77. Discuter
— Milan, attends !
Il était sorti en trombes, sans attendre la réponse d'Aurore, pour aller trouver Alice. Il essayait de ne pas se laisser dépasser par ses émotions parce qu'il savait très bien que ça ne servait à rien et qu'il n'en ressortirait rien de bon. Peut-être aussi parce que ses parents se trouvaient dans le même appartement et qu'il n'avait pas envie de gâcher ce repas dominical. Pourtant, il devait lui parler. Ça ne pouvait pas attendre, même si ce n'était ni le bon endroit, ni le bon moment, il ne se voyait pas repartir chez lui sans avoir eu cette discussion. Il l'avait mise de côté, sur les conseils de son meilleur ami, pour ne pas créer de nouveaux problèmes. Sauf qu'il ne voulait pas d'une relation lisse, il voulait être bien avec elle, il voulait qu'elle soit heureuse, et s'il fallait passer par quelques nuages, être trempé par la pluie, ce n'était pas bien grave. Le calme viendrait après la tempête.
Il n'était pas en colère contre elle, il était en colère contre lui. De ne pas avoir compris tout de suite ce qui était en train de se tramer, de ne pas lui en avoir parler avant. Des jours qu'il essayait de comprendre sans une seule fois être allé la trouver pour avoir des explications. Encore une fois, il s'était contenté de gestes, de signes non-verbaux, n'y enjoignant pas les paroles. Il allait falloir changer, et ça commençait maintenant.
Aurore sur les talons, il se retrouvait bête dans le couloir de l'appartement, ne sachant où aller. Il ne savait pas où était Alice, ni sur quoi donnaient les différentes portes qui lui faisaient face. Il ne se voyait pas s'introduire dans la chambre parentale lors de sa première rencontre officielle, ni jamais d'ailleurs. Il était en train de faire n'importe quoi, encore une fois, alors qu'il pensait avoir eu le bon déclic. Nate fut de nouveau son sauveur, apparaissant comme par magie sur sa gauche.
— Ah bah vous êtes là ! On se demandait justement où vous étiez ! On comptait sortir se promener. Ça vous dit ? Sans les parents, bien évidemment.
Il ne fit pas attention au clin d'œil qu'il lui adressa en ponctuant sa phrase. Partir en balade coincé entre Emile et Nate n'était pas dans ses tops priorités mais sortir d'ici n'était pas une mauvaise idée. Prendre l'air devrait lui rafraîchir les idées et lui éviter d'agir de manière impulsive et de tout gâcher, de nouveau. Il reprit son souffle, coupé dans sa course tandis qu'Aurore répondait positivement à son frère. La fratrie Jacob les rejoint juste après. Alice dut capter son changement d'humeur car il la vit s'enlacer les doigts, les desserrant la seconde suivante pour recommencer celle d'après. Il ne voulait pas que son comportement la stresse alors il reprit ses esprits et lui sourit. S'ils devaient parler, elle devait être à l'aise. Alors que Nate allait prévenir leurs parents de leur promenade, ils sortirent de l'appartement. Ils eurent la bonne idée de prendre les escaliers pour descendre, plutôt que d'être coincés à cinq dans l'ascenseur. Il y avait des limites à sa proximité avec Emile.
Comme il l'avait pensé, la brise lui fit du bien. Nate proposa de faire le tour du quartier, ainsi qu'un détour pour pouvoir s'acheter un paquet de clopes. Il partit en tête avec Emile, les laissant tranquillement derrière. Aucun des trois ne parlait. Aurore n'avait sans doute pas envie de faire le moindre faux pas après leur découverte, Milan réfléchissait à comment aborder le sujet et Alice était Alice.
