Chapitre 21

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Mon père se dirige rapidement vers la porte, l'ouvre, entre dans la maison puis la referme, sans même me jeter un regard. Je pourrais m'enfuir en courant sans problème.

J'hésite quelques secondes.

Je regarde tour à tour cette maison qui renferme tous mes pires souvenirs et la direction que je devrais prendre pour retourner au Centre.

Non.

Je dois rester ici.

Je  dois trouver le moyen de leur fournir le vaccin.

Je monte les marches lentement, ouvre la porte de la même façon et, en me dirigeant vers ma chambre, j'aperçois mon père remplir un verre de Whisky. Je m'arrête au seuil de la porte et le fixe. C'est une mauvaise idée mais je ne peux m'en empêcher. La déception est trop grande. Je ne peux pas partir comme si de rien n'était.

Je fais alors une chose dont je ne me serais jamais cru capable :Je m'approche de lui, arrache la bouteille de ses mains et la jette par terre. Le bruit du verre heurtant le sol est violent tout en me procurant un plaisir immense. Je regarde le liquide sur le sol qui s'étend entre les jointures du carrelage blanc. Il contourne mes pieds bien fixés au sol.

Jamais il ne rentrera en moi.

Je porte une plus grande haine contre ce liquide que contre mon père.Ce n'est pas mon père qui est de nature violente. C'est l'alcool qui le transforme.

Et puis je réalise que ce que je viens de faire aura forcément une mauvaise conséquence.

Je respire vite, la peur m'envahit. Je remonte mon regard vers les points serrés de mon père, je vois les veines ressortir de ses avants bras, je vois sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration rapide. Enfin, j'ose regarder son visage. Ses narines sont écartées, ses rides plus encore creusées que d'habitude. Son regard respire la colère et évidemment, l'envie de me frapper.

Il fait un pas en avant, j'en fait deux en arrière. Qu'est-ce-qu'il m'a pris de faire ça ? Je ne me souviens même pas d'avoir pris la décision de me débarrasser de cette bouteille ! Il s'avance une dernière fois et, étant absorbée par mes pensées, je n'ai pas le temps de l'éviter. Il me gifle d'une force qui me coupe le souffle et me laisse une brûlure fulgurante sur la joue. Je porte ma main dessus, je ne sais pourquoi, c'est simplement le réflexe de tout le monde : porter sa main où la douleur fait rage, comme si le contact de la peau pouvait apaiser la peine. Juste après ce geste il me pousse contre le mur du couloir. Comme il y a quelques semaines. Juste avant que Tristan face son apparition.

Évidemment,ce soir personne ne sera là pour moi.

La voix de mon père me vient comme d'un cauchemar, en écho.

-Tu n'as pas intérêt à refaire ça. Tu ne sais pas de quoi je suis capable.

La réponse me vient naturellement, mais ne reste qu'une pensée. « je sais de quoi tu es capable. Je sais que tu pourrais me tuer de tes propres mains sans le moindre regret. ». Ces mots ne franchiront jamais mes lèvres.

Jamais.

Mes yeux étant fermés, j'entends seulement ses pas s'éloigner de moi et une porte se claquer. Peut-être celle de la cuisine, peut-être celle de sa chambre. Je n'ai pas le courage de regarder.

C'est inutile.

J'ai finis de me battre, d'essayer de le changer. Je me lève lentement,avec la tête qui tourne. J'ai du mal à rester debout et me dirige jusqu'à ma chambre en titubant. Je m'allonge sur mon lit sans draps,ferme les yeux et pleure silencieusement. J'ai l'impression qu'ils'est passé une éternité entre ce matin et maintenant.

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