4.
Milan ne s'était même pas rendu compte qu'en effet il ne cessait de jeter des œillades à Alice alors que la jeune blonde lui parlait. Il fallait le comprendre, aussi. Alice lui avait paru trop rigide, trop froide pour, finalement, se dévoiler en totale cohésion avec son corps. C'était tout de même une sacrée surprise.
- Alice est surprenante, n'est-ce pas ?
- Tu la connais bien ?
- On peut dire ça comme ça.
Le commentaire était mystérieux mais Milan n'insista pas davantage. En réalité, il n'avait pas tellement d'intérêt à poursuivre cette conversation. Il n'était pas vraiment du genre curieux, et encore moins après les potins. Moins il en savait, mieux il se portait. C'était une autre grande différence qu'il avait avec Evan. Ce dernier adorait savoir tout ce qui se passait à l'université. Il était capable de lister tous les couples du campus et de lui faire une mise à jour quand ces derniers rompaient.
- Ce que je veux dire c'est que personne ne peut prétendre connaître Alice.
- Ah ?
Mais son regard était de nouveau dirigé vers la jeune fille, l'air pensif. La jeune blonde ne sembla pas offusquée pour autant. Après tout, elle était en train de parler d'Alice, c'était normal que Milan se permette de l'observer.
- Enfin. A part, sans doute, son frère et sa bande.
- Hum.
- Ce n'est qu'un conseil mais tu ne devrais même pas essayer.
- Et pourquoi ?
- Parce qu'Alice est à part.
Milan éclata de rire face à la réplique de la jeune fille. Combien de fois on lui avait dit que telle fille était à part et qu'il devrait faire attention ? Il ne comptait même plus. Tout le monde était unique, donc, par définition, tout le monde était à part.
- Fous-toi de moi mais je suis quasi certaine que tu as déjà commencé à le ressentir toi-même, même si tu n'as sans doute pas encore mis des mots sur ce sentiment. Alice n'est pas du même monde.
- Et toi, tu l'es ?
Le jeune homme commençait à voir clair dans le jeu de la blonde. Elle était sans doute jalouse que son attention ait été détournée et elle voulait maintenant le ramener à elle en descendant Alice. La pratique n'était pas louable mais Milan n'était pas vraiment à cheval sur les valeurs morales.
- Hein ?
- Alice n'est pas du même monde que moi, mais toi tu l'es.
- Non. Ce n'est pas ce que je disais. Ce que je disais c'était q...
- J'ai compris. Pas besoin de se perdre dans les explications. Je te plais, tu me plais, c'est aussi simple que ça.
Une gifle atterrit sur sa joue avant même qu'il n'ait pu l'anticiper. Ce n'était pas la première fois mais, l'air de rien, ça claquait toujours aussi fort. Le regard clair de la jeune fille s'était à présent assombri et il pouvait voir qu'il l'avait blessé. Finalement, elle n'était peut-être pas son type. Beaucoup trop fragile pour ce qu'il prévoyait de lui faire. Elle deviendrait hystérique, le lendemain, quand il partirait.
- On m'avait prévenu que tu étais un connard, Milan, mais à ce point, je te tire mon chapeau. Que tu me plaises ou pas, là n'est pas la question et, actuellement, je me demande bien ce que j'ai pu te trouver. Donc, non, je ne fais pas tourner le monde autour de mon nombril. Quand je te disais qu'Alice n'était pas du même monde, il y avait une vraie signification derrière mais comme tu n'es qu'un salaud arrogant, je vais te laisser te rayer les dents sur le parquet tout seul pour le découvrir. Et si je ne vais pas la prévenir de tes intentions, ce n'est pas parce que je suis jalouse et que j'espère qu'elle souffrira. Non. Si je ne la préviens pas, c'est tout simplement parce que du peu que je la connaisse, elle ne s'intéressera même pas une seule seconde à toi. Alice perçoit les gens différemment. Et le cliché vivant que tu représentes n'aura aucun impact sur elle. Elle est comme immunisée.
Et elle le planta là. C'était tout de même la deuxième fille de la soirée qui partait sans qu'il n'ait obtenu gain de cause. Cela commençait à faire beaucoup. Ce n'était sans doute pas son jour. Milan se passa une main dans les cheveux tout en soupirant. L'alcool était en train de faire de plus en plus rapidement le tour de ses veines. Il savait que c'était, entre autres, parce que l'énervement prenait le dessus. Il réagissait toujours plus vite quand il était sous l'emprise de plusieurs shots. Et la vue des déhanchements d'Alice, juste devant lui, ne l'aidait pas vraiment à se concentrer. Il devait prendre l'air.
Il alla chercher sa veste dans l'entrée, en sortit son paquet de cigarettes et claqua la porte avant qu'Evan n'ait pu l'atteindre pour lui demander où il allait. Il dévala les marches d'escalier, la cigarette, éteinte, déjà au bout des lèvres. Se pencher légèrement par la fenêtre ne lui suffirait pas. Il avait besoin d'avoir froid. Et ce n'était pas dans le tumulte de la foule d'étudiants que cela arriverait. Il entendit des pas derrière lui mais il n'y fit pas attention. Ce n'est qu'en arrivant devant la porte d'entrée qu'il se fit presque plaqué contre le mur d'à côté par son meilleur ami.
- Milan, je t'appelle depuis tout à l'heure. Tu m'entends ou pas ? Tu vas où ? Tu pars déjà ?
- Je vais juste fumer, Evan.
- Ah.
Evan se sentait un peu idiot, à présent, de l'avoir poursuivi. Il était un peu plus loin à observer sa petite amie danser. Il n'avait pas pu la tenir longtemps éloignée de ses amies, à croire qu'elles agissaient comme des aimants. Son regard avait alors parcouru la foule quand il avait vu son meilleur ami se prendre une claque puis disparaître de la salle. Milan n'était pas sensible, ni même rancunier en réalité. Il était habitué à se prendre des gifles, il pouvait être un véritable salopard quand il voulait. Mais Evan était un peu plus inquiet quant à son taux d'alcool dans le sang. Cependant, il s'était, apparemment, encore une fois inquiété pour rien. A croire que rien ne touchait Milan, jamais.
- Alors cette Carole ?
- Quoi ?
- Tu comptes la baiser ce soir ?
Un regard noir lui répondit. Milan éclata de rire pour la deuxième fois de la soirée. Son meilleur ami était définitivement du genre romantique. Comment pouvaient-ils s'entendre aussi bien tous les deux quand de telles choses les opposaient ?
- Va fumer. Et crève sous les roues d'une voiture tant qu'à faire.
- Cela n'est pas très sympa, Evan Miller.
- Tu m'épuises.
- Je sais.
- Va fumer. Et reste vivant.
- Tu te contredis, tu sais ?
- Je sais.
Et déjà, Evan disparaissait dans la cage d'escaliers. Milan ouvrit finalement la porte d'entrée sans aucune délicatesse et s'adossa au mur de l'immeuble pour allumer son bâton de liberté conditionnée. Une taffe, deux taffes, de la fumée. Et le manège recommençait. Il ne sut exactement combien de temps il resta là, ni combien de cigarettes il fuma mais ses lèvres devaient déjà avoir pris une teinte bleutée quand la porte d'entrée s'ouvrit de nouveau. Il lui suffit de pencher légèrement la tête sur le côté pour apercevoir, de nouveau, des lèvres qui avaient pris un malin plaisir à l'obséder toute la soirée.

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Blue Blurred
RomansaAlice est une fille à part, détestée des trois quarts des personnes qu'elle connaît. Milan est un coureur de jupons, une fille différente chaque samedi soir. Tous les clichés commencent comme cela. Et pourtant, c'est leur histoire.