1.
« Perdon » d'Enrique Iglesias était littéralement en train d'envoûter toutes les personnes présentes, savamment pressées les unes contre les autres. Il était minuit passé, et la fête battait son plein au septième étage de cet immeuble parisien. Les voisins, rabat-joie, n'allaient pas tarder à venir frapper lourdement à la porte d'entrée. C'était peine perdue, l'alcool se faisait dévastateur et les fêtards n'entendaient déjà plus raison. Un samedi soir comme les autres pour les étudiants de la capitale.
Milan était accoudé à ce qui servait temporairement de bar pour la soirée, jaugeant la foule afin de déterminer sa future proie. Il avait à la main un verre avec un fond d'alcool, sans savoir cependant ce qui en constituait le mélange. Ce n'était pas important. Il avait juste besoin d'un boost pour se laisser aller. Sentir se tête tourner légèrement, ses pieds se mettre à danser, son regard s'assombrir et, enfin, attraper l'objet désiré. Une grande blonde était justement en train de balancer ses hanches, non loin de lui. Elle ne serait jamais une danseuse professionnelle, mais elle devrait faire l'affaire au lit. Et, après tout, il ne lui demandait pas de danser, sinon contre sa peau. Il ne lui demandait que de se trémousser. Nul besoin de chorégraphie pour cela.
Il allait poser son verre et se diriger vers elle lorsqu'une main se posa sur son épaule gauche, le forçant à se retourner. Evan était là, devant lui, l'air penaud, celui qu'il prenait à chaque fois qu'il lui demandait un service. Cela faisait dix ans qu'ils se connaissaient tous les deux, ils avaient même fait les quatre cents coups ensemble. Pourtant, son meilleur ami n'était toujours pas capable de se tenir droit quand il avait besoin de lui.
- Accouche, Evan. J'ai une cible en vue, et il est hors de question qu'elle m'échappe.
Milan ne devrait pas le bousculer ainsi mais il commençait à connaître le phénomène. Le jeune homme pouvait bien balbutier pendant dix minutes avant de finalement ouvrir la bouche pour lui faire part de sa demande. Et alors, là, un nouvel Evan se présentait, plus sûr de lui, plus charmeur aussi, et fin négociateur. Autant dire qu'il obtenait tout de Milan, et ce n'était pas seulement grâce à la forte amitié qui les liait.
- Tu vas trouver ça drôle.
- J'en suis certain.
Et déjà un mal de crâne le prenait. L'alcool combiné au sourire ravageur d'Evan, qui annonçait clairement une connerie, avait toujours été un mélange toxique pour lui.
- En fait, je t'ai trouvé une autre cible. Beaucoup mieux que la blonde que tu reluques depuis cinq bonnes minutes.
Milan faillit recracher ce qu'il avait bu. Certes, Evan n'était pas le gendre idéal mais il n'était pas non plus comme lui. Il ne courait pas après une fille différente chaque samedi soir. Bien sûr, il avait déjà eu plusieurs copines, mais les aventures d'un soir n'étaient pas pour lui. Il était du style romantique quand il s'y mettait. C'était peut-être là, la plus grande différence entre les deux jeunes hommes. Alors qu'Evan lui ait trouvé une proie à se mettre sous la dent, c'était surprenant. Il n'avait jamais été d'accord avec les relations d'une nuit de son meilleur ami, tout en le laissant vivre sa vie.
Après la surprise, Milan reprit contenance. Déjà le sarcasme se dessinait d'un sourire au coin des lèvres. Il posa le dos de sa main droite sur le front de son meilleur ami avant de se pencher vers lui, l'air faussement inquiet.
- Evan, tu ne te sens pas bien ? Tu veux que j'appelle un taxi et qu'on rentre à l'appart ? Je peux appeler les médecins de garde en attendant, comme ça ils seront là quand on arrivera.
- Arrête Milan. Je vais très bien.
- Seconde hypothèse alors. Qu'avez-vous fait de mon Evan ? Vous l'avez enlevé ? Où est-il ?
- Milan, je suis sérieux.
- Très bien. Que m'avez-vous donc trouvé ce soir, mon cher Watson ?
Evan leva les yeux au ciel avant de sourire à son meilleur ami. Non, on ne changerait sans doute jamais Milan. Il lui attrapa le bras et l'emmena vers un coin plus isolé avant de désigner l'heureuse élue d'un mouvement de tête. Milan laissa son regard parcourir la silhouette qui lui faisait face. La jeune fille était assise, en retrait, les jambes repliées contre elle. On aurait pu la penser timide mais une forte présence émanait de sa personne. Elle regardait les allers et venues des autres étudiants d'un regard vide, comme si, au fond, tout cela ne l'intéressait pas. Et elle ne cessait de porter à ses lèvres la bouteille d'eau qu'elle tenait dans sa main droite. Ses lèvres, charnues, délicatement rouges, et à présent mouillées de l'eau qui coulait entre ses sillons. Milan bloqua quelques secondes sur cette image avant de reporter son attention sur son meilleur ami.
- Tu comptes me dire à un moment donné pourquoi tu agis comme cela ou c'est classé secret défense ?
Evan redevint hésitant, l'espace d'un instant, se balançant d'un pied à l'autre, le regard fuyant. Cela ne sentait définitivement pas bon ?
- Evan. Tu sais très bien que je le découvrirais.
- Ok. Ok. Elle s'appelle Alice. Et c'est la meilleure amie de Carole.
- Carole, la fille que tu fréquentes depuis deux semaines ?
- Cette même Carole.
- Et donc, je viens faire quoi dans ce plan ? Parce que je te préviens, les plans à quatre ce n'est pas que ça ne m'intéresse pas, mais pas avec mon meilleur ami. Et je ne suis pas vraiment le candidat parfait pour les rendez-vous arrangés. Non, tu n'as quand même pas promis à Carole que tu trouverais quelqu'un pour sa meilleure amie ?
- Milan, laisse-moi finir. Non, ce n'est pas un rendez-vous arrangé. Disons que je veux juste du temps seul avec Carole ce soir. Je ne veux pas qu'Alice nous dérange.
- Donc, je dois l'occuper ?
- Tu as toujours une imagination débordante avec les filles, c'est ton rayon, non ? Et puis ce n'est pas non plus comme si elle n'était pas attirante. Je ne t'ai pas fait un coup foireux.
Milan resta pensif un instant. Evan n'avait pas tort. La jeune fille était jolie. Malgré son sweat de l'université trop grand qui recouvrait ses genoux repliés contre elle et son slim noir qui, caché, n'en disait pas long sur ses attributs, elle avait un joli visage de ce qu'il pouvait voir. Ses lèvres l'obsédaient déjà et sa chevelure brune, légèrement bouclée, ondulant tout autour de ses épaules, laissait présager une folle nuit. Tant pis pour la blonde. Après tout, il y aurait d'autres samedis où il serait plus disponible. Si cela pouvait faire plaisir à Evan, cela ferait d'une pierre deux coups. Il finit par bousculer légèrement le jeune homme avant de lui dire que c'était bon, qu'il allait s'en occuper et qu'il pouvait profiter de sa nuit avec sa dulcinée. Evan allait répliquer quelque chose quand il jugea bon de battre retraite. Il ne voulait pas que Milan se rétracte sur la promesse qu'il venait de faire.
Et déjà, Milan faisait de l'ombre à la jeune fille, en se positionnant juste devant elle.
- Bonsoir jolie Alice. Milan, ton lapin blanc.
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Blue Blurred
Lãng mạnAlice est une fille à part, détestée des trois quarts des personnes qu'elle connaît. Milan est un coureur de jupons, une fille différente chaque samedi soir. Tous les clichés commencent comme cela. Et pourtant, c'est leur histoire.