Le Passeur de Mondes [En correction]

Parsec 46 = Adieu Lola

Le goût âcre désagréable d'avoir mordu dans du plâtre, la fraîcheur un peu humide et l'odeur entêtante de terre mouillée, le bourdonnement incessant dans ses oreilles, enfin le visage de Karon face à elle, mélange étonnant entre son père Yann et une femme inconnue. Il souriait avec une pointe d'angoisse dans son magnifique regard turquoise.

– Lola ?

           Elle déglutit plusieurs fois avec pour objectif de ramener un peu de salive dans sa bouche sèche. Elle avait la nette impression d'avoir traversé un désert aride.

– Papa... ? Où sommes-nous ?

           Très lentement, d'une démarche un peu glissante et irréelle, il se rapprocha de sa fille pour la prendre dans ses bras avec délicatesse. Une sensation d'indicible bonheur fit perler des larmes aux coins de ses yeux tristes. Sa douleur à l'idée de s'éloigner de sa famille terrestre venait de le secouer face à Lola.

– Tu ne reconnais pas l'endroit ? questionna Mélana de sa voix douce.

           Toujours dans les bras de Karon, la jeune fille releva son regard autour d'elle. Un trou noir semblait avoir réduit les derniers événements à néant dans sa mémoire. Et puis, peu à peu, à travers la forme d'une racine au plafond, de la grandeur de la salle, quelques bribes de pensées récentes émergèrent. Elle se souvenait surtout des instants précédents son arrivée ici... Un homme étrange l'avait abordée, lui demandant si elle désirait sauver son père. Quelle question !
Lola posa ses doigts sur le torse de Karon et le repoussa avec tendresse.

– Je ne comprends pas tous les derniers événements, papa. Mais je commence à me rappeler... Tu ne rentreras pas à la maison, n'est-ce pas ?

           Les mains de son « père » sur ses épaules se raffermirent un peu, tandis que l'être face à elle pinçait ses lèvres, une expression de désolation inscrite sur son visage contracté. Cette âme originelle semblait sur le point de pleurer. L'émotion la submergea à son tour, comprenant sans avoir entendu sa réponse, le cœur de celui face à elle ; celui qui fut un jour son père. Sans un mot, elle retourna entre ses bras et elle le serra de toutes ses forces.

– Karon... ?

           Après un long silence, Mélana décida de briser leur immobilité. Elle échangea un regard indéfinissable avec lui. Il acquiesça avec un sérieux trouble.

– Lola, ma chérie... Il est l'heure de ramener le Fragment d'Éternité sur l'Axial... Viens.

           Il tendit sa large main vers sa « fille » qui la prit, des larmes débordant de ses yeux émus. Il brandit alors le Voyageur, qui brillait sans discontinuer depuis la disparition de l'ombre. Lui et les autres artefacts paraissaient résonner en chœur, au rythme entêtant de l'unité restaurée...