Chapitre 10

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Nous nous dirigeons vers la salle principale sans un mot. Peut-être que Jeanne veut seulement annoncer quelque chose sans importance comme le fait qu'elle souhaite changer de travail ? Vu l'ambiance, cette idée de paraît rapidement ridicule.

Tristan a mis ses mains dans ses poches. Il reste au fond de la salle, contre le mur, fixant le sol. Je décide de me mettre à côté de lui, laissant Ana aller s'installer seule à la grande table. Elle est tellement préoccupée qu'elle ne remarque pas mon absence.

Jeanne n'est pas encore là, nous attendons dans un silence royal. Tout le monde est installé à la table ou autour. Je chuchote, laissant place à ma curiosité :

-Pourquoi tout le monde semble avoir peur ?

Tristan met quelques secondes à répondre.

-Car jamais personne n'a déjà décidé de faire une annonce devant tout le Centre au beau milieu de la journée.

-Tu as une idée de ce qu'elle va dire ?

-Non, pas la moindre.

Il fixe encore le sol, comme pour s'y accrocher. J'aimerai le prendre dans mes bras pour le réconforter. Mais ça paraîtrait trop déplacé en un moment pareil.

-Vous êtes très proches? Je demande timidement.

-Oui. Ana et elle s'entendent particulièrement bien.

Soudain,je la vois arriver. Des cris de surprise fusent dans toute la salle.Je me demande la raison jusqu'à ce que j'abaisse les yeux :Elle porte sa valise. Elle avance lentement jusqu'à la table, la tête baissée. Elle a l'air gênée, honteuse. Mon ventre commence à se nouer sous la pression. J'ai peur de ce qu'elle va annoncer, même si c'est plutôt évident. Je crois que tout le monde dans cette pièce espère se tromper.

Elle pose ses mains sur la table et reste debout. Ana est également levée, la bouche ouverte, des larmes inondant ses joues.

Après avoir regardé Ana pendant de longues seconde, elle dit enfin :

-Bonjour tout le monde. - elle essaie de sourire mais n'y arrive pas.-Je ne sais pas comment vous dire ça. Je... J'ai peur que ce soit une erreur mais.. J'ai décidé de quitter le Centre.

Aces mots, Ana éclate vraiment en sanglots et s'assoie sous le poids de la peine. Tristan, lui, retient sa respiration. Je le regarde fixement et devine à la vue de sa lèvre inférieure qui tremble qu'il essaie de ne pas pleurer. Je ne la connaissais pas, je ne peux donc pas partager leur douleur. Je reporte mon attention sur Jeanne lorsqu'elle reprend la parole :

-Un moi après m'être enfuie de chez moi, j'ai rencontré dans la rue une vieille dame qui disait me connaître mais n'arrivait pas à me replacer dans ses souvenirs. Nous avons discuté de longs moments sur une terrasse de café. On se donnait rendez-vous deux fois par semaine : le mercredi et le jeudi. Elle me racontait des voyages qu'elle avait fait tout au long de sa vie avec son mari aujourd'hui défunt. Elle m'a parlé de son fils, décédé lui aussi, mais d'une maladie. Au bout d'un moment, je commençais à me rappeler de sa façon de parler, des contours de son visage. Mais comme elle, je n'arrivais pas à savoir pourquoi. Un jour, elle est arrivée vers moi avec les larmes aux yeux. Elle m'a redemandé mon nom et mon prénom et lorsque je les lui aient donné, ses larmes ont coulés et elle m'a prise dans ses bras. Après ça, elle m'a avoué qu'elle savait enfin qui j'étais : sa petite-fille. Mon père était son fils. Je n'ai pas de réelle preuve pour l'instant, juste ma mémoire qui la reconnaît légèrement mais, j'ai envie d'aller vivre avec elle. Je sais qu'elle pourra m'apporter tout ce que j'attends d'une famille. Je connaîtrais enfin l'histoire de mon père. Vous m'avez permis de me reconstruire et je vous en serais éternellement reconnaissante. J'aime vivre ici avec vous, mais je dois apprendre à connaître ma famille. Je suis désolée.

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