Chapitre 58

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POV Lewis

Je me tenais devant le miroir de mon garage, ajustant lentement ma combinaison de course. Le tissu épousait ma peau, une sensation que je connaissais par cœur, un rituel presque sacré avant chaque course. Pourtant, aujourd'hui, elle me semblait différente. Pas familière, pas réconfortante. Je passais machinalement les doigts sur le col, vérifiant les attaches, mais mon esprit était ailleurs, captif d'un tourbillon d'émotions que je ne parvenais pas à dompter. Aaliyah. Elle habitait chaque espace de mes pensées. Chaque battement de silence résonnait avec son nom, chaque mouvement me ramenait à elle. Pour la première fois, je m'apprêtais à entrer en piste sans elle. Pas de regard partagé à travers la ligne de paddock, pas de message d'encouragement qui me ferait sourire avant le départ, rien. Je n'avais jamais ressenti un tel vide, une telle absence, aussi palpable qu'une douleur physique. En sa présence, tout semblait plus léger. Sa façon de sourire, ses mots, même les plus simples, avaient cette magie qui rendait chaque défi surmontable. 


Aujourd'hui, il n'y avait que le rugissement des moteurs et le bruit sourd de mon incertitude, un écho cruel de ce qu'elle laissait derrière elle. Je n'en avais parlé à personne. Ni à mes coéquipiers, ni à Toto, ni même à mes proches. Je ne pouvais pas me permettre de laisser transparaître une faiblesse, pas dans un univers où chaque détail, chaque regard compte. Dans ce monde, tout se joue sur l'image, sur le contrôle de soi. Montrer que je n'étais pas à 100 %, c'était offrir une ouverture, une faiblesse à exploiter. Pourtant, je savais que cette absence me rongeait, qu'elle me détruisait plus vite que n'importe quelle défaite. Je montai dans ma voiture, enfilai mon casque, et fermai les yeux un instant. Le souffle court, j'essayai de me concentrer sur ce qui m'attendait. Le vrombissement du moteur, l'odeur de l'huile et du caoutchouc, la chaleur du désert de Bahreïn — tout ce qui avait toujours été mon refuge, tout ce qui faisait partie de moi, me semblait soudain lointain, étranger. La dernière fois que nous nous étions parlé, Aaliyah m'avait dit qu'elle avait besoin de temps. De recul. Je l'avais respecté, bien sûr. Comment aurais-je pu faire autrement ? 


Mais chaque jour sans elle, chaque nuit sans entendre sa voix, me pesait un peu plus. C'était comme si elle m'avait volé une partie de moi-même, et que rien ne pourrait la remplacer. Le moment fatidique approchait. Les ingénieurs parlaient, mais leurs mots ne parvenaient pas à percer la bulle dans laquelle je m'étais enfermé. Je hochai la tête mécaniquement, donnant l'impression que j'étais prêt. Mais à l'intérieur, c'était tout l'inverse, une tempête que je ne savais calmer. 

 Toto vint me voir juste avant la mise en place sur la grille. 

Toto : Tout va bien ? 

Il avait ce regard scrutateur, presque paternel, qu'il avait dans ces moments-là. Je lui souris, un sourire faux, presque forcé.

Lewis : Oui, tout va bien. 

Mais ce n'était pas vrai. Rien n'allait bien, et je savais que ça se verrait tôt ou tard. La grille de départ. Les moteurs rugissaient, vibrants d'énergie contenue, une symphonie mécanique que je connaissais depuis toujours. J'inspirai profondément, mes mains fermement posées sur le volant, le cuir familier sous mes doigts. C'était le moment où tout devait s'effacer. La pression, les pensées, tout. Mais cette fois, c'était impossible. Les lumières rouges s'éteignirent, et je me lançai. L'adrénaline prit le dessus un instant, me permettant d'enchaîner les premiers virages avec précision. Mais à chaque ligne droite, chaque instant de répit, son visage revenait. Sa voix, son rire. Tout. 

 Les tours défilaient, mais mon cœur n'était pas là. Chaque décision, chaque freinage, chaque accélération se faisaient par automatisme, comme si mon esprit était déconnecté. Je finis par retrouver un semblant de rythme, une routine qui s'imposait à moi, mais ce n'était pas suffisant. Je n'étais pas moi-même. Sans elle, je n'étais qu'une moitié, une ombre de ce que je devais être. Quand je franchis la ligne d'arrivée, il y eut des acclamations. Les moteurs hurlaient encore, et les techniciens se précipitaient autour des voitures. Mais pour moi, tout ce bruit ne faisait qu'accentuer le silence qui m'accompagnait. Celui qu'Aaliyah avait laissé derrière elle.


POV Aaliyah

Cela fait plus de deux semaines maintenant que j'ai rencontré Lewis. Et honnêtement, c'est bien plus compliqué que ce que j'avais imaginé. Je ressens ce vide, ce manque constant, et je réalise que je vis très mal cette rupture. Pourtant, aujourd'hui, j'ai pris sur moi pour regarder la course. Le Grand Prix. Quand je l'ai vu sur le podium, un sourire a pris possession de mon visage, malgré moi. Il avait cet éclat, cette énergie, cette lumière qui le rend unique. Lewis brillait. Et à ce moment-là, je n'aurais jamais cru pouvoir me réjouir pour lui après tout ce qui s'est passé. Mais c'était plus fort que moi. Je suis tellement heureuse pour lui, même si, au fond, ça me brise un peu plus. J'ai essayé de me convaincre qu'il n'avait pas besoin de moi. Qu'il allait bien, qu'il s'épanouissait, et que peut-être c'était mieux ainsi. 

De mon côté, je suis encore dans la douleur, cette lutte intérieure permanente. Mais lui, il semble avoir tourné la page. Du moins, c'est ce qu'il montre. Est-ce réel ou est-ce juste une façade ? Je n'en sais rien, et peut-être que je ne le saurai jamais. Pourtant, voir son sourire m'a apporté une étrange forme de réconfort. Depuis mon retour, je me suis isolée. Juste quelques interactions avec mon équipe, rien de plus. 

Arnaud a été le seul à vraiment m'écouter. Je lui ai parlé de la rupture, mais sans aller dans les détails. Il a cette façon de me soutenir, sans jugement, toujours honnête. 

Arnaud admire Lewis, je le sais, mais il m'a dit quelque chose qui a résonné profondément en moi, il m'a sous-entendu que Lewis était clairement l'homme qu'il me fallait, mais que dans un autre contexte, dans une autre vie, peut-être que ça aurait fonctionné. Mais là, c'est trop compliqué. Et je crois qu'il a raison. Ce qui m'aide, c'est l'art. Jean-Pierre m'a toujours dit de canaliser mes émotions dans la création. Alors, c'est ce que je fais. J'écris. J'ai composé plusieurs chansons, et l'une d'elles, *Secret Love*, est comme un miroir de ce que j'ai vécu avec Lewis. 

Chaque mot, chaque note est imprégné de ce que je ressens. Personne ne saura jamais que c'est pour lui, mais pour moi, c'est évident. Cette chanson est un secret précieux, un fragment de notre histoire que je garde pour moi. Mon album progresse, lentement mais sûrement. Transformer la tristesse en inspiration, c'est étrange, presque apaisant. Même si ça me fait mal, c'est ma façon de continuer. 

 Aujourd'hui, en regardant cette course, un souvenir m'a frappée : le jour où Carmen, sa mère, m'a poussée à monter sur le podium pour le féliciter. C'était surréaliste, un de ces moments rares et magiques qui restent gravés. J'ai compris, à cet instant, à quel point il était spécial. Et même si je sais que je ne suis plus à sa place, que je ne fais plus partie de ce monde à ses côtés, je suis reconnaissante d'avoir vécu cela. Avec le recul, je me rends compte que j'ai perdu quelqu'un de précieux. Mais c'était la bonne décision, même si elle fait encore mal. 

Une partie de moi veut tout lâcher, prendre un avion, le rejoindre, peu importe où il est. Mais je sais que ce n'est pas ce qu'il faut, ni pour lui, ni pour moi. Alors, je m'accroche. À cette chanson, à l'idée que le temps finira par adoucir cette douleur. Peut-être qu'un jour, je comprendrai le sens de tout ça. En attendant, je me consacre entièrement à ma musique. J'ai passé des nuits entières à écrire, à chanter, à pleurer aussi. C'est un processus, un chemin sinueux. Chaque ligne que je couche sur le papier me rapproche un peu plus de l'apaisement. Les paroles parlent d'amour, de perte, de ce vide que je ressens. Mais elles parlent aussi d'espoir. Parce qu'au fond, je sais que tout cela finira par aller mieux. 

Et puis, il y a cette course. Regarder Lewis triompher aujourd'hui m'a rappelé pourquoi je l'admirais tant. C'est quelqu'un de remarquable, et même si je ne suis plus à ses côtés, je me dis que j'ai eu la chance de partager un bout de chemin avec lui. Cela ne rend pas les choses plus faciles, mais ça m'aide à avancer. Peut-être qu'un jour, nos chemins se croiseront à nouveau, dans d'autres circonstances. Peut-être que je lui chanterai *Secret Love*, et qu'il comprendra. Ou peut-être pas. Pour l'instant, je continue de vivre, un jour à la fois, en espérant que cette douleur s'atténuera et que je retrouverai ma propre lumière.

Entre la vitesse et la mélodie -- Lewis Hamilton & AaliyahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant