6.
- Jacob. Alice Jacob. Tu aurais sans doute pu le préciser quand tu m'as poussé dans ses bras, non ?
Milan était actuellement en train de ranger ses affaires de hand dans son sac de sport, tout en réprimandant son meilleur ami depuis cinq bonnes minutes. Evan était en effet adossé, derrière lui, aux casiers du vestiaire. Il était venu le rejoindre après son entraînement du lundi et ils étaient les derniers à sortir, comme d'habitude.
Evan savait très bien que le jeune homme n'était pas réellement en colère contre lui. C'est vrai qu'il aurait sans doute lui dire qu'Alice et Emile étaient de la même famille. Mais l'étudiant savait deux choses lorsqu'il avait demandé à Milan de s'occuper d'elle : un, son meilleur ami était capable de se tirer de toutes sortes de situations sans aucune difficulté ; deux, malgré le pouvoir séducteur du jeune homme, Alice le rejetterait selon Carole. Il n'irait donc pas très loin avec elle et ne se prendrait pas les foudres du grand frère.
- Je me suis retrouvé comme un con devant chez eux. Il était adossé – comme toi en ce moment – à la porte de leur immeuble, les bras croisés, à me regarder avec son air supérieur. Si tu avais pris cinq secondes de ton temps pour me préciser qu'elle était sa petite sœur, jamais je ne l'aurais ramenée chez elle.
Milan soupira alors qu'il appuyait légèrement sur son pantalon de survêtement pour le faire rentrer dans son sac. Il tournait parfois la tête pour regarder Evan tout en lui parlant. Ce dernier finit par l'interrompre. Il n'y pouvait rien s'il était curieux de nature.
- Et d'ailleurs, comment cela se fait que tu l'aies ramenée chez elle ? Tu ne m'avais pas dit que tu allais juste fumer ? Je me suis inquiété, tu sais, quand je ne t'ai pas vu revenir. Tu avais tout de même plusieurs grammes d'alcool dans le sang.
- Oh ? Maman Miller se faisait du souci pour son fiston ?
Le regard rieur de Milan laissait présager tout le sarcasme qu'il retenait en lui depuis le week-end. Il avait passé son dimanche à ruminer ce qu'il s'était passé pendant la soirée. Cela avait ruiné toute la bonne humeur qu'il pouvait avoir encore en lui. Il s'était levé aussi tôt que possible, malgré le mal de crâne et l'envie de vomir, afin d'aller courir dans le parc à côté de chez lui. Il avait forcé sur ses jambes, allant plus vite qu'à l'accoutumée, pour se décharger de ce mélange de stress, colère et frustration que l'alcool avait savamment cuisiné dans ses veines. Le soulagement qu'il avait alors ressenti s'était avéré temporaire, le rendant ronchon. Il avait donc besoin de se défouler.
- Milan, je ne plaisante pas. Il aurait pu t'arriver n'importe quoi. Tu ne répondais même pas aux messages que je t'envoyais.
- Pour le coup, tu l'as bien mérité.
Le bruit de la fermeture éclair ponctua la conversation alors que Milan passait son sac sur son épaule. Il attrapa son portable, resté sur le banc, pour le garder à la main. Il consulta les messages qu'il avait reçus durant son entraînement tandis qu'Evan le suivait, silencieux. Ce dernier ne voulait pas rajouter de l'huile sur le feu. Il savait très bien que Milan n'attendait qu'un seul mot de sa part pour le retourner contre lui et le lui faire regretter. Milan était comme ça, doué avec les mots, à l'aise avec tout type de situation et ayant un contact facile avec autrui.
Ils marchaient tous les deux, côte à côte, alors que Milan pianotait toujours sur son clavier les réponses qu'il envoyait successivement. Il était tellement concentré sur son mobile qu'il n'avait quasiment aucune conscience de ce qui se passait autour de lui. Il ne se faisait pourtant pas trop de soucis. Evan n'était pas loin.
Il ne fit donc pas attention aux voix qui s'élevaient peu à peu comme si une dispute éclatait non loin de lui. Ce ne fut qu'en entendant ce ton froid si reconnaissable qu'il releva finalement la tête, la tournant dans tous les sens pour voir d'où cela provenait. Milan ne s'était pas rendu compte, qu'avec Evan, ils étaient déjà arrivés devant l'entrée secondaire de l'enceinte sportive. Ils passaient toujours par-là après l'entraînement, le terrain de hand étant plus proche de cette partie du complexe.
Un petit groupe était formé, là, devant eux. Une bonne trentaine d'étudiants étaient regroupés mais il ne voyait toujours pas la personne qu'il cherchait. Il commençait même à se dire qu'il avait halluciné. Cependant, un mouvement dans la foule lui permit de la voir, elle et ses putains de lèvres rouges.
Alice était légèrement en retrait, derrière cette Carole que son meilleur ami fréquentait depuis deux semaines. Cette dernière semblait s'être interposée entre elle et une fille que Milan ne connaissait pas mais qui paraissait plus jeune.
- Elle ne m'a même pas regardé danser. C'est injuste. Totalement injuste. Carole, tu disais toi-même que je ferais une bonne nouvelle recrue. ELLE NE M'A PAS REGARDE, PAS UNE SEULE FOIS.
- Alice a le dernier mot, tu le savais Mélissa.
- Elle n'est pas extraordinaire. Tout le monde la déteste ici. Je ne vois même pas ce que vous lui trouvez. Alice n'est absolument rien sans toi, Carole. Alors pourquoi c'est elle, la leader ?
Alice fit un pas en avant, puis un autre afin d'arriver aux côtés de Carole. Elle posa son index sur l'avant-bras de sa meilleure amie, pour lui indiquer qu'elle avait les choses en main. Mais seulement le bout de son doigt touchait réellement la peau de Carole comme s'il était trop dangereux pour elle d'y poser sa main en entier.
- Tu ne faisais pas l'affaire.
Et Alice se fraya un chemin dans la foule, en prenant soin de faire assez d'espace autour d'elle pour ne toucher personne. Ce n'était pas aisé mais elle semblait avoir ses méthodes. Elle s'en alla, sans un regard en arrière, alors même que Mélissa s'époumonait.
- Un jour, tu n'auras plus personne pour prendre ta défense, Alice. Il y a une raison pourquoi on te déteste. Tu es arrogante, suffisante. Tu te penses supérieure à tout le monde. Mais tu n'es rien, Alice. Tu ne sais même pas danser. Tu as juste trouvé de bonnes poires. Tu es douée pour ça, Alice, je dois le reconnaître.
Alice frôla Milan sans même un regard à son égard avant de passer le seuil de l'université.
- Tu ne comptes pas la rattraper ?
La blonde de samedi soir était plantée à côté du jeune homme, un sourire aux coins des lèvres, comme si elle savait quelque chose de plus que Milan. Ce dernier serra le poing. Il n'aurait jamais dû réagir aussi instinctivement à la voix d'Alice.
- On parle au plus grand connard que la Terre n'ait jamais porté à présent ?
Sarcasme quand tu nous tiens. Cependant, la blonde ne réagit pas comme il le pensait. Son sourire au coin s'élargit comme si elle s'attendait à ce qu'il réagisse ainsi, comme si elle le souhaitait, même.
- Ne te surestime pas, Milan. On sait tous que sur ce terrain-là, Emile te surpasse. D'ailleurs, il est au courant de tes vues sur sa petite sœur ?

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Blue Blurred
RomanceAlice est une fille à part, détestée des trois quarts des personnes qu'elle connaît. Milan est un coureur de jupons, une fille différente chaque samedi soir. Tous les clichés commencent comme cela. Et pourtant, c'est leur histoire.