[Fin] Parsec 48-0 = Réalité

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           La maison faiblement éclairée par le feu de cheminée paraissait abandonnée. L'odeur de chocolat chaud qui provenait du petit chaudron accroché au-dessus des flammes l'émoustilla quelque peu. Cette odeur enivrante lui rappelait que trop bien ses parents. Sa mère en faisait toujours chauffer ainsi en attendant le retour de son père du travail. Un tricot inachevé patientait dans son panier, à côté d'une chaise à bascule, près de la fenêtre. Une femme s'y tenait allongée, alanguie et le regard chagrin qui scrutait l'horizon de la route silencieuse.

          Sa mère pleurait. Il n'avait jamais vu ses larmes, simplement son sourire lumineux. Pourquoi se sentait-elle si triste ? Il aurait aimé lui poser cette question, ainsi que mille autres, mais une petite voix à présent familière résonna dans sa tête pour l'en dissuader.

« Ne change pas le passé, Karon. »

          Sophos, la voix de la raison. D'un soupir à fendre des falaises entières, il jeta un dernier regard vers celle qui avait toujours tellement compté pour lui. Ses traits lui rappelaient encore une fois la gardienne du Mestre et il se demanda une seconde s'il n'existait pas une relation entre elles, même infime.

« Peu probable. »

          Karon ignora le Gardien du Temps et se rapprocha de sa chambre – ou plutôt de celle de son « moi » passé. Il pénétra dedans en faisant attention, détaillant avec nostalgie le papier peint défraichi recouvert d'étoiles rieuses, les nombreuses maquettes d'avions ou de fusées, avec ses vieux posters sur la conquête spatiale, accrochés aux murs un peu n'importe comment. Il avait soudain l'impression d'être de nouveau ce petit garçon brun, allongé sous sa couette à trembler de peur dans le noir, en attendant le retour de son père.

« C'est Yann enfant ? Vu la décoration, cela ne m'étonne guère... »

          Encore une fois, il ignora Sophos, laissant les phares de la voiture paternelle inonder sa chambre de lumière. Il se regarda foncer vers le lit, pour faire semblant de dormir. Ses oreilles perçurent les pas décidés de son père qui rentrait à la maison, des paroles chuchotées avec sa mère, avant qu'ils ne viennent ensemble lui souhaiter une bonne nuit. Lorsque les lèvres de son géniteur effleurèrent le front du Yann enfant, Karon eut la sensation éphémère de les sentir sur le sien et des larmes menacèrent de dégringoler de ses yeux.

« Concentre-toi. Tu feras du sentimentalisme plus tard... »

          Ses parents s'en allèrent sans avoir remarqué sa présence, chose normale. Seule une âme pouvait voir une autre âme... à quelques exceptions près. Lui, par exemple. Yann avait toujours été capable de les percevoir, sans s'en douter. Sa rencontre avec madame Red au Mexique, puis Mélana... Pas étonnant que les passants le regardaient comme un fou : ils devaient le voir parler seul ! Ses yeux bleus-vert se posèrent sur l'enfant qui s'endormait face à lui.

           À présent, il comprenait l'intérêt de ce rêve étrange, à cette période charnière. Enfant, il avait été poussé par ce songe à s'orienter vers un métier relatif à l'espace. Plus vieux, même s'il reniait toute véracité, il avait continué d'étudier en ce sens. Adulte, ce qu'il avait vécu à cette époque lui avait permis d'appréhender les événements avec moins de détresse. Il n'avait pas apprécié s'être fait trimballer par Mélana, Kid'cha et les autres, mais il n'avait pas eu peur. Car au fond de lui, son rêve le soutenait...

« Il dort non ? Tu veux la jouer comment ? »

           Pour toute réponse, Karon se mit à sourire, amusé et un peu sadique.

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Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant