Chapitre 23

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Je sais ce que je dois faire.

Il faut que j'arrive à sortir de ma chambre, rentrer dans le bureau de mon père, fouiller toute la pièce en essayant de trouver des documents susceptibles d'être en rapport avec le virus ou le vaccin, les étudier, partir de la pièce et me renfermer dans ma chambre.

Et tout ça avant qu'il revienne. Cela paraît quasiment impossible mais peu m'importe, je dois le faire.

Avant de passer à l'action, mes pensées se tournent vers Tristan. J'ai peur pour lui comme lui doit avoir peur pour moi. Je n'arrive pas à accepter le fait que ce soit de ma faute s'il est en ce moment seul chez lui, avec son père. Cet homme sans aucune morale. Il s'était enfin débarrassé de lui et de ses actes mais par ma faute, il les a retrouvés.

En pensant à tous les moments incroyables que j'ai passés avec lui, des papillons naissent une nouvelle fois dans mon ventre. J'aime repenser à ses beaux yeux verts, à son sourire qui ferait tomber n'importe quelle fille. Tous les moments que j'ai passés avec lui resteront gravés dans ma mémoire à tout jamais. En particulier ceux que l'on a passé sur le pont. Je pense que je n'ai pas besoin d'en expliquer la raison.

Je chasse ces pensées. Il faut que j'agisse vite avant que mon père ne rentre. S'il me voit entrain de fouiller dans ses affaires de travail, je n'ose même pas imaginer sa réaction. Je prend deux épingles dans un tiroir de mon bureau puis les insèrent dans la serrures verrouillée. Je les tore un peu, beaucoup, puis m'acharne dessus et après de longues minutes d'essais, j'arrive enfin à la déverrouiller. Je n'avais fait ça qu'une fois auparavant : Il y a trois ans chez une amie. Nous dormions chez sa grand mère qui possédait une immense propriété. Dans le jardin avait été construite une sorte de grange où personne n'allait jamais. Sa grand mère nous avait formellement interdites de nous y introduire.

Sauf qu'interdiction rime avec tentation.

Nous étions trop curieuses pour respecter les règles, alors nous avons forcé la serrure de la grange. Le fait qu'il faisait nuit, qu'aucune lumière à part celle de nos téléphones portables ne nous atteignait rajoutait de la peur mais surtout de l'excitation. Ce que nous avions trouvé à l'intérieur du bâtiment en bois usé était décevant : simplement des outils banals ainsi que du foins à chaque recoin. Nous n'étions pas pour autant complètement déçues, sûrement à cause de l'excitation qui n'était pas redescendue ensuite.

Aujourd'hui, l'excitation ne fait plus partie des sentiments que je ressens lorsque j'enfreins une règle. C'est l'une des conséquences de la prise de maturité. Lorsque nous sommes jeune, nous ne réfléchissons pas souvent aux répercutions que peuvent avoir nos actes. Lorsque nous grandissons, c'est presque si on ne pense qu'à cela.

Lorsque j'ouvre la porte, donc, une sensation de soulagement due au fait que je ne sois plus enfermée s'empare de moi. Mais la peur est plus puissante. Aujourd'hui j'ai peur de l'interdit comme un enfant a peur du noir.

Je referme la porte, mais pas à clé. Je marche lentement, sans savoir pourquoi. Personne n'est à la maison, mais la sensation d''insécurité reste plantée en moi comme de l'eau dans du sable.

Elle se dissipera.

J'arrive devant la porte du bureau en quatre pas non assurés : cette pièce est pratiquement en face de la mienne. Je réitère l'opération pour déverrouiller la porte et en quelques secondes, la voie est libre. Elle s'ouvre sur une pièce sentant l'air enfermé. Elle est plutôt petite, de forme carrée. Sur les murs de droites et gauches sont présentes des étagères remplies de vieux livres. Je ne sais pas s'ils sont ici par simple soucis de décoration ou par intérêt culturel. Sur le mur d'en face est présente une immense fenêtre donnant sur notre jardin qui se résume à du gazon et une palissade en bois pour nous cacher des voisins. Le bureau est situé juste en face de la fenêtre.

Je me dirige vers lui, le frôle du bout des doigts et m'assois sur le fauteuil en cuir épais. S'offre alors plusieurs choses à ma vues : un pot remplis de stylos de couleurs noires, un autre de crayons et à chaque coins supérieurs du bureaux sont installés deux ranges documents.

Je commence à fouiller celui de gauche, sans grands succès. Seuls des documents avec des mots très techniques sont utilisés. Je ne comprends absolument rien. Contrairement à mon père, tout ce qui est scientifique ne m'intéresse pas vraiment. Ce que j'aime, moi, c'est la littérature. Je passe alors à droite du bureau et tombe assez rapidement sur un dossier intitulé « virus ». Il est le troisième de la pile. J'éprouve un petit soulagement du fait que le titre soit aussi simple. J'avais peur de manquer le dossier à cause d'un nom incompréhensible.

Je l'ouvre et lis les premières lignes. Bien évidemment, les thermes sont encore trop techniques pour moi. Je commence à perdre patience et m'énerver à cause de mon bas niveau culturel lorsqu'il s'agit de sciences lorsque je lis les mots « ferme », « vaches » et « mamelles ». Je souris en me rendant compte que je n'avais même pas compris après une lecture de vingts lignes que le virus concernait les animaux fermiers. Je confirme bien le cliché des personnes en bac littéraire : j'ai un niveau de 6ème en sciences. Je range donc ce dossier qui m'est en réalité inutile et continue à fouiller le reste de la pile.

Rien.

Il n'y a rien.

Je jette un coup d'œil aux tiroirs : seulement un sur quatre est verrouillé. Je tente ma chance avec le premier dans lequel je découvre seulement une agrafeuse et un coupe papier. Les deux autres ne sont pas plus utiles. Si le dossier que je suis censé connaître d'après John le policier existe vraiment, il est certainement dans le tiroir fermé à clé. Je m'apprête à essayer de le déverrouiller lorsque j'entends une portière claquer.

Mon père.

Je ferme les tiroirs et cours en dehors du bureau. Je n'ai pas le temps de le fermer à clé. J'espère qu'il ne se doutera de rien lorsqu'il le remarquera. J'arrive dans ma chambre rapidement et tout en tremblant à cause de l'adrénaline, je reprend les deux précieuses épingles et ferme non sans difficulté la porte. J'entends simultanément le verrou de ma porte se bloquer et celui de la porte d'entrée s'ouvrir. Je pousse un long soupir de soulagement, assise le dos contre ma porte.

Cette fois, la chance était de mon côté.

J'entends ses pas avancer vers le couloir. Il s'arrête derrière ma porte. C'est à ce moment là que mon ventre décide de se manifester pour crier sa faim. Je porte ma main dessus comme pour essayer de le calmer et le faire se taire. Semblant l'avoir entendu, mon père réagit et je l'entend se diriger vers la cuisine. Je suppose et espère qu'il va me préparer à manger. Un vrai repas et non une barre de céréale. Lorsqu'il revient je suis déjà sur mon lit, en tailleur face à la porte attendant avec impatience la nourriture.

Comme un animal.

Il ouvre doucement la porte, pose rapidement un plateau par terre et lève la tête pour me regarder.

Ses yeux brillent.

Il tremble.

Il est sobre.

Il articule doucement, d'une voix presque éteinte :

C'est bientôt finit.

Je reste là, sans bouger. Je ne sais pas quoi répondre : par un merci ou une question ? Alors je ne dis rien et il part la tête baissée, peut être déçu de mon silence.

Je me lève et vais prendre le plateau pour ensuite me réinstaller sur le lit. Dessus sont présents une petite bouteille d'eau, encore une pomme, une tomate et une boite de gâteaux au chocolat. Je peux comprendre qu'il ne m'ait rien cuisiné : je ne l'ai jamais vu faire cuire quelque chose. Même pas des pâtes.

Je commence à manger tout en pensant à ce qu'il m'a dit. « c'est bientôt finit ». Pourquoi ces mots ?

Après avoir mangé, je ne sais pas quoi faire. Je tourne en rond dans ma chambre toute l'après midi en inspectant tous les moindres recoins de la pièce, en me posant toujours les mêmes questions. 

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