Chapitre 7 : Hésitations

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  Ses yeux s'ouvrent pour se refermer une seconde plus tard. Il se redresse sur son coude et se remémore la fin de soirée de la veille. La sensation qui s'était éprise de lui alors qu'il tentait de prononcer quelques mots doux à l'égard de la juge Nevers. Il préfère se tenir éloigné d'elle et, sans plus réfléchir, achète un billet pour Nantes. Départ pour le lendemain, dans l'après-midi.

  À la même heure, Alice reçoit un appel pour le moins inattendu.
[Conversation téléphonique]
Alice : Oui ?
... : Bonjour Madame le Juge !
  Son front se plisse.
Alice : Bonjour... Qui est-ce ?
... : C'est votre ancien lieutenant !
Alice : Max...?
? : Un peu plus ancien...
  Elle ne trouve pas et donne sa langue au chat.
? : C'est Romance !
Alice : Romance ?! Mais, comment vous avez eu mon numéro ?
Romance : C'est une longue histoire. Est-ce qu'on pourrait se voir un moment ?
Alice : Oui, bien sûr. Nous n'avons pas d'enquête en cours et mon fils est chez son grand-père. À quelle heure ?
Romance : Votre fils ? Vous aurez des choses à me raconter ! Je dirais, quinze heures à la Tour Eiffel ?
Alice : C'est noté. C'est gentil de m'avoir contactée !
Romance : Ça me fait plaisir ! À tout à l'heure Madame Nevers !
Alice : À tout à l'heure Romance.
[FIN]

  Elle constate qu'aucun appel n'était noté dans son carnet : silence radio à propos de Marquand. Elle s'en inquiète avant de se préparer pour le rendez-vous. Alice fait un détour et passe par chez Marquand, elle dépose quelque chose dans sa boîte aux lettres.

  Le commandant regarde son courrier et se demande ce qu'il pourrait trouver d'autre de spécial dans sa boîte aux lettres. Il descend et remonte avec le courrier récent. Derrière toutes les lettres ordinaires, il trouve une photo de Noah, dédicacée par sa mère. Il l'effleure de ses doigts et la dépose en vue sur la table basse, avant de se souvenir qu'ils n'avaient donné que l'adresse d'Alice à la mère Diacouné. Alice est passée tôt déposer la photo, il a peut-être une chance de la rattraper.

  Il saisit les clés de sa voiture et dévale les escaliers. Par chance, il reconnaît la voiture de sa juge à sa plaque minéralogique qu'il connaît par cœur.
Il crie son nom mais elle n'entend pas, par ce temps, elle roule sûrement fenêtres fermées et climatisation à 100%.
  Il grimpe dans sa voiture et démarre aussitôt. L'aiguille sur le compteur monte à une vitesse considérable. Il la suit tant bien que mal mais a la mauvaise impression qu'elle essaie de le semer dans Paris. Il se ravise, connaissant l'attitude de sa juge : si elle avait vu qu'il la suivait, elle se serait arrêtée. La course poursuite prend fin quand Marquand donne un coup de frein... Trop tard, les deux voitures se sont rentrées dedans.

  Elle arrive dans sa tenue de travail, coiffée, pomponnée, et attend sur le lieu de rendez-vous.
Romance arrive, il la salue au loin, et elle est surprise de son changement.
Les écouteurs dans les oreilles, il est vêtu d'une élégante chemise bleue, il a l'allure d'un homme d'affaire. Elle est presque timide à l'idée de le revoir.
Romance : Bonjour !
Alice : Bonjour...
Romance : Vous êtes resplendissante... Comme vous avez changé, j'ai eu du mal à vous reconnaître !
Alice : Merci beaucoup ! Vous aussi vous avez changé Romance !
  Ils discutent de tout et de rien et une question qui taraude Romance intervient dans la discussion.
Romance : Mais ce commandant Marquand... Vous êtes ensemble...?
  Alice s'attarde sur cette question. Que répondre ? Elle replonge ses yeux dans ceux de Romance et y lit quelque chose de touchant, frustrant, dérangeant... Elle est comme hypnotisée et ne le quitte plus du regard.
Romance : Alice ?
  Elle se redresse, comme pour se réveiller.
Alice : ... Pas officiellement, c'est un peu compliqué.
  Il sourit à son tour, une flamme s'allume dans ses yeux, mais cette fois, Alice ne le détecte pas tout de suite.
Romance : Toujours aussi compliquée, madame le juge...
  Ils marchent ensemble au bord de la Seine, Alice se remémore des instants passés avec Marquand puis le chasse de ses pensées. Elle consulte juste son téléphone pour voir s'il a donné signe de vie : rien.
  L'ancien lieutenant la raccompagne, ils sont à l'air frais, le soleil se couche bientôt...
Alice : C'est ici.
Romance : Ah... Ce sont de beaux appartements ici.
Alice : Comment le savez-vous ?
  Il ne s'en rend pas compte mais Alice ne détache plus ses yeux des siens.
Romance : J'ai un ami qui travaille dans l'immobilier.
Alice : Ah...Nous avons passé une bonne après-midi, je vous en remercie, j'en avais vraiment besoin.
Romance : Je peux vous l'avouer... Lemmonier m'a contacté et m'a fait entendre que vous alliez mal, et que le soutient de la part d'un "ancien ami" ne pourrait vous faire que du bien.
Alice : Un ancien ami...
  Son regard innocent la ravit, elle lui lance un regard avant d'ouvrir la porte et il l'appelle une dernière fois.
Romance : Alice ?
  Il en profite pour s'approcher d'elle, la prendre dans ses bras et la réconforter. Alice profite de cet instant ; quand elle se redresse, il l'embrasse délicatement.
Alice : Romance...
  Il la reprend dans ses bras et la relâche en s'éloignant, son sourire éblouit la juge et elle remonte chez elle, remplie d'émotions.
Un quart d'heure plus tard, elle reçoit un appel.
[Conversation téléphonique]
Victor : Je suis désolé je n'ai pas pu me libérer plus tôt... Courage madame le juge !
Alice : Pardon ?
Victor : Vous n'êtes pas au courant ?
Alice : Mais de quoi Victor ?
Victor : Tout à l'heure le commandant a eu un accident de voiture. Il saigne énormément apparemment, l'hôpital vient de m'appeler, je pensais que vous les aviez eus...
[FIN]
  Elle a déjà raccroché.

  À l'hôpital, Alice se lance dans une course contre la montre et s'engage dans les allées de l'hôpital. Elle perd l'équilibre un instant, ses cheveux volent derrière elle, ses larmes s'envolent avec eux. Elle ouvre la porte de la chambre que lui a indiqué un chirurgien sans toquer. Son cœur s'arrête de battre un moment. Elle s'approche, curieuse de savoir l'état dans lequel est Marquand. Sa voix est étouffée, brisée, mais elle parvient à prononcer son nom :
Alice : ...Fred ?
  Elle se penche au dessus de lui et ses larmes coulent sur la petite couverture qui le recouvre. La machine émet des sons, elle crée un concerto agréable, berçant Marquand, encore endormi. Une infirmière arrive avec un plateau repas.
Infirmière : Ce n'est pas l'heure des visites, qui vous a laissée entrer ?
  Le chirurgien qui l'avait informée du numéro de chambre de Fred Marquand arrive.
Dr Proust : Ça ira, je l'autorise. Vous pouvez sortir Magalie ?
Infirmière : Mais je n'ai pas fait les soins...
Dr Proust : Je m'en occupe, merci.
  Elle sort, il regarde la mine désolée d'Alice.
Dr Proust : Vous êtes ?
Alice : Alice Nevers...
  Le regard d'Alice ne se détache plus de Marquand. Le chirurgien lui tend un mouchoir avant de l'inviter à s'asseoir sur le divan.
Alice : Non...je vais rester auprès de lui.
Dr Proust : Si je me réveillais et vous voyais pleurer comme ça, je pleurerais à mon tour. Mais nous voulons qu'il guérisse n'est-ce pas ? Venez, il doit reprendre des forces.
  Il entraîne Alice dans un bureau privé, elle a du mal à récupérer, elle veut être auprès de Fred.
Dr Proust : Vous savez ce qui est arrivé ?
Alice : Non...je... Dès que je l'ai su, je suis venue ici...
Dr Proust : Vous êtes sa femme ?
  La porte s'ouvre. Le docteur Chahine entre, son regard croise celui d'Alice, il la salue vaguement.
Dr Chahine : Benjamin a besoin de compresses mais on en manque au deuxième étage.
  Le docteur Proust lui tend ce qu'il est venu chercher, puis le docteur Chahine ressort.
Dr Proust : Vous le connaissez ?
Alice : Oui... Il m'a fait des séances d'hypnoses...
Dr Proust : Ah, c'est vous ! Alice Nevers, je n'avais pas fait le rapprochement... Vous étiez sa patiente, il nous en parlait à chaque pause. Mais apparement votre cas s'est amélioré. Quand il m'en a parlé, j'avoue que j'ai été soulagé pour vous.
Alice : Fred va s'en sortir ?
Dr Proust : Pour vous communiquer des nouvelles j'ai besoin de savoir quelle place vous avez pour lui.
Alice : C'est compliqué...
  Ses yeux embués fixent une image sur les accidents de la route. Elle fond en larmes une seconde fois, mais personne d'autre que celui qui est blessé ne serait capable de la réconforter...
Dr Proust : Sa... maîtresse ?
Alice : Non !
Dr Proust : C'était pour vous faire réagir. Votre état s'améliore. Passons, cette question semble vous faire plus de mal que de bien. Reprenez-vous tout doucement, je vais vous chercher quelque chose. Vous voulez un café ?
  Alice acquiesce, elle pose ses coudes sur la table et met sa tête entre ses mains.
  Il revient et la retrouve endormie sur son bureau. Il esquisse un sourire et comprend ce que Chahine trouvait de particulier en cette femme.
Le médecin lui tapote l'épaule et elle se réveille. Le docteur se dirige avec elle vers la chambre où se trouve Marquand, il l'installe dans le divan et lui met une des couvertures de l'hôpital. Le rai de lumière disparaît et la chambre est plongée dans le noir.

  De l'autre côté de la porte, les chirurgiens s'activent : une femme enceinte victime d'un accident de voiture a perdu son bébé...

Alice Nevers, juge d'instructionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant