68. Discussion

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68. Discussion

Evan était à moitié affalé sur son canapé, mort de rire. Un état qu'il semblait avoir adopté de manière constante depuis que Milan était plus franc avec lui sur l'attirance qu'il éprouvait pour Alice.

— Et donc tu t'es retrouvé assis, coincé entre Alice et Nate, avec Emile en face ?

— Ça fait trois fois que je te le répète, Emile était sur un fauteuil, de biais.

— Ça n'a pas dû l'empêcher de te fusiller du regard. J'espère que tu ne t'es pas trompé de côté quand tu as passé ton bras autour des épaules d'Alice. Je ne suis pas sûr que Nate aurait apprécié le rapprochement physique.

Il était en train de s'imaginer la scène que ça aurait donné, ce qui renforça de nouveau le fou-rire qu'il n'arrivait pas à calmer depuis dix bonnes minutes. Milan savait bien qu'il n'aurait jamais dû lui raconter ce qu'il s'était passé la veille mais Evan lui avait demandé pourquoi il ne l'avait pas retrouvé au bar avec ses coéquipiers pour fêter la victoire de l'après-midi et il avait préféré la vérité. Son meilleur ami savait écouter et il avait beaucoup plus d'expérience dans le domaine de l'exclusivité. Milan savait qu'il était surtout venu aux ragots mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Il avait bien conscience du caractère exceptionnel de la situation et de la curiosité que ça suscitait chez ses potes. Il n'avait donc pas pu le rembarrer et subissait à présent son interrogatoire, plus méticuleux que celui de n'importe quel lieutenant. Il devrait peut-être envisager de poursuivre sa carrière dans la gendarmerie plutôt que dans la médecine. Ça lui réussirait sans doute mieux.

— Tu as quand même réussi à l'emballer ?

— Tu es lourd quand tu veux.

— Milan qui me traite de lourd, on aurait tout vu ! Mais où est donc passé mon meilleur ami ? Est-ce que je dois m'inquiéter d'une quelconque invasion extraterrestre dans un futur plus ou moins proche ?

Milan commençait à regretter toutes ses fois où il s'était foutu de son meilleur ami qui n'osait pas franchir certaines étapes. C'était sans doute ça, le karma. Ce fameux retour de bâton. Il ne l'avait pas volé celui-ci, et il était revenu bien plus violent qu'il ne l'avait lancé.

— Non.

— Non, quoi ? Je n'ai rien à craindre des martiens ?

— Non, je ne l'ai pas emballée devant son frère.

— Je te jure que je n'avais vraiment pas prévu que ça accrocherait entre Alice et toi, vraiment, c'était à mille lieux de ce que je pensais. Mais si j'avais su, si mon moi du futur était venu me prévenir, je l'aurais fait bien plus tôt ! Cette histoire est bien trop passionnante !

— Tu penses t'en remettre d'ici la fin la décennie prochaine ?

— Laisse-moi réfléchir...

Il faisait vraiment mine de réfléchir, ce traître. Comme s'il en avait vraiment besoin pour connaître la réponse. Milan tacla sa langue contre son palais, histoire de lui montrer son irritation.

— Si à la fin de la décennie prochaine, tu es toujours avec Alice, ça sera difficile de s'en remettre.

Milan sentit un poids s'enfoncer dans ses tripes. La perspective d'une telle durée le faisait moins rire que toute cette scène ridicule avec Emile et Nate pendant cette soirée cinéma. Evan dut remarquer le changement de comportement de sa part, parce qu'il reprit la conversation comme si rien ne s'était passé.

— Vous avez regardé quoi ?

— Inception.

— J'étais déjà en train de vous imaginer devant Coup de foudre à Notting Hill.

— Tu imagines vraiment Alice devant Notting Hill ?

— Pas faux. Mais vous imaginer toi, Emile et Nate devant ce film, un peu forcés malgré vous, mais ne pouvant rien dire, c'est bien trop hilarant. Et tu es parti quand le film s'est terminé ? Leurs parents étaient là ?

— Leurs parents n'étaient pas là. Et oui, je n'ai pas vraiment traîné après.

Evan le regarda plus sérieusement un instant, comme s'il avait perçu quelque chose dans son attitude qui l'intriguait et qu'il essayait de mettre le doigt dessus.

— Qu'est-ce qui te préoccupe autant ?

— Je... Rien.

— Arrête, Milan. Je te connais par cœur. Si je n'étais pas là, tu serais sans doute dehors en train de faire un jogging pour te tirer toutes les pensées que tu as en tête de l'esprit.

— Je ne sais pas... C'est juste... C'est stupide.

— Mais encore ?

— Alice est bizarre.

— Alice est toujours bizarre.

— Non. Je... Pas comme ça. Alice est bizarre ces derniers temps... C'est comme si elle avait quelque chose à me dire mais qu'elle ne me le disait pas.

— Pose lui la question alors.

Tout semblait si simple dans l'esprit d'Evan, comme s'il ne savait pas que Milan avait de véritables problèmes avec la communication franche de ses sentiments.

— Tu n'es pas obligé de partir dans une déclaration à chaque fois que tu dois lui parler, tu sais ?

— J'ai juste... j'ai l'impression que son comportement a changé depuis Marseille.

— En bien ou en mal ?

— Je n'arrive pas à savoir... C'est comme si elle se prenait plus la tête que d'habitude.

Il n'arrivait pas à mettre des mots sur le changement de comportement d'Alice. Ce qu'il savait c'était que ce n'était pas le genre de la jeune fille de l'attendre devant la porte de son vestiaire, de venir l'encourager tout court dans les tribunes d'un gymnase alors qu'elle détestait être au milieu d'une foule, encore moins son genre de se blottir contre lui dans un canapé devant la télévision. Ça aurait dû lui faire plaisir, cette évolution, le fait qu'elle accepte vraiment d'être avec lui, qu'elle fasse des efforts dans ce sens mais il avait l'impression que quelque chose clochait.

— Je ne crois pas que tu aies à t'inquiéter. Carole m'a dit qu'Alice dormait mieux récemment, elle semble enfin comprendre qu'il lui faut un minimum de sommeil pour réfléchir correctement. Elle m'a avouée que même Emile est moins à cran. Je crois que c'est plutôt un changement positif qui est en train de s'opérer. Laisse-toi porter par ça, et si vraiment ça te préoccupe, parle-lui-en.

Il avait peut-êtreraison au fond. Il ne devrait pas s'inquiéter pour si peu. Après tout, même siEmile n'avait pas apprécié outre-mesure sa présence la veille, il n'avait riendit quand Alice s'était rapprochée de lui. Il ne s'était même pas crispé quandelle avait posé sa tête sur son épaule ou que Milan avait posé sa main sur sacuisse. 

Blue BlurredOù les histoires vivent. Découvrez maintenant