Chapitre 18

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Sur le chemin du poste de police je regarde le paysage qui défile à ma fenêtre. Ces champs sans fin coupés quelques fois par des maisons me donnent une impression de liberté malgré mes menottes. Le soleil se reflétant sur les épis de blés se balançant lentement au rythme du vent est magnifique. Tout en fixant cette fenêtre digne d'un tableau, je repense à Tristan.

Oui,encore.

Il connaît une autre solution pour nous procurer le vaccin. J'ai beau y réfléchir, je ne vois pas ce que ça pourrait être. De toute manière je ne pourrais pas lui poser la question : je suis censée ne pas le connaître et après les interrogatoires je retournerais chez mon père qui ne voudra sûrement plus que je sorte de la maison.

Je m'en tiendrais donc à mon plan initial.

Arrivés au poste je me sens étrange : On nous sort du véhicule en nous tenant par le bras comme si nous étions une menace. Quelques personnes inquiétantes elles aussi arrêtées sont présentes dans la grande pièce à l'intérieur de laquelle nous entrons. Ils nous regardent tous d'un air mauvais.

Un homme en particulier me fixe comme s'il voulait, ou pire, allait me faire du mal. Il porte un jean très large et un débardeur blanc moulant qui montre à quel point il n'est pas musclé. Son crâne rasé et sa peau très pale renforcent mon malaise. Je baisse les yeux et regarde mes pieds en marchant : je ne veux plus voir un seul de ces criminels. Je hais être traitée comme eux.

En quelques secondes j'ai l'impression de devenir invisible, jusqu'au moment où j'entends :

-Alison !

Je lève les yeux pour voir celui à qui appartient cette voix que je reconnaîtrais parmi des milliers.

Mon père.

Je le regarde, ébahie par sa transformation : Ses cheveux auparavant longs et sans entretient sont maintenant courts et bien coupés, sa barbe n'est qu'un souvenir et de grands cernes sont présents sous ses yeux. Sa tenue est également plus soignée que d'habitude : son jogging trop grand est remplacé par un beau pantalon noir et son t-shirt blanc non lavé depuis des jours par une chemise bleu marine. Il est à cinq mètres de moi et me regarde sans un mot. Il tend une main désespérée vers moi et je remarque qu'il tremble énormément.

Je le fixe toujours, sans avoir prononcé un mot lorsque John me fait entrer de force dans une pièce. Il m'y laisse seule après avoir enlevé mes menottes sans un mot. Tout en me massant les poignets pour m'enlever la sensation désagréable toujours présente du métal frottant ma peau, je regarde la pièce en poussant un soupir :seulement une table et deux chaises sont présentes. La grande fenêtre rectangulaire sur le mur en face de la porte permet aux rayons du soleil de passer timidement et ainsi éclairer cette pièce peu agréable. Je m'assoie sur l'une des chaises en bois et pose ma tête entre mes mains.

Je revois son allure et son regard désespéré respirant le regret. Sa main qui tremblait et ses cernes montrent qu'il essaie de rester sobre depuis un moment. La sensation de bonheur et de satisfaction qui devrait monter en moi est stoppé par le souvenir du calvaire que j'ai enduré pendant deux ans, soit sept cent trente jours qui m'ont paru une éternité. Durant tout ce temps mon quotidien était un enfer. Il ne se passait pas un jour sans qu'il ne me frappe ou m'insulte, sans que je lui supplie d'arrêter. Ses coups les plus violents ont laissés des cicatrices sur ma peau, mais aussi dans mon esprit.

Les cicatrices ne peuvent pas disparaître.

Les souvenirs non plus.

Je suis reconnaissante qu'il ait commencé à changer, qu'il se soit rendu compte que son comportement était inacceptable. Mais ce n'est pas pour autant que je lui pardonnerais un jour ce qu'il m'a fait subir. Je ne sais même pas si j'ai envie de lui donner ne serais-ce qu'une petite chance de se racheter. Le fait qu'à cause de lui je n'ai pas eu de vie pendant deux ans prendra toujours le dessus.

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