Chapitre 24

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Je m'endors vers vingt deux heures, étonnamment épuisée, après mangé un repas aussi léger que les deux autres de la journée. Je me réveille plusieurs fois pendant la nuit en gardant toujours l'esprit embrumé.

La première fois je pense entendre la porte se verrouiller, la seconde fois je sens la présence de quelqu'un sur mon lit. Je n'éprouve aucune émotion tant le sommeil occupe encore une grande partie de mon esprit. Je trouve la force d'ouvrir un minimum les yeux et découvre la silhouette d'un homme. Il pose sa main sur la mienne. Je crois apercevoir le visage de mon père. Des larmes roulent sur ses joues. La troisième et dernière fois que je me réveille, il est debout, face à mon bureau. Cette fois-ci je n'ai plus de doutes : il pleure. Mes yeux se ferment tout seul, il m'est impossible de les ouvrir mais j'entends ses sanglots. J'éprouve une violente douleur à la poitrine. Je veux me lever et le réconforter mais il est trop tard, je retombe déjà dans un sommeil profond.

A mon réveil, ma chambre est remplis d'une forte lumière : celle du soleil. Je regarde l'heure et découvre qu'il est midi. Mon premier réflexe est de regarder la porte pour voir si mon père m'a apporté quelque chose à manger. Il n'y a rien. Mais sur le parquet en bois je peux distinguer une forme rectangulaire et marron qui s'y détache. Je m'approche d'elle, la prend et l'ouvre tout en me doutant de qui elle est. Surtout après cette nuit.

Si ce n'était pas un rêve.

Anxieuse, j'ouvre l'enveloppe.

Je lis la lettre écrite sur du papier blanc..

« Alison,

Il faut que tu saches que je suis désolé pour tout ce que je t'ai fait subir. La mort de ta mère a fait de moi un homme sans cœur, sans morale, sans jugement. La culpabilité m'a rongé depuis le premier jour que j'ai du vivre sans elle. Je n'aurais pas du lui parler de mon travail et nos projets plus que douteux. Je n'aurais pas du conduire ce soir-là.

Toute ma vie est aujourd'hui construite sur du regret. J'ai noyé mon chagrin dans l'alcool en t'abandonnant. Je ne voulais plus penser à ta mère dès que je te voyais. Je ne voulais plus la voir à travers tes beaux yeux, à travers chacun de tes gestes ou même chacune de tes paroles. C'était trop dur. Mes remords étaient insupportables à porter. L'alcool était le seul moyen pour moi d'oublier, de m'en sortir. Sauf que dès que je devenais ivre, je n'arrivais plus à me contrôler et je passais toute la rancœur, toute la colère que je cultivais en moi, sur toi. Toi, qui essayais de m'aider, d'être là pour moi. Toi qui n'étais qu'une jeune fille sans défenses. J'oubliais que tu avais perdu ta mère dans cet accident. Que tu étais ma fille. J'oubliais tout.

Je détestais l'homme que j'étais devenu. Je m'en rendais compte à chaque fois que je redevenais sobre. Alors, paradoxalement, au lieu d'arrêter de boire et essayer de changer, je continuais pour oublier qui j'étais devenu, pour oublier ce que j'avais fait. Je ne pouvais plus sortir de ce cercle vicieux.

Ça m'était impossible.

Et puis un jour je me suis réveillé par terre et j'ai remarqué ton absence. J'ai de suite su que tu étais partie à cause de mes actions. Je m'en suis voulu. Je me rappelle avoir bu comme jamais ce jour là et avoir détruit tout ce qui se trouvait dans ma chambre. Je me suis cassé la main à force de taper dans le mur encore et encore. Je me suis seulement réveillé deux jours après. Et je n'ai rien fait. J'ai repris mes habitudes. Je sais que tu te demandes pourquoi. Je me le demande aussi.

Lorsque je t'ai vue partir en courant avec ce garçon, je me suis rendu compte qu'il fallait absolument que je change pour toi. J'ai vu ton regard. J'ai vu le regret dans tes yeux. Depuis ce moment, en plus de ma culpabilité d'avoir tué ta mère s'ajoute celle d'avoir bousillé ta vie pendant deux ans. J'ai transformé ta vie en un véritable enfer et j'en suis conscient. Dès le jour où je t'ai vu t'enfuir avec ce garçon j'ai essayé de changer. Je l'ai fait. Mais au poste de police, voir Ethan a été un choc pour moi. Comme un retour à la réalité.

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