Chapitre 47

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Je me remet à marcher après avoir quitté John. Une boule au ventre ne me quitte plus. La pression est dure à supporter : si demain je n'arrive pas à accéder aux documents dont nous avons besoin, tout le plan sera compromis.

Et nous ne pourrons plus agir.

Et la plupart des adolescents seront contaminés.

Lorsque j'aperçois enfin la façade terne et peu accueillante du Centre, je soupire de bonheur et souris comme une idiote. Je cours presque jusqu'à l'infirmerie où je suis sûre de retrouver Ana et peut-être les autres. Je m'arrête devant la porte pour retrouver mon souffle et essuyer mon front qui transpire. Je me décide à rentrer doucement, sans montrer ma joie extrême de revenir histoire de ne pas passer pour une désespérée.

Ana m'accueille les bras tendus en me posant cent questions à la minute auxquelles elle ne me laisse même pas le temps de répondre. Puis je m'aperçois qu'elle n'est pas seule : Morgan et Maxime sont assis sur un lit pour malade, tout près l'un de l'autre, main dans la main. Morgan m'adresse un clin d'œil lorsque je les vois et un sourire d'attendrissement se dessine sur mon visage.

Je leur raconte tout dans les moindres détails, comme je l'ai fait avec John. Je me plain en me rappelant de Valentine et sa chère amie puis me réjouie en évoquant Jade. Morgan m'intime de me méfier, que c'est peut-être trop beau pour être vrai mais Maxime me conseille de ne pas l'écouter en m'assurant que parfois, sa paranoïa prend un peu trop le déçu mais que « c'est mignon comme tout ». A l'entente de cette déclaration, Morgan baisse la tête et devient rouge pivoine. Nous finissons par en rire.

Je finis enfin par leur parler de ma conversation avec John. Le sourire constant de leur visage se défait au fur et à mesure de mon récit.

- Peut-être que demain je pourrais t'accompagner pour t'aider, me propose Maxime.

Je lui souris pour le remercier mais malheureusement, je suis obligée de décliner son offre :

- Tu ne peux pas, c'est trop risqué. Nous sommes un petit village je te rappelle, tu ne passeras pas inaperçus au lycée. Et surtout pas face au proviseur.

- Où fait-on les papiers pour l'inscription ? Il me demande, un air de défis dans le regard.

J'aime cette étincelle dans ses yeux, car j'y lis de l'assurance. Il va avancer des arguments pour que j'accepte. J'espère seulement qu'ils seront assez convaincants.

- Au bureau de l'administration, je lui répond. Dans la pièce à côté de celle du proviseur. Mais je vois où tu veux en venir : ça ne le tiendra pas à l'écart car dès qu'il t'aura présenté la dame chargé des papiers, il repartira dans son bureau.

Mais malgré ce que je viens d'avancer, un sourire triomphant se dessine sur ses lèvres.

- Dis moi, quel est son sport préféré ? Il demande d'un air satisfait.

- Le basket. Il adule carrément l'équipe masculine du lycée depuis qu'ils ont gagné la coupe régionale il y a deux ans. Parle lui de ça, et tu risques de le tenir assez longtemps.

Cette fois-ci, je souris à mon tour.

Il a gagné.

La peur diminue considérablement.

- Tu es un génie ! Je m'exclame pour lui montrer mon soulagement.

- J'essaie juste d'aider, il me répond modestement.

Morgan passe un bras autour des ses épaules et ajoute fièrement :

- Il est mon héros !

Je suis tellement heureuse de les voir ensemble sans qu'ils ne montrent aucune honte, que je souris encore. Dans ce lieu, avec ces personnes, je ne fais que ça.

Sourire.

Je me rend compte que c'est très important pour la santé mentale. Ce simple rictus des lèvres permet de se sentir mieux, permet d'oublier quelques instants, aussi courts qu'ils soient, toutes les galères que nous pouvons vivre au quotidien.

En voyant ce petit couple, je pense au mien. Et je me rend compte que j'aimerais que Tristan soit là. Je baisse les yeux vers le sol en me demandant où il est. Ana remarque que quelque me tracasse, et devine ce que c'est :

- Tu te demande où est ton amoureux, n'est-ce pas ?

Ses yeux sont moqueurs, mais son petit sourire me montre que ce n'est pas méchant. Je hoche la tête pour l'inciter à me dire où il peut bien être. Mais c'est Morgan qui prend la parole :

- Il m'a dit qu'il t'attendrait sur le pont, pour une petite surprise.

Ce dernier mot ravive une certaine excitation. La curiosité est selon moi mon pire défaut. Ma déception face à son absence s'est évaporée d'un seul coup. Je remercie vite Morgan et me précipite vers le couloir pour aller retrouver Tristan. Pour aller retrouver le garçon que j'aime. Ce sentiment a été dur à accepter. Non, je ne voulais pas tomber amoureuse. Je ne voulais tomber amoureuse de personne. Tout simplement car, lorsque ça se finit, la douleur est trop forte. C'est peut-être la pire douleur qu'une personne ait à supporter. Mais Tristan a permis à cette peur de se dissiper. Ou du moins, il m'a permit de la surmonter.

J'espère seulement ne pas le regretter.

Je fais un tour par ma chambre avant de le rejoindre, pour m'assurer que je sois présentable. Je ne sais pas quelle sera sa surprise, mais le pont est pour nous un lieu important. Il est le lieu de nos confidences, mais également de notre premier baiser.

Je fouille mon armoire de font en comble mais je ne trouve rien d'assez beau, d'assez « féminin ». Je commence à désespérer jusqu'à ce que je me rappelle de la soirée quelques semaines auparavant.

Appoline.

Cette fille contient à elle seule une dizaine de jolies robes allant du décontracté au chic. Son armoire est une vrai caverne à Ali baba, et aujourd'hui, aussi rare que ce soit, je veux me mettre en robe : mon amie est la personne idéale à solliciter pour cela ! Je veux me sentir belle devant les yeux de mon petit amis. Je cours jusqu'à la chambre de ma possible sauveuse tout en priant pour qu'elle soit là.

J'ouvre la porte en oubliant mes bonnes manières et découvre Appoline allongée dans les bras de Nathan. Ma première réaction est de faire un pas en arrière : j'ai peur d'avoir été témoin d'un moment un peu trop intime. Mais je finis une seconde plus tard à comprendre qu'ils sont simplement allongés, entrain de discuter. Je les fait sursauter et Nathan me reproche de lui avoir fait la peur de sa vie. Je suis heureuse de le voir. Depuis qu'il a emménagé chez lui, nous le voyons beaucoup moins souvent. Et je dois l'avouer, sa bonne humeur constante manque à tout le monde.

Ils essaient tout naturellement de savoir comment ma journée s'est passée. Mais je leur fais comprendre que je suis contente qu'ils s'inquiètent pour moi, mais je suis pressée. Je leur explique la situation et Appoline se campe directement sur ses pieds, ravie de rejouer à la styliste pour quelques minutes. Elle me regarde de la tête aux pieds, me fait faire un tour sur moi-même pendant que je glousse comme une petite fille.

Enfin, elle ouvre son armoire et la contemple pendant une bonne minute. Croyez moi : attendre une minute dans un silence complet le verdict de quelqu'un, c'est long. Elle finit par sortir une petite robe fleurie à brettelles très jolie qui tire sur les tons bleus pastels. J'ai de la chance : en l'essayant je m'aperçois qu'elle me va plutôt bien puisque Appoline et moi faisons à peu près la même taille. C'est la même chose au niveau des pieds : elle me prête donc une paire de sandales simples, mais classes. Mais mon relooking n'est pas terminé : elle ajoute une dernière touche.

Le maquillage.

Elle m'applique du fond de teint clair pour unir mon teint, un rouge à lèvre discret et du far à paupière assortie à la robe.

Ça y est, je me trouve présentable.

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