Il n'arriva pas à profiter de cette balade. Il connaissait déjà le quartier pour être venu plusieurs fois s'allonger à côté d'Alice dans le stade au coin de la rue. Il se prenait la tête sur les mots à employer, se demandant s'il pourrait emprunter la jeune fille quelques minutes pour lui parler. On lui facilita la tâche quand ils arrivèrent à proximité du bureau tabac. Les garçons ne perdirent pas de temps à entrer à l'intérieur, ne leur demandant pas des les suivre et Aurore prétexta avoir un magazine à acheter.
Il était certain qu'elle n'avait rien à acheter mais ça lui permettait de se retrouver seul avec Alice et ce n'était pas plus mal. Il ne savait toujours pas comment en venir à la liste, pourtant, il savait que c'était son moment. S'il voulait lui en parler aujourd'hui, il allait falloir prendre son courage à deux mains. Il sortit la liste qu'il avait plié en quatre et rangé dans sa poche de pantalon.
— C'est quoi cette liste ?
Il essayait de ne pas être trop vindicatif, ne voulant pas qu'elle se braque. Son ton était doux, un peu suspendu sur la fin, appelant une réponse. Il savait très bien ce qu'il en était, mais il souhaitait qu'elle le verbalise pour qu'ils puissent en parler. Il voulait juste comprendre ce qu'il se passait dans sa tête.
— C'est... Comment tu as eu cette liste ?
Pourtant, il voyait bien à présent que ce n'était pas la meilleure façon d'aborder les choses. Il n'avait sans doute pas pris assez de précautions et elle était perdue. Ils se dirigeaient lentement vers la mauvaise pente parce qu'il était mauvais en communication. Il se risqua pourtant à lui répondre franchement, ne voulant pas, en plus, rajouter des mensonges.
— Je l'ai trouvée dans ta chambre.
— Tu... Tu as fouillé mes affaires ?
Elle ne semblait pas en colère. N'importe quelle autre fille lui aurait fait une crise. Elle semblait plutôt se demander ce qu'il se passait, cherchant un moyen de retrouver ses repères. Il ne savait absolument pas comment la rassurer tout en ayant quand même cette discussion.
— Après avoir rangé les assiettes, je te cherchais. On pensait que tu étais dans ta chambre. Je l'ai vue sur le bureau. Je veux juste comprendre ce qu'il se passe.
Elle recommença son jeu avec ses doigts et il comprit que ce n'était pas aujourd'hui qu'il aurait des réponses. Il essaya de repartir sur autre chose, pour alléger la discussion, mais c'était trop tard. Alice venait de se renfermer et il n'avait pas la clef.
— Il faut... Il faut que je rentre.
Elle lui prit la feuille des mains, sans animosité. Il ne la tenait de toute façon pas fermement.
— Alice...
Il savait très bien qu'il ne pouvait rien faire pour la retenir et il ne voulait surtout pas la forcer. Ça ne servait à rien d'envenimer les choses. Il allait devoir être patient et il détestait déjà ça, mais il ne voyait pas quoi faire d'autre. Elle n'était pas encline à la discussion, pourtant il lui fallait des réponses. Il allait falloir qu'il fasse ses preuves, et ce n'était absolument pas comparable à ce qu'il avait déjà dû faire ces dernières semaines pour lui prouver qu'il ressentait vraiment quelque chose pour elle. Il devait lui donner la confiance nécessaire pour qu'elle puisse sentir qu'être elle-même lui suffisait et ça n'allait pas être tâche aisée.
— Alice !
Le ton était plus pressé, plus inquiet aussi. Emile venait de sortir du bureau tabac, un paquet de clopes à la main. Il adressa un regard noir à Milan, en voyant que sa sœur était en train de fuir. Il allait la suivre quand il revint se planter devant le jeune homme.
— Parfois, je ne te comprends pas. Tout va bien, et tu arrives quand même à tout gâcher. Tu me facilites la tâche, y'a pas à dire.
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Blue Blurred
RomanceAlice est une fille à part, détestée des trois quarts des personnes qu'elle connaît. Milan est un coureur de jupons, une fille différente chaque samedi soir. Tous les clichés commencent comme cela. Et pourtant, c'est leur histoire.