Chapitre 1

1.6K 50 11
                                    


Je suis seule dans ma chambre. Mon cœur bat vite. Je ne trouve plus mon souffle. Je l'entends entrer dans la maison, ses pas lourds résonnent dans toutes les pièces. Je sens la panique naître en moi, gagner tout mon corps et me paralyser. Il essaie d'ouvrir ma porte verrouillée, frappe dessus, s'acharne sur la poignée, m'insulte,puis s'en va.

Cette scène se répète chaque soir depuis la mort de maman deux ans plus tôt dans un accident de voiture. Cette nuit là, l'atmosphère était plus sombre que d'habitude : la lune et les étoiles se dissimulaient derrière de longs nuages menaçants, les empêchant de diffuser le peu de clarté qu'elles pouvaient offrir. Papa conduisait tout en écoutant agacé les reproches de Maman au sujet de son travail. Je n'entendais que des bribes de leur conversation à travers mon casque qui diffusait une musique relaxante. Je détestais quand ils se disputaient, c'était très rare mais lorsqu'ils le faisaient, je n'arrivais pas à les écouter ou les regarder. Ça m'était totalement impossible à cause de l'amour que je leur portais. La musique était alors un bon échappatoire. Mais leurs dernières paroles échangées étaient des reproches, et mon pères'en veut énormément.

Depuis l'enterrement de maman, je ne le vois pas souvent car il passe son temps à travailler : il est l'un des scientifiques spécialisés du gouvernement et passe des heures dans son bureau. La pression de son travail et la perte de maman l'ont fait plonger lentement dans l'alcool.

Le whisky est devenu le meilleur remède à ses remords. Sauf qu'il a un effet secondaire.

La violence.

Les premières fois, Je ne savais pas si je devais lui en vouloir, je me disais qu'après tout, il n'était pas vraiment lucide lorsqu'il me frappait. Je me disais que c'était de ma faute, que je lui rappelais trop Maman. J'étais certaine qu'il allait se rendre compte de la gravité de la situation.

J'avais tord.

Aujourd'hui,la violence est devenue une triste banalité dans nos vies, mais je suis la seule à en souffrir. Je sais que je n'y suis pour rien,qu'il ne devrait pas agir comme ça. Bon sang, il n'est pas le seul à l'avoir perdu ce soir-là ! Il devrait me protéger et non me maltraiter pour une raison que je ne connais toujours pas. Je suis la seule famille qu'il lui reste. Nous devrions traverser cette épreuve ensemble !

Mais il préfère la compagnie de l'alcool à la mienne.

Malgré la chaleur de l'été, je reste sous ma couette qui m'apporte un certain confort ainsi qu'une impression de sûreté. Mon ventre me fait atrocement mal. Ça, c'est un effet secondaire à ma peur.Cependant, grâce à l'habitude, j'arrive à m'endormir au bout de quelques minutes seulement.



Je me réveille en sursaut : je l'entends se cogner contre les murs et lâcher des jurons. L'angoisse s'empare immédiatement de moi.Je ne veux pas qu'il me touche. Une journée de répit, c'est tout ce que je demande. Normalement, je me lève avant lui et pars avant qu'il ne se réveille pour ne pas avoir à l'affronter de bon matin.Lorsque je ne suis pas au Lycée, je sors toute la journée et aire dans les rues, le plus loin possible de la maison qui me rappelle beaucoup trop de souvenirs. Je suis souvent seule avec moi-même, je n'ai personne à qui me confier, avec qui oublier ce cauchemar. J'ai dû m'éloigner de mes amies pour ne pas qu'elles se rendent compte de ce qu'il se passe. Elles n'ont pas fait beaucoup d'efforts pour m'aider lorsque maman est morte et encore moins pour ne pas me perdre. J'imagine que je n'ai finalement pas perdu grand chose.

J'enfile rapidement une chemise rouge sur mon débardeur blanc, mon short noir ainsi que mes baskets. Il faut que je parte d'ici le plus vite possible. En sortant de ma chambre, le miroir de ma porte attire mon attention : un bleu est visible sur le côté droit de mon cou.Il est apparu hier, trace des derniers coups reçus. Je pense que c'était la première fois qu'il le faisait aussi fort et cruellement, il en est arrivé à me soulever d'une main en m'étranglant contre le mur du couloir.

Le CentreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant