Un sentiment d'insécurité se propage en moi au fur et à mesure que nous marchons. Je suis seule avec Tristan. Il fait nuit. Je n'arrive pas à décrocher mes yeux du ciel sombre et nuageux. Un frisson me parcours de la tête aux pieds lorsqu'un orage se fait entendre. Je n'aime pas cette ambiance lugubre. Certains trouvent cela excitant, moi je trouve ça apeurant.
Pourquoi ?
La réponse est évidente.
Deux ans plus tôt l'atmosphère était la même. Et deux ans plus tôt, sous cette atmosphère, la vie a quitté ma mère, la violence s'est emparée de mon père, la tristesse s'est installée dans mon être.
Tristan doit remarquer que quelque chose ne va pas car il me prend doucement la main. Je ne la retire pas. J'aime sentir la sensation de sa peau contre la mienne. J'ai l'impression d'être en sécurité, car nous ne faisons plus qu'un.
Arrivés au cimetière, John est déjà là. Nathan et Appoline manquent à l'appel. Une pointe d'anxiété me pique l'estomac. Et s'ils ne venaient pas ? Je regarde instinctivement ma montre : il est vingt deux heures cinquante cinq. Ils ne sont pas en retard. Il ne faut pas que je panique.
Lorsqu'il remarque notre présence, John s'avance vers nous. Il jauge du regard Tristan pendant quelques secondes puis lui tend la main. Il la serre avec sévérité. La tension est palpable entre eux.
Je déteste ça.
Comme d'habitude, Nathan arrive au bon moment avec son sourire toujours présent. Il tient par la main Appoline qui semble aussi angoissée que moi, si ce n'est pas plus. Il s'approche avec nonchalance de John et lui serre la main à son tour. Ce dernier lève les sourcils à la vue de son attitude. Je décide donc de faire les présentations.
- John, voici Nathan et Appoline, deux de mes amis.
Il hoche légèrement la tête sans prononcer un seul mot. Pourquoi ne parle-t-il pas ? C'est un peu trop stressant à mon goût.
- Écoutez les jeunes, il dit enfin, je ne vous connais pas. Et je ne sais pas pourquoi je m'engage là dedans avec vous et pas avec des professionnels, mais il faut que vous preniez ça au sérieux. -il pointe Nathan du doigt- J'ai peur de devoir te dire que ton attitude en arrivant était déplacée. Si tu ne comptes pas être sérieux cette nuit, tu ferais mieux de partir.
- Je...
- Je ne veux pas de tes excuses. Je veux simplement que tu ne te comportes pas comme si nous allions à la fête foraine. Compris ?
- Oui monsieur.
Nathan a l'air vraiment mal. Il regarde par terre, les mains dans les poches. Appoline lui prend le bras.
- Bien. - il se dirige maintenant vers Tristan. - Je commence vraiment à avoir peur.- En ce qui te concerne, je n'ai pas la moindre confiance en toi. Oui, c'est à cause de ton père. Oui, c'est injuste. Je vais supporter ta présence uniquement car Alison te fait confiance. Mais je tiens quand même à te prévenir : si tu fais ne serais-ce qu'un seul geste de travers, je te traîne jusqu'à ton géniteur. J'ai entendu dire qu'il attendait avec impatience de te revoir pour te faire la peau. Enfin, si c'est la vérité.
Tristan ne lui répond pas. Il essaie de se contrôler. Je le sais car il est entrain de me broyer la main. Je fais de mon mieux pour cacher ma douleur, mais c'est difficile.
Comprenant que personne ne prononcera un seul mot, il achève :
- Bon, maintenant que les bases sont posées, nous pouvons y aller. La voiture est à deux blocs d'ici. J'ai dû la louer, juste au cas où. Suivez moi.

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Le Centre
Roman pour AdolescentsJe m'appelle Alison et j'ai seize ans. Ma vie a basculé il y a deux ans dans un accident de voiture. Après cela, la violence faisait partie de mon quotidien. Aujourd'hui, grâce à la découverte d'un lieu unique, je peux enfin m'autoriser à vivre. J'a...