33. Jacob-Dubois

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NDA : Je vous avoue que je suis pas du tout bien avec ce chapitre ! On débute les révélations tant attendues et j'ai peur de m'être foirée mais bon ♥♥♥


Afin de ne prendre aucun risque, Milan reposa le scone sur son assiette avant de reprendre la parole. Elle était capable de détourner de nouveau son attention et il devenait impatient.

- Bon, tu voulais me dire quoi ?

- Tu sais que la véritable question que tu devrais te poser est : « pourquoi je réagis comme ça » ? Est-ce que ça aurait été la même chose si c'était moi qui était en train de manger des croissants avec Victor ?

- Clairement, j'en aurais rien à foutre.

Il avait à peine formuler sa réponse qu'il comprit où elle voulait en venir, et ça ne lui plaisait pas. Il n'avait pas réfléchi avant de répliquer, se comportant instinctivement. Elle ne lui laissa pas le temps de se défendre, apparemment décidée à l'achever.

- Quelle est la différence avec Alice, alors ?

- Ce n'est pas ce que tu cr...

- Tu sais, Milan, j'en ai rien à faire de ce que tu ressens. Je veux dire, c'est ton problème, pas la mien. Mais ça serait bien que tu ouvres les yeux un jour, avant que ce ne soit trop tard. Parce que tu t'en mordras les doigts.

- Et en quoi ça te concerne ? Après tout, comme tu le dis toi-même, ce n'est pas ton problème, si ?

Le ton était plus violent qu'il ne l'aurait voulu. Il n'était pas en colère contre elle, c'était contre lui qu'il était furieux. Parce qu'il avait conscience, au fond qu'elle avait raison et qu'elle mettait le doigt là où ça faisait mal. Aurore ne se laissa pas déstabiliser pour autant.

- C'est vrai. Ça ne m'empêche pas de vouloir t'aider.

- Mais ce n'est pas moi que tu veux aider, n'est-ce pas ?

La jeune blonde tourna la tête sur le côté, fuyant son regard. Elle sembla observer un instant le reste du restaurant tout en buvant son moccha. Elle se cachait derrière sa tasse mais Milan ne comptait pas abandonner. Elle avait voulu le mettre au pied du mur, elle devait à présent assumer. Il était temps qu'elle lui raconte ce qu'il se passait réellement.

- C'est Alice que tu veux aider. Pas moi. Nous deux on se connaît à peine.

- Ce n'est pas...

- Aurore.

Le ton était direct, il ne laissait pas de place pour l'évasion. Il ne souhaitait pas qu'elle essaye une nouvelle fois de détourner son attention.

- Très bien. Alice ne va pas très bien ces temps-ci. Je veux dire... elle dort encore moins que d'habitude, elle passe ses nuits à gribouiller sur des centaines de feuilles volantes, et je commence à m'inquiéter, d'accord ?

Milan voyait bien que les yeux de la jeune fille brillaient, comme si elle retenait des larmes. Et il saisit que c'était vraiment sérieux et qu'il ne pouvait plus le prendre à la légère.

- Je croyais que vous ne vous aimiez pas toutes les deux.

- Je n'ai jamais dit ça. C'est bien plus compliqué.

- Alors explique-moi.

Aurore soupira et même si Milan ne la connaissait pas très bien, il savait qu'elle n'avait pas envie de lui parler de sa relation avec Alice. Néanmoins, elle sembla comprendre qu'ils n'avanceraient jamais si elle ne décidait pas à lui en dire plus.

- Ok. C'est vrai que j'ai sans doute ressenti de la jalousie pour Alice à un moment donné, mais c'était il y a longtemps. Depuis, j'ai grandi.

- Vous vous connaissez depuis longtemps ?

Il ne s'était jamais posé la question. En réalité, il ne s'était pas montré très curieux à propos d'Alice. Il s'était contenté de l'écouter parler, et c'était déjà bien assez.

- Hum, depuis toujours ? Mon père a fait les quatre cents coups avec le sien sur les bancs de la fac. C'était en quelque sorte la première version du duo Jacob-Dubois. Emile, c'est un peu mon cousin, si tu veux. Alice est née quelques temps après moi et nos parents s'attendaient à ce qu'on soit les meilleures amies du monde. Mais Alice était si...

- Différente ?

- Pas au début. Enfin, bien sûr, je ne m'en souviens pas, mais on m'a raconté. Alice était un bébé tout ce qui a de plus normal. Mais, au fil des mois, ils ont commencé à soupçonner un problème de développement. Elle ne parlait pas, bougeait peu. En fait, elle n'avait quasiment aucune interaction avec le monde extérieur. Ils pensaient que ça s'arrangerait quand elle rentrerait à l'école, mais ça s'est dégradé. Elle était si renfermée...

Milan s'aperçut qu'il ne s'était pas du tout préparé à cette discussion. Il avait cru qu'il en avait besoin, il en avait marre de cet aura de mystères qui semblait planer autour d'Alice. Maintenant qu'il était sur le point d'en savoir plus, il avait envie de faire marche arrière.

- Nate est celui qui a le plus vite noué des liens avec elle.

- Je croyais qu'Emile...

- Emile était jeune quand Alice est née. Il était tout excitée à l'idée d'être grand-frère. Il paraît qu'il cherchait tout le temps à jouer avec elle, à lui parler, mais Alice pleurait beaucoup. Je crois qu'il ne comprenait tout simplement pas. Ses parents faisaient de plus en plus attention à Alice, et petit, il a dû mal le prendre. Leur relation s'est construite un peu plus tard, quand il a grandi et qu'il a su comment se comporter avec elle.

- Et toi dans tout ça ?

- Alice et moi, on n'a jamais été très proches. Elle restait avec Nate et Emile dans un coin de la maison et moi je jouais dans ma chambre. Mais plus les années passées, plus on était amenées à se retrouver seules dans la même pièce. Disons qu'Alice est devenue plus à l'aise en ma présence et que moi, j'ai fait la même erreur que les autres. J'ai souhaité la protéger, de tout. Puis j'ai compris qu'Alice était loin d'être aussi fragile que tout le monde semblait le penser.

- Clairement.

Aurore eut un sourire blasé. Elle reposa sa tasse sur la table et prit un muffin salé. Elle prit un certain temps pour déplier le papier qui entourait le gâteau avant de continuer.

- Non pas « clairement ». La différence entre toi et nous, Milan, c'est que tu es le seul à avoir compris quasi instantanément qu'Alice était plus forte qu'on ne le pensait. Tu ne prends pas de pincettes avec elle, tu te comportes comme avec n'importe qui. Et elle apprécie ça, d'être traitée comme quelqu'un de normal. Je peux le voir. Tout le monde l'a senti, même si Emile refuse pour l'instant de voir l'évidence. On l'a connu petite, c'est vrai, elle a bien changé depuis. Elle parle, elle interagit avec les autres, elle est plus « sociable » même si ce n'est pas le mot qui conviendrait. C'est plus simple.

Milan mit enfin le doigt sur la sensation qu'il ressentait depuis qu'il avait rencontré Alice. Il n'était pas idiot, il était en médecine. Il se demandait comment il n'avait pas pu le voir plus tôt.

- Elle a été diagnostiquée ?

- Pas vraiment. Petite, les docteurs ont plusieurs fois invoqué la possibilité qu'elle l'était. Mais le spectre autistique est si large que c'est toujours un peu compliqué. Ses parents n'aimaient pas ce mot. Ils ont voulu qu'elle grandisse comme n'importe qui. Ils voulaient que sa différence soit une partie de sa personnalité et non une maladie, ou un handicap.

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Blue BlurredOù les histoires vivent. Découvrez maintenant