Parsec 20 = Cauchemar

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          Un raclement strident envahit l'espace clos de la rame de métro réveillant Lola de sa léthargie. Elle avait glissé le grimoire dans un sac qu'elle tenait tout contre elle, comme une mère aurait porté son enfant, à quelques détails près. Son esprit était focalisé sur un élément et un seul : la «chose» qui la suivait. Elle l'avait aperçu à la gare du RER un peu plus tôt, mais son train partait et elle avait cru rêver. Cela ressemblait à un nuage ou de la fumée très dense... avec deux yeux rouges lumineux, fixés sur elle.

           Autour d'elle, la bousculade à l'ouverture des portes la força à réagir, montant dans le wagon, non sans vérifier que l'apparition n'y était pas. Contrairement à ses parents, la jeune fille était superstitieuse, surtout depuis que l'une de ses amies lui avait tiré le tarot. Elle ne se trompait jamais.

– Pardon.

           Une petite grand-mère se frayait un chemin vers les sièges du centre, sous le regard désabusé des autres voyageurs. Lola fixa distraitement la scène, toute à ses pensées, quand son champ de vision s'obscurcit soudainement : la «chose» sembla sortir de nulle part, envahissant l'espace, son attention focalisée sur elle. L'ombre surplomba entièrement la vieille femme pour se rapprocher d'elle, coincée entre plusieurs personnes.

– Aaaaah !

           Son cri de surprise fut instinctif, tandis qu'elle décalait son dos contre la porte de sortie, sous l'intérêt général de tous les voyageurs ; certains la catégorisaient déjà droguée, d'autres regardaient ce qui avait bien réussi à lui faire peur, les derniers ignorant totalement l'incident. Les plus proches se reculèrent quelque peu, inquiets et n'ayant aucune envie de s'occuper de son cas... Tout cela se déroula bien loin des préoccupations de la jeune femme, qui voyait venir à elle ce nuage noir de ses yeux exorbités son esprit affolé et le cœur battant. Elle serra un peu plus son sac contre elle.

– Allez-vous-en ! hurla-t-elle.

           Les spectateurs s'entre-regardèrent, perplexes, alors que l'ombre se rapprocha encore, tendant une sorte de bras tentaculaire vers elle.

« Tu... me... vois...? »

           Un instant de flottement suivit avant que le hurlement caractéristique du train en plein freinage ne vienne réveiller Lola. Prenant tout son temps, elle se remonta sur la porte, attendit que la rame soit bien arrêtée pour l'ouvrir et s'enfuir en courant, toujours suivi du regard d'une bonne vingtaine de personnes circonspectes.

– Je dois fuir... Fuir... Fuir... baragouinait-elle automatiquement.

           Un coup d'œil vers l'arrière l'avertit que son poursuivant la pourchassait encore, paisiblement, comme s'il savait déjà qu'elle ne pourrait pas s'enfuir indéfiniment. Lola passa à travers la foule immense du point d'échange, consciente soudain qu'elle devait être la seule à voir cette «chose». Qu'est-ce que c'était ? Pourquoi le voyait-elle ? Et pourquoi ce nuage la poursuivait-il ?

           La jeune femme se retourna brusquement en plein milieu d'une zone fréquentée et cria :

– Pourquoi tu me suis ? POURQUOI ?

           Quelques regards étonnés ou inquiets, parfois écœurés, avant que la foule ne reprenne son manège incessant, indifférente au désarroi de cette femme. Seul un marchand de fruits juste à côté sembla s'intéresser, curieux de ne voir aucune personne se rapprochant d'elle.

« Donne-moi... le Livre... »

           À nouveau, l'ombre étendait son étrange bras vers elle, sentant l'objet de ses recherches dans le sac qu'elle tenait. Lola pâlit encore et serra un peu plus ses bras autour du livre. Son esprit paniqué ne comprenait pas grand-chose à cette situation, mais...

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant