Le Passeur de Mondes [En correction]

Parsec 5 = Vertige - partie 2 (v2)

« La Lumière arrive... »

          L'écho d'une voix masculine inconnue le fit sursauter, paniqué. Sa main vola jusqu'à sa poitrine qu'il étreignit par automatisme, tandis que sa respiration courte et sifflante résonnait comme une machine à vapeur dans l'étroit couloir. Sa tête lui faisait mal et ressemblait au clocher d'une église, chaque bruit paraissait démultiplié.

– Arun ?

          Ses doigts crispés passèrent de son torse à ses oreilles afin de ne plus entendre ces sons amplifiés par le vide autour d'eux. Ils semblaient se trouver dans une cathédrale !

– Vous vous sentez mieux ? Vous pensez pouvoir marcher ?

          Yann reporta son attention sur la femme qui se penchait sur lui. La faible luminosité des lieux lui permettait juste de distinguer ses yeux sombres, les contours de son nez et de sa bouche. Sa voix paraissait inquiète... Mais un bien plus gros problème se posait pour lui. Impossible d'accéder à ses souvenirs récents. Il se voyait encore nager dans le lac Léman après son crash d'avion, mais ensuite ?

– Où sommes-nous ? Qui êtes-vous ? Que fait-on ici ?

          Inutile de s'inquiéter, pensa la femme-statue. Le choc de sa crise de panique l'avait sans doute perturbé et avait supprimé les éléments trop improbables pour sa conception archaïque de l'univers. Sa perte de mémoire représentait même une opportunité inespérée pour elle de reprendre sur des bases saines et l'inciter à se dépêcher...

– Vous ne vous souvenez plus ? Je vous ai sauvé de la noyade avec votre ami. Nous devons vite rejoindre l'Orinyès afin de vous amener sur l'Axial, le sort du massivers repose entre vos mains !

          Face au silence absolu que reçut sa déclaration, elle décida d'y mettre un peu de bonne volonté et esquissa un sourire avant de lui tendre la main.

– Je m'appelle Mélana, je suis Passeuse d'Âme responsable des univers ABBA jusqu'à AIHA. Le Gardien de la Mémoire m'a demandé d'aller vous chercher en urgence. Allez, levez-vous.

          Par réflexe plus que par envie, Yann accepta sa proposition et se redressa, sonné. Tout ce qu'elle lui disait n'avait aucun sens et ne correspondait à rien de logique. Sa sensation d'hallucination s'amplifia encore lorsqu'il jeta un regard autour d'eux. Un couloir sombre, fait de pierres taillées, humides ; un canal central sur le sol qui charriait de l'eau crasseuse au contenu indéfinissable ; de petits bruits suspects qui résonnaient par moment et n'auguraient rien de bon quant à leurs origines ; enfin l'odeur de putréfaction nauséabonde de cadavres organiques englobait l'ensemble du panorama dans une vision possible d'égouts d'un autre temps.

– Et... Nous sommes où, là ? Dans des oubliettes d'un château fort ? demanda-t-il d'un ton caustique.

          Il préférait encore ne pas réfléchir plus intensément à sa situation présente et prendre les informations telles quelles. En vérité, Yann suspectait surtout d'être drogué et attaché à son lit d'hôpital. Mais d'où provenaient ces sensations aussi réalistes ?

– Difficile de vous répondre sans vous choquer. Disons que nous n'avons pas quitté l'Osial, cela devrait au moins vous rassurer, lui expliqua-t-elle d'un ton poli.
– L'Osial ?
– Vous l'appelez "la Terre", je crois.

          Cette fois, Yann en avait la preuve formelle : il délirait à cause des médicaments. Aucune autre raison logique ne pouvait expliquer ces noms ridicules.

– Suivez-moi, nous sommes assez en retard comme cela. Je répondrai à vos autres questions sur le trajet.

          Mélana s'avança, bien à l'abri du canal qui continuait de s'écouler au milieu des pierres. Il préféra ignorer son contenu. À la simple idée qu'un cadavre de rat puisse surgir, lui donnait la nausée. Un haut-le-cœur l'arrêta et l'obligea à se reposer contre le mur poisseux à ses côtés. L'impression désagréable au toucher lui provoqua un sursaut qui l'aurait fait tomber d'un bond en arrière si sa guide ne l'avait pas retenu au dernier moment. Yann ne l'avait pas vu se déplacer...