Chapitre 7

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Je me réveille en hurlant, tremblante et en sueur. C'est la première fois que je fais un cauchemar aussi réaliste, violent et affreux.

Ana est là pour m'aider, assise sur le bord du lit, telle une mère qui réconforte son enfant. La situation peut paraître comique :les rôles devraient être inversés si on suivait la logique des âges.

-Calme toi, elle me dit d'une voix douce. Ça va aller. Raconte moi ce qu'il s'est passé.

Voyant à mon expression que je suis plutôt réticente à cette idée, elle continue :

-Il faut que tu en parles sinon ça ne s'arrêtera jamais. Crois moi,j'étais dans une situation identique il y a quelques mois.

Je me rend alors compte de sa grande maturité. Une jeune fille de treize ans parlant de la sorte et essayant d'aider une étrangère,c'est peu banale. Elle m'impressionne. Je réfléchis pendant quelques secondes pour remettre mes idées en place et trouver une façon potable de raconter mon cauchemar. J'ai l'impression d'être une enfant de six ans qui vient de rêver qu'un monstre l'emportait.La réalité est malheureusement pire :

-J'étais dans ma chambre avec ma mère. J'étais très jeune, je devais avoir huit ans. Elle me chantait d'une voix magnifique une chanson pour m'endormir en écartant les mèches de cheveux de mon visage. Elle était là, avec moi, tel un ange. J'étais heureuse et tout allait bien, et puis tout s'est écroulé lorsqu'il est arrivé.

-Qui ?

-Mon père. Il l'a tirée par les cheveux pour la sortir de la pièce et l'a frappée. Ses cris me déchiraient le cœur. J'essayais de me lever et d'aller l'aider mais n'y arrivais pas. Mes jambes ne répondaient plus. Je hurlais en lui suppliant de la lâcher. Il est ensuite revenu et au moment où il allait m'atteindre et me ruer de coups, je me suis réveillée. En plus de me gâcher la vie, il gâche mes rêves. Tout était si parfait avant qu'il n'arrive.

-Il ne peut plus t'atteindre ici, tu n'as pas à avoir peur. Mes cauchemars se sont arrêtés lorsque je me suis rendue compte que je suis en sécurité maintenant.

-J'ai l'impression que la peur est un sentiment qui fait partit de moi, que sans elle je ne suis rien.

-Il faut que tu t'en délivres. Tu te sentiras revivre, tu seras heureuse. Tu ne l'as pas été depuis un moment n'est-ce pas ?

-Non.

Après ça nous parlons de nos histoires respectives. Je lui raconte tout sur mon père et parle de ma mère. C'est la première fois que je parle autant de moi, et surtout de ce sujet avec quelqu'un. Elle avait raison, ça fait énormément de bien de se confier. Je ne la connais que depuis quelques heures mais je sens déjà un lien qui nous unit. Peut-être est-ce ridicule mais j'ai l'impression que je peux me confier sans danger. Elle est un ange tombé du ciel, comme toutes les personnes que j'ai rencontrées ici.

Elle me raconte elle aussi plus en détails son histoire. J'apprends que ses parents l'ont abandonnée à sa naissance. Elle n'a connu que des familles d'accueils dont deux qui ont voulu l'adopter mais pour des raisons qu'elle ignore ne sont pas allées jusqu'au bout. Elle a eu une enfance allant de famille en famille, sans être réellement aimée. Elle ne l'a jamais été jusqu'à ce qu'elle arrive ici, où elle peut être elle même sans essayer de plaire.

Je me rend compte que je ne suis pas la plus à plaindre. Elle n'avait rien demandé et voilà à quoi ressemblait sa vie avant le Centre. Elle restait assez de temps à un endroit pour s'attacher aux personnes et puis devait s'en aller. Alors au fil des années elles'est construite une carapace pour ne plus s'attacher aux personnes et souffrir. Ça n'a pas marché et repoussé davantage les familles susceptibles de l'adopter.

Le CentreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant