Parsec 4 = Portails - partie 2 (v2)

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          Le choc avec la terre ferme lui coupa le souffle. Cela et le corps de Pierre qui l'écrasait à moitié. Il s'affala aussitôt sur l'herbe fraîche de tout son long, trop heureux d'être sorti de l'eau. Yann comptait réfléchir au "comment" plus tard. Pour l'heure, sa respiration et son ami devenaient sa priorité.

– C'est bon maintenant, on peut y aller ? demanda une voix féminine qu'il aurait préféré ne plus entendre.

          Sa main vola jusqu'à son front qu'il massa une seconde, dans l'espoir d'un miracle. Se réveiller et découvrir qu'il cauchemardait, par exemple. Seulement, lorsqu'il tourna son regard, la seconde d'après, cette femme se tenait toujours là, à ses côtés. Et, avec surprise, il remarqua qu'un éclat de lune dévoilait un peu sa silhouette. Assez, tout du moins, pour remarquer sa chevelure brune qui ondulait jusqu'à ses épaules. Sa tenue paraissait noire, car il ne distinguait rien d'autre d'elle.

– Arun ? Quelque chose ne va pas ? Vous vous souvenez enfin d'un détail ? le relança-t-elle.
– Comment vous m'avez appelé ? C'est qui, ça ? Vous vous êtes trompée de personne et... non, mais pourquoi je parle à mon hallucination, moi ? termina-t-il plus bas.

          Bien décidé à remettre de l'ordre dans sa tête, il commença par essayer de séparer les deux gilets de sécurités noués ensemble d'un nœud compliqué dont seul Pierre devait connaître les méandres. Après une bonne minute de lutte acharnée, il devait se résoudre à un échec cuisant pour se libérer.

– Si seulement j'avais un truc qui coupe, soupira-t-il, les yeux levés vers le ciel étoilé.
– Laisse-moi faire, déclara sa vision.

          Yann se surprit à ricaner tandis qu'elle se rapprocha d'eux, son bras replié légèrement tendu vers la boucle. La seconde d'après, un bruit sec claqua comme pour mieux le narguer d'être détaché. Et cette fois, les nuages dévoilèrent à son regard le corps de la femme, comme moulé dans du métal d'un bleu nuit moiré. Ses yeux incrédules passèrent ensuite à son bras, dont l'extrémité ressemblait à une lame, qui venait sans aucun doute de trancher les attaches. La lumière irréelle venue de la lune fit scintiller les bords affûtés qui devinrent liquides et se transformèrent sous ses yeux en une main fine et délicate, de nouveau solide.

          La science venait de voler en éclat face à lui et l'hypothèse d'être inconscient en train de rêver devenait soudain bien plus probable qu'un traumatisme crânien. Devait-il s'en réjouir pour autant ?

– On le laisse ici et vous me suivez, ou il faut l'emmener ailleurs ? reprit la femme-métal d'un ton poli.

          Après une brève réflexion, considérer qu'il rêvait ne pouvait pas se révéler exact non plus. Puisqu'il gelait dans l'eau une minute plus tôt... Yann se pinça la main en silence et grimaça de douleur. Cette fois, il avait un problème. Et il se voyait mal appeler Pierre pour lui demander de l'aide. Sa sensation de solitude et l'incompréhension de sa situation se mélangèrent en une angoisse irrépressible.

– Arun ?

          Aucune réponse. La jeune femme commençait à s'inquiéter sérieusement sur la complexité de sa mission présente. Le Gardien de la Mémoire ne l'avait pas prévenue qu'il risquait d'avoir perdu la sienne... Comment gérer un cas pareil ? Elle ferma les yeux une seconde avant de les rouvrir, non sans avoir pris une décision.

– Je suis vraiment désolée, Arun, mais le temps presse, vous ne pouvez pas savoir à quel point, alors faites-moi confiance, d'accord ? Nous devons partir, maintenant !

          Sans qu'il ait le temps de répondre, ou de réagir, elle venait de recréer un autre portail ovale où scintillait un pan d'univers et le tira à l'intérieur à sa suite, avec une force herculéenne.

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant