Chapitre 4

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Une personne lui retient la main et le tire en arrière. Je ne comprends pas de suite ce qu'il se passe. Mon père, semblant aussi surpris que moi, n'a pas le temps de réagir avant de se prendre un puissant coup de point au ventre. Il se plie en deux en poussant un gémissement et essaie de riposter, mais l'étranger qui me semble être un homme,arrive à l'esquiver et l'atteint une nouvelle fois mais avec plus de force. La violence du choc fait encore reculer mon père qui se cogne contre un meuble. Se rendant compte de la présence d'un vase, il le saisit et tente de frapper son agresseur avec. Mais ses mouvements sont assez lents pour que l'inconnu l'évite et lui donne un nouveau coup, cette fois ci au visage.

L'alcool aidant, mon père s'écroule par terre et ne bouge plus.

Je reste au sol, sans bouger pendant quelques secondes durant lesquelles je fixe tours à tours l'inconnu qui vient probablement de me sauver la vie et mon père, étendu sur le sol, du sang sortant de sa bouche et de son nez. L'homme me tend la main pour m'aider à me relever mais encore sous le choc. Je me lève vite et recule pour mettre une certaine distance entre nous deux et ainsi me protéger contre un quelconque danger. J'ai quelque peu retrouvé ma vue mais mon esprit est à ce moment là comparable à du coton. Je suis si confuse que je n'arrive pas à enregistrer les traits de son visage.

-N'ai pas peur, il me dit alors d'une voix apaisante et essoufflée.Je suis venu t'aider. Il vaudrait mieux partir vite d'ici avant qu'il ne se réveille.

Je le fixe, toujours aussi méfiante. Qui est-il ? Pourquoi est-il venu m'aider ? Quel âge a-t-il ? La curiosité emporte,comme souvent chez moi.

-D'accord, je dis simplement.

Je prends mon sac, jette un dernier coup d'œil à mon père toujours allongé sur le ventre, par terre, au milieu des éclats de verre provenant du vase et suis le garçon avec une certaine angoisse. Je sais maintenant qu'il n'est pas un « homme » à proprement parlé : il ne paraît pas plus vieux que moi. Je remercie intérieurement mes yeux de retrouver leur fonction.

Nous marchons à grands pas pendant environ cinq minutes durant lesquelles je suis encore sous le choc et mes pensées sont floues. J'ai un terrible mal de crâne qui ne semble pas prêt de s'arrêter. A la hauteur d'un parc, il se retourne enfin vers moi pour me parler.

Je me rend alors compte qu'il est très grand et musclé. Il doit faire une tête de plus que moi. Sa chemise écossaise bleu fait ressortir ses cheveux bruns ébouriffés. Ses yeux verts pétillants éclaircissent sont visage bronzé. Je sors de mes pensées et reviens à la réalité.

-Qui es-tu ? Je lui demande, moins agréablement que je ne le voudrais.

-Je m'appelle Tristan, il me répond simplement.

Et là, le choc.

Il était dans ma classe en début d'année. Il n'est venu que trois fois. Je ne lui ai pas parlé. Ni à lui, ni à quiconque d'ailleurs.

Nous nous asseyons sur un banc, j'attends de retrouver un minimum de contenance, puis je continue.

-Je me souviens de toi. Tu étais au lycée au début de l'année,n'est-ce pas ? Pourquoi es-tu partis ?

-Oui, j'y étais, il me répond en regardant le sol. C'est une très longue histoire qui implique ma famille qui n'en est malheureusement plus vraiment une.

-Je ne suis pas la seule dans cette ville à avoir des problèmes de ce côté là apparemment. Comment savais-tu ce qui était entrain de se passer ? Tu as entendu mon père me frapper ?

-Je t'ai suivie et j'ai su que quelque chose ne tournait pas rond quand je l'ai entendu hurler, il me répond simplement, comme sic'était tout à fait normal qu'un inconnu me suive.

-Et tu me suis depuis longtemps ? Cette fois ci, je fais exprès de lui demander désagréablement.

-Non, seulement depuis que tu as quitté l'usine.

-L'usine ? Tu étais là-bas ? Je lui demande avec étonnement.

-Oui. J'ai cru comprendre que tu voulais t'y installer, je me suis donc demandé pourquoi et t'ai suivie jusque chez toi pour avoir ma réponse.

Et alors ? Tu es satisfait ?

Je détourne le regard, ayant honte de la scène à laquelle il vient d'assister.

Il me fixe avec ses beaux yeux respirant le mystère et esquisse un petit sourire. Comprenant qu'il n'est pas prêt de développer sa réponse, je continue :

-Pourquoi voulais-tu connaître la raison?

Il se tait pendant quelques seconde, puis me dit enfin :

-Écoute, je pense que le mieux serait que tu me suives, ce serait plus simple.

Il pense sérieusement que je vais le suivre ? Ce n'est pas parce qu'il vient de m'aider que je dois prendre le risque de lui faire confiance.

-Je ne te connais pas. Je ne suis pas le genre de fille qui suit un garçon comme ça.

-Je viens pratiquement de te sauver la vie je te rappelle. Et j'ai la vague impression que tu ne vas pas retourner chez toi pour un moment.Je peux t'aider. Ton œil va sûrement gonfler, il faut soigner ça,et je suis sûr que tu as d'autres blessures.

Je le regarde, toujours sur la défensive.

-Pourquoi ferais-tu ça pour moi ? Et comment peux-tu en être sûr, qui te dis que ce n'est pas la première fois que mon père me frappe ?

-J'ai vécu des choses atroces, moi aussi. Il y a des signes qui ne trompent pas, que je peux reconnaître. Je ne connais pas ton histoire, tu ne connais pas la mienne mais je suis certain qu'elles se ressemblent d'une certaine manière.

Il se lève, regarde la route un instant puis se retourne vers moi.

-Suis moi, je te raconterais tout en chemin.

-Où veux-tu aller ?

-Je te ramène à l'usine, ou comme on a l'habitude de l'appeler entre nous « Le centre ».

-L'usine ? Mais il n'y a rien là-bas ! pourquoi « nous »?Et c'est quoi cette histoire de centre ?

-Suis-moi et tu auras ta réponse, il me répond avec un clin d'œil.

Il est imperturbable. Il me fixe droit dans les yeux. D'un côté, j'ail 'irrésistible envie de lui faire confiance car il est la première personne à me sauver des mains de mon père. De l'autre,j'estime qu'il est beaucoup trop étrange et confiant. Je reste là,à le fixer, sans savoir quelle décision prendre. Estimant que je n'ai pas vraiment d'autre choix, je me décide et lui dis, encore hésitante :

-D'accord mais à une condition.

Il sourit et se lève vivement. Ma réponse lui fait de toute évidence plaisir. Je n'ai pas encore décidé si c'est une bonne nouvelle, ou si c'est seulement inquiétant.

-Laquelle ? Il demande alors

-Tu vas devoir répondre à toutes mes questions.

-Marché conclus.


 Je me lève à mon tour et le suis. Pour être honnête, j'ai du mal à cacher le sourire qui se forme lentement sur mon visage.

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