64. Public inattendu

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Vous êtes formidables ♥

64. Public inattendu

Milan peinait à retrouver son souffle. L'équipe adverse n'arrêtait pas de les balader d'un bout à l'autre du terrain et il n'arrivait pas à retrouver un rythme normal de respiration. Lui et ses coéquipiers enchainaient les actions infructueuses et ça n'améliorait pas son état. Dans un match plus calme, il n'aurait pas eu l'impression d'être au bord du point de côté, mais là, il sentait qu'il allait bientôt être plié en deux s'il ne prenait pas une minute pour inspirer.

Pourtant, il s'élança sans se poser plus de questions vers le but adverse quand le ballon lui atterrit dans les mains. En face, ils venaient de marquer, de nouveau. Ils prenaient de la distance et c'était son rôle de réduire le score. Ces derniers temps, il n'avait pas été très concentré sur les entraînements ou le handball en général et il devait prouver qu'il avait bien sa place dans l'équipe alors que la fin de la saison approchait. Il comptait bien finir sur une bonne note. Il comptait sur ce sport pour s'aérer l'esprit quand les études le submergeaient. Il en avait encore plus besoin maintenant qu'il était perdu dans les méandres de ses sentiments. Il n'avait croisé Alice que quelques instants cette semaine et il était à cran. Courir, à défaut de lui faire perdre son souffle, lui permettait de se défouler et oublier qu'elle n'avait pas relancé l'invitation d'une soirée rien qu'à deux.

— Delacroix, ta droite !

Il entendit l'injonction du coach malgré le brouhaha qui s'élevait dans le gymnase. C'était un match intéressant et le public était présent. Ils chantaient, encourageaient les sportifs, parlaient entre eux. C'était un joyeux bordel. Il n'arrêta pourtant pas son élan, il n'était qu'à quelques mètres du but. Il tenta un tir mais se fit piquer le ballon en pleine détente. On frappa dessus et il lui échappa des mains alors qu'il était récupéré par la défense adverse. Il siffla, mauvais perdant, en retombant sur ses pieds. Il devait pourtant se reprendre rapidement s'il ne voulait pas qu'ils marquent de nouveau. Ils avaient encore du temps pour les rattraper et espérer les dépasser mais pour ça il allait falloir être plus efficace.

Il ne fallut que cinq minutes de jeu et un but adverse supplémentaire pour qu'un temps mort soit demandé. Même si la pause était plus que bienvenue, il se dirigea à reculons vers le côté du terrain pour écouter ce que le coach avait à leur dire. Il n'avait qu'une minute pour parler stratégie, remotiver la troupe et leur laisser le temps de retrouver du souffle. Milan toucha à peine au goulot de la bouteille d'eau qu'on venait de lui tendre. Il savait que s'il buvait trop vite, il allait empirer son état. La fin du temps mort allait être sifflée quand le coach lui lança un regard sévère.

— Delacroix, surveille un peu plus ta droite quand tu pars en avant ! On ne peut pas se permettre de perdre de telles opportunités ! Et ne fais plus semblant de ne pas avoir compris ce que je te disais. Ma voix porte assez pour que les étudiants à l'autre bout de l'université m'entendent.

Milan se garda bien de lui demander comment il voulait qu'il surveille plus sa droite alors qu'il était concentré sur le but, ou de lui faire la remarque qu'il était sans doute plus important, vu le match, de tenter une percée pour aller marquer, sans se préoccuper du reste. Il savait bien, au fond, qu'il avait raison. Il ne devait pas se mettre des œillères, même quand il courait comme si sa vie en dépendait et qu'il se mettait dans un état de concentration tel que plus rien autour n'avait d'importance. Il avait un bon jeu, une belle capacité physique. Il savait avoir de la vitesse et effectuait de beaux tirs mais il devait vraiment s'améliorer sur l'écoute.

L'arbitre siffla la reprise du jeu et il alla se replacer alors que le coach lui lança une dernière pique qui le déstabilisa dans son placement.

— Tu ne voudrais pas que ta petite amie pense que son copain n'est même pas capable de marquer ?

Il fronça les sourcils et regarda les gradins plutôt que devant lui, manquant de percuter un de ses coéquipiers. Il ne prit pas le temps de s'excuser, il venait de repérer la chevelure dorée d'Aurore. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Elle lui avait bien fait comprendre qu'elle trouvait le handball ennuyant. Elle n'était pas seule, le plus étonnant était de trouver Alice assise à côté d'elle, au milieu de tous ces gens. Milan retint sa respiration un instant. Il voyait d'ici qu'elle n'était pas bien. Elle n'était pas en panique mais elle ne trouvait pas l'expérience agréable pour autant. Aurore lui fit un signe de la main quand leurs regards se croisèrent et elle lui mima des lèvres que tout allait bien. Il devait arborer une mine soucieuse.

On le bouscula et il reprit conscience d'où il se trouvait. Le match n'était pas fini et les questions viendraient plus tard. Il n'avait de toute façon aucun moyen d'obtenir les réponses. Le coach avait raison. Il ne pouvait pas se permettre d'être ridicule. Il n'avait jamais aimé perdre, c'était encore plus difficile maintenant qu'il savait qu'elles se trouvaient là. Il fallait qu'il garde son sang-froid et qu'il tente de nouvelles percées, plus intelligentes cette fois-ci. Surveiller sa droite, sa gauche. Surveiller ses arrières, devant. Être à l'écoute et marquer.

Il mit de côté la présence de sa « petite-amie ». Il avait encore du mal à la qualifier ainsi. Pourtant, si même son coach l'avait remarqué c'est que les rumeurs avaient tourné. Après de bonnes actions de la défense qui réussit à bloquer leurs adversaires à plusieurs reprises, ils finirent par s'organiser devant le but, mieux construire leur jeu et marquer. Même si le temps était compté, il ne fallait pas se précipiter. Il fallait au contraire, prendre son temps pour faire de meilleures passes, prendre le lead, doucement, et rattraper les points perdus. Ils n'avaient pas été mauvais, ils s'étaient juste laissé distancer de quelques points. C'était facilement rattrapable si les camps défensifs et offensifs jouaient ensemble.

Vingt minutes plus tard, il pouvait enfin souffler. Il se laissa tomber par terre au sifflet final alors qu'on lui sautait dessus pour fêter la victoire. Il en avait fallu de peu pour qu'ils se fassent sortir et l'adrénaline retombait peu à peu. Il était en sueur, et quand il se releva avec l'aide de ses coéquipiers, un point de côté le prit en traître. Il avait réussi à l'éviter tout le match et maintenant qu'il relâchait la pression, il se faisait avoir. Il avait besoin de s'asseoir et de boire un lit minimum d'eau pour espérer aller mieux mais ses yeux croisèrent ceux d'Alice et cette dernière tenta un sourire. Après tout, il pouvait bien supporter la douleur cinq minutes de plus. 

Blue BlurredOù les histoires vivent. Découvrez maintenant