouet, comme un coup de poing en plein visage. Mon estomac se noue et un goût amer remonte dans ma gorge.
- Moi ? Mais pourquoi ? Je ne représente rien pour lui, je ne suis rien.
- Ce n'est pas toi en particulier mais ce que tu représentes, un moyen de pression sur ton père, un levier pour renforcer son pouvoir.
Je tente de respirer profondément, mais c'est comme si l'air manquait dans cette pièce devenue une véritable prison. Mes pensées s'emballent, cherchant une issue favorables mais il n'y a rien. Pas de porte de sortie. Pas de salut.
- Alors... qu'est ce que je dois faire exactement ? demandé-je d'une voix éteinte ne sachant plus quoi espérer.
Arès s'approche encore, son visage se durcissant davantage. Il se place devant moi, prenant mon menton entre ses doigts, se penchant légèrement forçant mon regard à se plonger dans le sien.
- Tu dois lui montrer que je suis le chef ici et que je gère entièrement la situation.
Son souffle chaud effleure ma peau et malgré mon envie de me battre pour moi même, de me battre pour survivre, une part de moi sait que me soumettre à Arès reste la meilleure chose à faire à cet instant précis.
- Je vous obéirai, Monsieur Yrieix, dis-je enfin la voix tremblante mais résolue.
Arès se redresse, visiblement satisfait de ma réponse, comprenant qu'il a enfin gagné. Au fond de moi, connaissant Arès, je sais que ce n'est pas seulement de l'obéissance qu'il va falloir. C'est bien plus que ça. Si je veux m'en sortir, je dois être prête à tout, même à jouer un rôle qui ne me convient pas.
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Persia
General Fiction⚠️ Trigger Warning - Traumas Avertissements⚠️ Chers lecteurs, chères lectrices, cet ouvrage contient des passages décrivant des actions ou propos pouvant déclencher une souffrance émotionnelle et réactiver un possible traumatisme. Notamment des des...