Parsec 36 = Affrontements Inattendus

148 26 7
                                    

           La douce main de Juliette caressa la joue sèche de son enfant avec une tendresse toute maternelle. Lola continuait de gémir dans son sommeil et paressait particulièrement mal en point. Les lèvres peintes de sa mère se pincèrent douloureusement, tandis que son regard se reportait vers la main de Lola, qui paraissait tenir quelque chose qu'elle ne percevait pas.

          Intriguée, la femme se pencha alors vers la couverture et caressa de ses doigts ceux de sa fille, dévoilant un objet froid — et surtout invisible — à leur extrémité. Aussitôt, une épée longue se profila sur le lit jusqu'alors vide, apparaissant au regard d'une mère terrifiée. Depuis quand des choses pouvaient-elles passer inaperçues ? Et que faisait cette arme dans la chambre de sa fille ?

– Lola ? Lola, m'entends-tu chérie ?

          Mais sauf quelques gémissements supplémentaires, elle conserva son inquiétante inconscience. D'une main légèrement tremblante, Juliette retira donc cette épée des doigts glacés de son enfant, bien décidée à l'en éloigner le plus possible. Pourtant, dès qu'elle sentit l'arme peser sur ses bras, un sentiment proche du rêve la fit planer quelques secondes. Cette impression éphémère se dissipa l'instant d'après, mais l'envie de s'écarter de Lola venait de disparaître avec elle. Pire ! Juliette avait la sensation qu'il lui fallait protéger sa fille ; avec une épée !

– Je ne comprends pas tout, mais...

          Un bruit de meuble heurté l'interrompit soudainement dans ses pensées confuses. Une voix lointaine grommelant quelques insanités suivit l'annonce d'un arrivant imprévu dans leur maison. Face au chaos extérieur qui régnait, la mère de famille considérait qu'aller à la rencontre de cet inconnu relevait de la folie. S'il s'agissait d'un cambrioleur armé, l'épée qu'elle portait ne lui serait d'aucune utilité ! Elle lança un rapide coup d'œil vers sa fille qui gémissait de plus belle et marmonnait dans son sommeil comateux des mots sans suite.

           Le craquement caractéristique de l'escalier alerta soudainement Juliette que leur intrus arriverait bientôt au second étage. Il allait lui falloir faire un choix crucial entre sa peur de l'étranger dehors et son devoir de protection envers son enfant. Et bien qu'elle n'ait jamais eu une fibre maternelle bien développée, ce soir-là, l'idée même de voir Lola être approchée par un inconnu aux intentions hostiles lui insuffla une force qu'elle ne pensait jamais ressentir un jour.

– Il est hors de question qu'il vienne ici... ! gronda-t-elle, farouche.

            Raffermissant sa prise sur la garde de l'épée, la cadre supérieure se surprit à imaginer trancher la tête de ce cambrioleur avant même qu'il n'ait réussi à venir jusqu'à elle. Avec un petit sourire sadique et amusé, Juliette retira ses chaussons à talon et se retrouva en tailleur et bas résille, une épée médiévale dans les mains, à se rapprocher de la porte de chambre de sa fille à pas menus, afin de combattre un intrus possiblement équipé d'une arme à feu. Si Yann la voyait en cet instant...

          Penser à son mari lui serra le cœur à l'en faire pleurer. Depuis quelques heures, elle n'arrivait plus à se soustraire de son esprit enfiévré qu'il avait péri dans le capharnaüm extérieur. Pourtant, elle luttait fébrilement contre cette idée funeste, mais rien ne parvenait à l'enlever de la tête. Son cœur, son instinct et une petite voix dans son âme lui répétaient qu'elle l'avait irrémédiablement perdu. Et sa tristesse se muait presque en colère, à mesure que la situation générale se dégradait.

            Sa main serra nerveusement la poignée de porte face à elle. Les légers bruits de pas venaient d'arriver à sa hauteur sans essayer de se cacher particulièrement, ce qui avait le don de l'en inquiéter davantage. Quel cambrioleur sain d'esprit vagabondait chez sa victime sans dissimuler sa présence ? — Un casseur, répondit sa conscience surchauffée. Et l'idée que le monde soit devenu tellement fou pour que des hommes finissent par déchiqueter les maisons telles des hyènes des carcasses glaçait Juliette de la pointe de ses cheveux au bout de ses pieds.

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant