- Chapitre 72 -

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Je suis soudain tirée d'un rêve confus par une lueur vive, celle des lumières du salon qui viennent d'être allumées. Mes yeux papillonnent, encore embrumés par le sommeil, et je prends conscience que je ne suis plus sur la méridienne où je m'étais endormie. Arès me porte, son odeur familière m'enveloppe alors que ses bras me soutiennent. Son pas est assuré, et je sens la chaleur de son corps tout contre moi. Une autre présence attire soudain mon attention. Je cligne des yeux, émergeant un peu plus de ma torpeur, et je la vois.

Debout dans le salon, une femme attend. Sa silhouette est fine et élégante, avec un port altier qui dégage une assurance indéniable. Sa chevelure, d'un rouge cerise éclatant, tombe en cascade sur ses épaules, des mèches bouclées se frayant un chemin sur sa poitrine découverte par une robe noire serrée qui lui va comme un gant. Son maquillage est sophistiqué, avec des lèvres couleur bordeaux, comme si elle était prête pour un défilé, pas pour la nuit tranquille que je m'étais imaginée. Mes entrailles se tordent à cette vision. Une pointe de jalousie, brûlante, acide, monte en moi, mais je reste silencieuse, résistant à l'envie de m'agiter dans les bras d'Arès.

Il ne me dit pas un mot, ne m'explique rien. Comme si tout cela était normal, comme si je n'étais qu'un meuble de cette maison, un élément anodin de son décor. Il continue à marcher, m'emmène jusqu'à sa chambre, la mienne aussi maintenant, celle où je dois me plier à ses règles et ses désirs. Arès me dépose sur le lit avec une douceur trompeuse, comme si tout le reste n'avait aucune importance. Je sens la couverture se refermer sur moi, sa présence s'éloigner. Puis, sans un mot ni un regard en arrière, il sort de la chambre et ferme la porte derrière lui.

Je reste là, immobile, le cœur battant à tout rompre, figée par une colère sourde qui gronde au fond de moi. J'entends leurs voix venant du salon, une conversation banale, légère, entrecoupée de rires discrets. Puis, il y a ce silence, lourd, étouffant, le moment où je comprends ce qui va suivre. J'entends les premiers soupirs, les bruits des vêtements qui glissent au sol, le murmure des draps déplacés, les éclats de plaisir qui transpercent la porte. Les sons s'intensifient, Arès est plus bruyant que d'habitude, et je reconnais son souffle rauque, ses grognements gutturaux, ces bruits que je connais si bien, mais qui cette fois ne sont pas pour moi. Elle, avec ses cheveux couleur cerise, rit parfois entre deux respirations haletantes, sa voix douce se transformant en gémissements.

Je serre les poings sous la couverture, mes ongles s'enfoncent dans la paume de mes mains. Mon corps tout entier tremble de rage et d'humiliation, mais je ne bouge pas. Je ne peux pas. Je suis celle qu'il a brisée, celle qu'il a dressée à lui obéir, celle qui doit rester silencieuse. J'entends les mouvements de leurs corps, les soupirs s'intensifient, deviennent plus intimes, plus violents. Je ferme les yeux, essayant d'éteindre le feu qui grandit en moi, cette envie furieuse de sortir, de crier, de lui demander pourquoi. Pourquoi elle, pourquoi devant moi, pourquoi ce rappel cruel de ma position.

Mais je ne dis rien. J'ai appris ma place. Une partie de moi hurle que je devrais être en colère, que je mérite mieux que cette trahison, mais cette voix est étouffée par les souvenirs de ses colères, de ses punitions, de la peur qu'il m'a gravée dans la chair et dans l'âme. Alors, je reste là, les yeux fixés sur la porte fermée, écoutant les échos de leur plaisir interdit, incapable d'intervenir, incapable de faire autre chose que d'accepter cette humiliation silencieuse.

Je m'enfonce un peu plus dans le lit, la couverture me collant à la peau, un étau invisible m'étranglant. Chaque cri, chaque soupir me rappelle que je suis seule, totalement à sa merci, et que rien de ce que je ressens n'aura jamais d'importance.

Je me réveille avec la lumière douce du matin, sentant un poids chaud à mes côtés. Mes paupières s'ouvrent lentement, et je découvre Arès, profondément endormi, son visage détendu et serein. Il semble si paisible, comme si la nuit dernière n'avait été qu'une parenthèse ordinaire, sans aucune signification. Mais je sais qu'il n'y a rien d'ordinaire chez lui. Chaque geste, chaque mot, chaque action est calculée pour me tester, pour me briser un peu plus.

Je m'extirpe doucement du lit, tentant de ne pas le réveiller, et je me dirige vers le salon. Le sol est un champ de bataille, les vêtements d'Arès sont éparpillés, vestiges muets de cette trahison qui me brûle encore l'âme. Je ramasse les vêtements avec des gestes lents et méticuleux, remettant tout en ordre, comme pour effacer les traces de la nuit qui vient de s'écouler. Mon corps se meut de façon mécanique, tentant de maîtriser la tempête qui gronde en moi.

Je me dirige ensuite vers la cuisine, allume la théière, et laisse l'eau commencer à frémir. Les volutes de vapeur montent lentement, remplissant l'espace d'une chaleur apaisante, mais ma colère est toujours là, sourde, tapie sous la surface. C'est alors que je le sens, sa présence derrière moi. Discret, presque furtif, Arès arrive dans la cuisine sans faire de bruit, et soudain, sa main se pose sur ma cuisse nue, remontant lentement le long de ma peau sous la nuisette que j'avais choisie la veille.

— « Tu es si attirante comme ça, » murmure-t-il d'une voix grave et séductrice, alors que ses doigts effleurent ma peau.

Je ressens un frisson, un mélange de désir et de dégoût qui me parcourt, et je me retourne vivement, mon regard se plantant dans le sien, dur et décidé.

— « Ne me touchez pas, Monsieur, » je lui ordonne d'une voix tendue, essayant de faire entendre la colère qui monte en moi.

Un sourire se dessine sur ses lèvres, un sourire à la fois cruel et amusé. Il recule d'un pas, mais son regard reste fixé sur moi, comme si mes mots n'avaient aucune valeur, comme si mon ordre était une blague.

— « Tu viens de me manquer de respect, et je ne tolérerai pas ça une seconde fois, » dit-il d'un ton glacial, ses yeux s'assombrissant, révélant la menace latente qui se cache derrière son charme.

Je sens la colère me submerger, et mon cœur bat plus vite. Il le sait. Il voit la jalousie qui brille dans mes yeux, ce poison amer qui me ronge depuis que je l'ai vu avec elle. Et il nargue cette blessure avec une délectation cruelle.

— « Tu es jalouse, n'est-ce pas ? » dit-il, s'approchant de moi d'un pas lent, sa main caressant ma joue avec une douceur qui contraste avec la menace qui émane de lui.

Je recule d'un pas, furieuse, incapable de contenir ma colère cette fois-ci.

— « Je veux juste savoir si vous vous protégez, parce que je refuse d'attraper quelque chose à cause de vos... aventures ! » Mes mots sont tranchants, lâchés dans un souffle qui révèle toute la frustration accumulée.

Il éclate de rire, un rire puissant, rauque, qui semble emplir tout l'espace. Il se penche légèrement en avant, son visage tout près du mien, ses yeux brûlant d'une lueur dangereuse.

— « Oh, tu es magnifique quand tu es en colère, » dit-il, ses doigts traçant une ligne invisible sur ma mâchoire. « Ça m'excite tellement de te voir comme ça. Jalouse, agitée, furieuse... Tu es encore plus à moi dans ces moments-là. »

Ses mots, son rire, tout en lui semble calculé pour me rendre folle. Il prend plaisir à mon désarroi, à cette douleur que je peine à cacher, et je me rends compte, une fois de plus, qu'il aime me voir souffrir, qu'il aime me rappeler que je ne suis rien d'autre qu'un jouet entre ses mains, un jouet qu'il peut briser et recoller à sa guise. Mon souffle est court, mes mains tremblent, mais je refuse de détourner le regard.

— « Je vais te le redire une dernière fois, » je lui lance avec détermination, tentant de masquer l'effroi qui me ronge.

Il se redresse, les bras croisés, et son expression se fait plus sérieuse. Il me scrute intensément, comme s'il pesait mes mots.

— « Tu devrais savoir que je n'aime pas qu'on me résiste. Ça ne me plaît pas du tout, et crois-moi, je me souviendrai de cette insolence, » dit-il, son ton plus grave, plus menaçant.

Je frémis sous son regard, et bien que je sois déterminée à ne pas fléchir, je sens mes jambes trembler légèrement.

— « Tu n'as aucune idée de ce que je pourrais faire pour te remettre à ta place, » dit-il, s'approchant encore de moi, son ton devenant sombre, plus menaçant.

Je reste là, muette, le cœur battant, sachant que je suis prise dans une toile d'araignée qu'il a tissée autour de moi. Parce qu'au fond de moi, je sais que céder à cette colère ne ferait que renforcer son pouvoir sur moi.

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