Alice Nevers, juge d'instruction

Chapitre 34 : Point final

« Fred,
J'ai glissé cette lettre dans la poche de Victor, je savais que l'un d'entre vous tenterait de venir me chercher, mais c'est terminé.
A l'école déjà, je détestais entendre, à la fin d'une histoire "point final". Je n'acceptais pas qu'il y ait une fin. Et pourtant, il n'y a pas que des mauvais côtés à cela, tu ne trouves pas ?
On a tout essayé. J'ai pris sur moi, j'ai fait énormément de choix et des milliers d'erreurs. Toi aussi, tu es passé par des étapes difficiles, mais tu as été présent pour moi. Par amour, tu as fait tout ce que tu pouvais pour que je reste heureuse et en bonne santé. Même pour petit Paul, tu as été...un ange. Je regrette de te l'écrire, mais je ne trouve jamais le temps de t'avouer tout cela. Aujourd'hui, je mets un point final à notre relation, avec des centaines de regrets. C'est triste à écrire, et j'imagine que c'est tout aussi désagréable à lire.
Avec toi, j'aurais pu aller n'importe où, faire n'importe quoi ; il n'y a qu'à tes côtés que je me sens si vivante. C'est contradictoire, de te quitter alors que je t'aime autant.
Mais ça n'est plus réciproque et tu le sais. Aucune parole ne saurait me rassurer. Je t'ai fait confiance, et une seule trahison suffit à justifier mon départ. Ce n'est pas un crime, d'aimer. J'espère simplement que tu ne te trompes pas.
Tu pourras écrire à Paul, je te communiquerai notre nouvelle adresse et lui lirai tes lettres le soir. Tu n'auras plus à subir mes humeurs et après tant d'années, je pense que c'est un grand soulagement. Je veux ajouter à ces tristes lignes quelques mots, pour te certifier mon amour pour toi.
Par moments, par jalousie, je me tournais vers d'autres que toi. Mais notre histoire, aussi longue qu'elle soit, n'a jusqu'alors jamais connu de point. Je suis triste d'en mettre un, mais nous ne pouvons pas continuer dans cette direction. Je suis sûre que ta conscience est d'accord avec moi. Je garderai volontiers contact avec Lucie et Juliette, envoie moi simplement un message pour m'assurer que leur rencontre s'est bien passée.
Si, commandant, vous pouviez éviter de glisser des mots d'amour entre les lignes de ce message, j'en serais ravie ! Cela ne ferait que me blesser. Paul t'aime comme un père, et moi, comme une femme libre. C'est une belle fin. Je t'aime,
Alice. »