Je continue de marcher dans les rues, perdue dans mes pensées et décide d'aller sur la tombe de maman au cimetière qui n'est pas très loin.J'accélère, me mets à courir. J'ai envie d'être avec elle même si je sais bien que ce ne sera pas vraiment le cas, que ce ne le sera plus jamais. J'ai simplement besoin de m'évader quelques instants et être là-bas est le seul moyen d'y parvenir. Lorsque j'arrive à sa tombe, l'impression de l'avoir à mes côtés revient, me remplissant à la fois d'un sentiment de peine et de joie.
Je sens sa présence.
Peut-être est-ce ridicule, que je deviens folle, mais il ne me reste plus que ça. Sa tombe est similaire aux autres mais se démarque avec un détails : elle est plus récente. Je le vois car, contrairement aux autres, sa peinture grise n'est pas abîmée. Je m'assois en tailleur devant, sur l'herbe, et la scrute dans les moindres détails.
Je regarde successivement son nom « Andréa Mellin » sa date de naissance, sa date de décès séparés d'un simple tiret« 1972-2012 », et sa photo. Dessus on peut voir une femme heureuse, magnifique et respirant la joie de vivre. Son immense sourire illumine tout son visage. Ses cheveux blonds qui retombent sur ses épaules en une incroyable cascade font ressortir ses grands yeux bleus. Elle était si belle et jeune. Comment une femme comme elle a pu mourir à cet âge d'un simple accident de voiture ?Elle méritait d'avoir une longue vie pleine de bonheur. Mais elle est partie, ne laissant que des magnifiques souvenirs et photos derrière elle.
Le soir de l'accident nous rentrions d'un repas organisé par le travail de papa. Je sentais les mauvaises ondes envahir la voiture malgré la musique. Papa et Maman haussaient de plus en plus le ton, j'étais à deux doigts de leur dire de se calmer lorsqu'une voiture a surgit de nul part, ne nous laissant pas la priorité. Elle a foncé du côté de Maman, ce qui explique sa mort. Habituellement je m'asseyais derrière elle mais ce soir-là, je ne sais pour quelle raison, je me suis mise de l'autre côté où apparemment la chance m'attendait.Nous avons fait plusieurs tonneaux en hurlant avant d'arriver contre un arbre. Je n'ai aucun souvenir de la suite, je me suis simplement réveillées dans une chambre d'hôpital, chaque partie de mon corps me faisant atrocement mal.
Je regarde la photo tout en me remémorant cette soirée qui a changé ma vie. Cette tombe est affreuse, le tiret entre ses deux dates est affreux ! Comment peut-on représenter la vie d'une personne par un simple tiret ? Il représente les quarante ans d'une vie, bon sang !
Personne ne saura qu'elle avait une véritable passion pour l'histoire,qu'elle aimait lire et se promener, qu'un jour lorsqu'elle était petite, elle est tombée en vélo ce qui lui a laissé une petite cicatrice sur le genou. Ce tiret me répugne, depuis le jour de l'enterrement je fais une fixation dessus. J'imagine ma tombe à côté d'elle, « Alison Mellin », « 1998-2014 ». Et ma vie dans tout ça ? Il est peut-être préférable de mettre un tiret que de raconter que mon père me battait et me détestait,qu'avant j'avais une vie heureuse lorsque ma mère, qui repose à côté de moi était vivante ! Tout cela est beaucoup plus rapide à représenter par un tiret !
J'essaie de me calmer mais n'y parviens pas. Pourquoi elle ? Elle qui était tant aimée de tous, qui essayait toujours de rendre heureuses les personnes de son entourage.
Je me remets à pleurer en pensant à tous les moments que nous avons partagés, les bons comme les mauvais même si je préfère m'attarder sur les meilleurs. Tous les dimanches où il faisait beau,nous allions au parc près de chez nous et y passions toute la journée. Nous pique-niquions là-bas, jouions au ballon, lisions,riions. Lorsqu'il y avait des fleurs, nous en faisions des bouquets,les tulipes étaient les favorites de maman. Alors pour lui faire plaisir, je lui en cueillais des dizaines et les lui offraient. Cela peut paraître enfantin mais je ne m'en inquiétais pas, tout ce que je voulais, c'était la voir sourire.
Notre vie était tellement géniale à cette époque ! Papa et maman souriaient tout le temps, s'embrassaient, se disaient des mots doux.Ces moments pleins de bonheur me manquent. Cet accident de voiture n'a pas seulement pris la vie de ma mère, il a enlevé la joie de vivre à mon père et l'a changé à tout jamais, me changeant par conséquence.
Je me ressaisie, essuie mes larmes et regarde ma montre. Il est onze heures et nous sommes samedi. Mon père doit être à la maison,affalé sur le canapé à vider les bouteilles de Whisky les unes après les autres. Je ne veux pas prendre le risque de rentrer et de l'affronter une nouvelle fois. J'ai faim, mais je préfère avoir cette sensation au ventre à la place de la douleur de ses coups.J'irais prendre mes affaires en début d'après midi, lorsqu'il ira racheter de quoi boire à la supérette du village. Oui, cette fois je partirais vraiment, ce n'était pas une menace en l'air.
Il trouve toujours une excuse pour acheter plusieurs bouteilles chaque semaine au vendeur : pot de départ au travail, fête entre amis, collègues qui viennent manger à la maison. Tout cela pour que personne ne remarque notre situation familiale. C'est un excellent menteur qui paraît tellement serviable et aimable auprès de ses collègues que si quelqu'un leur expliquait notre situation, ils ne le croirait certainement pas. Nous habitons dans une petite ville située à quelques kilomètres de la capitale où les rumeurs se créent rapidement. Personne ne s'est rendu compte de quoi que ce soit. Mon père est un très bon manipulateur, et j'imagine que moi aussi puisque j'ai réussi à cacher ce qui se passe à tout le monde.
Tel père telle fille, n'est-ce pas ?
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Le Centre
Teen FictionJe m'appelle Alison et j'ai seize ans. Ma vie a basculé il y a deux ans dans un accident de voiture. Après cela, la violence faisait partie de mon quotidien. Aujourd'hui, grâce à la découverte d'un lieu unique, je peux enfin m'autoriser à vivre. J'a...