Le Passeur de Mondes [En correction]

Parsec 22 = La Clef

         Un bâtonnet en bois, pas plus grand ni plus gros qu'un stylo trônait dans sa paume. Voilà tout ce qu'il restait de Kid'cha, le Gardien de l'Espace : son lègue à lui, Yann, qui avait encore du mal à comprendre ce qu'il se passait pour qu'on lui confiât la sauvegarde de l'univers entier ! Ses doigts firent tournoyer d'instinct l'objet sur lui-même, comme le crayon qu'il utilisait pour noter des résultats de relevés complexes ; il sentait toujours une crainte d'écrire une erreur à l'encre indélébile.

– Super... Et cela sert à quoi ce truc ? murmura-t-il perplexe.

           Un ténu frisson électrique affleura jusqu'aux pores de sa peau jusqu'à remonter tout le long de sa colonne vertébrale, osciller un instant dans son bras pour terminer sa course au bout de ses ongles. L'objet léger s'envola dans l'air avec lenteur, comme dans un ralenti, avant de grossir à chaque tour supplémentaire qu'il effectuait, jusqu'à se transformer en un grand bâton digne d'un magicien de superproduction. Avec naturel, il vint se loger dans la main de Yann, tel un rapace qui retournait à son maître.

– Waouh... !

           Interloqué, Yann n'osait pas bouger face à cet événement imprévisible qui le laissait dans une profonde expectative. Son regard se levait déjà vers sa copie parfaite, qui n'était qu'une représentation virtuelle que l'Orin utilisait afin de lui parler. Leurs yeux clairs se rencontrèrent avec brièveté, avant qu'un second coup de décharge n'éclata dans son esprit. Elle dévala les pentes de son corps à l'allure d'un missile jusqu'à la plante de ses pieds, cette fois.

          Yann bondit malgré lui.
          Tendit son bâton vers l'avant.
          Une porte lumineuse ovale apparut et s'élargit.
          La seconde d'après, il avait disparu au travers.

           Ses paupières s'ouvrirent sur une infinité d'étoiles et de galaxies ; son rêve ! Il était en train de revivre le rêve de ses cinq ans juste sous ses yeux ! Tout autour de lui, l'univers étendait ses atours et il parvenait à nager paisiblement, lové dedans comme entre les bras de sa mère. Où pouvait-il bien se trouver ? Rêvait-il encore ?

« Arun Yann ? Tous les Passeurs sont reconnectés à moi via le déplacement spatial. »
– Hein ?

           À peine venait-il d'entendre la voix synthétique de l'Orin dans ses oreilles, que ses pieds touchèrent le sol invisible. Tout se déroulait exactement comme dans ses songes... sans la présence de Karon ! Voilà d'où il se souvenait de lui : Mélana lui avait assuré que c'était lui qu'il avait vu en rêve à cet instant-là.

– Hey !

           Une voix masculine provint du sol moins d'une seconde avant un hurlement féminin qu'il aurait reconnu entre mille :

– PAPAAAAA ! cria Lola à pleins poumons, quitte à en faire vibrer le... cube ?

           Indécis sur la pièce dans laquelle sa fille et un homme moustachu basané se trouvaient, Yann n'en demeurait pas moins rassurée de la voir ici, en vie et en bonne santé. À peine eut-il pensé à les rejoindre, qu'un passage sphérique se découpa dans le sol et lui permit de descendre à l'intérieur. Aussitôt après, tout se referma comme par magie et il tenait Lola entre ses bras, en larmes tous les deux.

– Ooohh papa, j'suis tellement contente de te revoir ! J'étais si inquiète... !
– Ma chérie... Ma Lola... ! J'ai eu si peur quand je t'ai vu pourchassée par cette « ombre » ! Tu vas bien ? Comment t'en es-tu sortie ? Je n'ai rien pu voir, j'étais... trop en colère, je crois...