Chapitre 25 : Gêne

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  Elle est repérée dès son entrée, et très vite, elle progresse dans les longs couloirs blancs, encore plus éclaircis par les éclats du soleil qui traversent tant bien que mal les fenêtres. Sa mère la suit à grand peine, les cheveux au vent, elle tient son sac d'une main et de l'autre, tente de ralentir sa fille, sans y parvenir. Flora s'arrête pourtant quelques mètres plus tôt, alors que Juliette est déjà au niveau d'Alice. Celle-ci l'accueille chaleureusement. Dans les bras de ce que l'on pourrait qualifier de belle-mère, elle reprend sa respiration.
Juliette : Il va bien ? Il est où ?
Alice : Le docteur a dit que ce n'était pas grave, Juliette calme toi, ça ira je t'assure !
  Par-dessus l'épaule de la fille, Alice observe la mère arriver. Juliette salue Paul, qui reste tout près de sa mère.
Une gêne prend place entre Flora et Alice. Leurs regards sont froids, mais Flora tend sa main à la juge.
Flora : Bonjour.
Alice : Bonjour.
  La respiration de Flora n'est pas meilleure que celle de sa fille, mais elle se contient.
Alice les invite à s'assoir, elle propose à boire à Juliette, qui accepte et suit le parcours que la juge lui indique pour trouver un distributeur de boissons dans ce grand hôpital.
Alice observe Juliette déambuler dans le sens inverse et reporte son regard sur Flora. Elle est aussi élégamment habillée que sa fille, vêtue d'une robe noire à col arrondi, et de ballerines assorties à celle-ci.
Flora est gênée et détourne son regard, qu'elle pose sur un docteur qui passe par là. Elle questionne Alice sur la santé du père de sa fille.
Flora : Qu'est-ce qu'il a ? Juliette a essayé de m'expliquer mais...
Alice : Il a une plaie au genou, elle est impressionnante mais seulement en apparence, selon le docteur. On n'a pas à s'inquiéter.
   Le hochement de tête de Flora dénonce son grand soulagement.
Alice : Vous étiez inquiète ?
  Le geste brusque qu'elle fait entraîne sa chevelure remontée à l'aide d'une pince, dans son mouvement. La tête tournée vers Alice, elle s'explique, agacée que Juliette et Alice soupçonnent un reste d'amour qu'elle aurait pour Fred.
Flora : Quand j'ai vu Juliette dans cet état, ça m'a...rendue triste pour elle. Elle y tenait à ce rendez-vous.
Alice : Autant que vous ?
  Sur ses gardes, Alice veut comprendre : cette histoire avec Rachel l'avait blessée au plus profond d'elle, au point qu'elle avait promis au commandant de disparaître à tout jamais.
Flora se lève, c'en est trop.
Flora : C'est quoi votre problème ? Vous croyez que je veux le récupérer, c'est ça ? Vous me connaissez, ce n'est pas mon genre de m'habiller comme ça, c'est Juliette qui m'a choisi la tenue, je voulais juste lui faire plaisir.
  Alice continue de la regarder, avec le même regard que celui qu'elle fait aux coupables qu'elle interroge à la brigade ou au palais.
Flora : Je n'ai pas dix ans ! Ça fait bien longtemps que j'ai tourné la page ! Pourquoi vous vous acharnez sur moi comme ça ?
  Un docteur passe et lui demande, en même temps que de s'assoir, si elle peut baisser d'un ton. Contrariée elle s'exécute, soupire et tourne la tête vers Juliette, déjà de retour.
Consciente qu'elle l'a poussée à bout, Alice s'excuse.
Alice : Je ne voulais pas vous énerver. Pardon...
  Juliette se rassoit entre sa mère et Alice et ses mains tremblantes tiennent un gobelet blanc.
Flora : Tu as pris quoi ?
Juliette : Café.
Flora : Depuis quand tu bois du café ?
Juliette : C'est juste quand ça va pas. Ce n'est pas le moment de me faire la morale.
  Le silence reprend sa place tandis qu'un docteur arrive, une radio à la main.
Docteur : Vous êtes bien de la famille de Frédéric Marquand ?
Alice : Oui.
  Flora la regarde se lever aussi vite, en se remémorant le mot famille. Alice entraîne son fils qui, désintéressé, prend part à la conversation en restant à l'écoute. Très vite, Flora est tirée de ses pensées, et elles entourent le docteur qui leur montre de son index, différents endroits sur la radio. Sans vraiment comprendre son récit, elles hochent la tête à l'unisson et il se tourne vers elles.
Docteur : Comme je vous disais, pas de quoi vous inquiéter, la rotule n'est pas endommagée, on va refermer la plaie avec des points de suture, on lui mettra une attèle et repos pendant trois jours pour que la plaie cicatrise au mieux.
Alice : Il va rester à l'hôpital ?
Docteur : Je préfère. Si vous tenez à lui, c'est beaucoup mieux pour sa santé, et vous n'aurez pas à lui faire les soins quotidiens. Les infirmières s'en chargeront.
Alice : D'accord, merci.
Juliette : On peut aller le voir ?
Docteur : On va l'emmener dans sa chambre après qu'il ait été recousu, il faudra patienter environ une demi-heure, le temps qu'on le transfère.
  Il s'en retourne et tous reprennent place sur leurs chaises. Pour la première fois, Paul prend la parole bien qu'impressionné par Flora, qui ne lui paraît pas gentille du tout.
Paul : On va le voir quand, parrain ?
Alice : Bientôt mon chéri, tu as entendu le médecin. Une demi-heure.
Paul : C'est long ?
Alice : Pas trop, non.
  Paul reprend place sur les genoux de sa maman, les yeux rivés sur la petite horloge située au fond du couloir, même sans connaître la signification de ces chiffres et aiguilles, il attend.
Flora : C'est votre fils ?
Alice : Oui.
Flora : Et...le papa ?
  Juliette, qui connaît la réponse, la regarde, sachant qu'elle n'aurait pas dû poser la question.
Flora : J'ai dit une bêtise ?
Alice : Le père de Paul est en prison.
Flora : Pardon.
Alice : Vous ne pouviez pas savoir.
  Elles se sourient poliment, ce qui réjouit Juliette.

Alice Nevers, juge d'instructionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant