Parsec 1 = Big Bang - partie 1 (v2)

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          Du néant de la nuit pointa l'aurore. Avec elle, la déflagration d'un carillon à travers l'univers silencieux : un téléphone.

          La sonnerie résonnait depuis quelques secondes à peine lorsqu'une explosion sonore se déchaina tout autour d'elle. D'abord, la cafetière se mit à tinter, puis le grille-pain émit un bref son métallique. Ce dernier fit sursauter le chat, ensommeillé sur le canapé. Dans son sursaut, il appuya par mégarde sa patte sur la télécommande de la télévision. Elle enclencha aussitôt les enceintes du home cinéma qui se mirent à hurler un clip musical psychédélique.

          Du plafond résonna le bruit d'un remue-ménage matinal : un choc, vite suivi de pas précipités ainsi que d'une voix masculine étouffée. Elle jurait le plus bas possible pour éviter de réveiller le reste de la maisonnée. Un homme brun dévala les escaliers pour mieux s'élancer sur le combiné. Il déposa son magazine sur la table basse afin de décrocher, juste après avoir coupé le son du 16:9 encastré au mur.

– Yann Becquerel à l'appareil, j'écoute, marmonna-t-il d'une voix pâteuse alors qu'il se dirigeait vers la cuisine.

          À peine son interlocuteur entamait-il son monologue que la porte d'entrée retentit à son tour. La cafetière en main, il s'empressa de remplir sa tasse avant de rejoindre l'entrée non sans répondre à la personne au bout du fil – même s'il n'avait rien écouté depuis le début !

– Je serai au bureau d'ici une heure, un peu de patience !

           Son collègue à l'autre bout raccrocha non sans crier de joie, ce qui intrigua Yann une seconde, avant de reléguer cette curiosité en arrière-plan de ses préoccupations. La sonnette de la porte gronda à nouveau et il en oublia totalement ce coup de fil pour rajuster rapidement sa cravate foncée sur sa chemise bleue layette, avant d'ouvrir.

– Un paquet pour vous, veuillez signer là, s'il-vous-plaît, ânonna un jeune livreur.

          Il présentait le visage défraîchi et très peu professionnel d'une nuit sans sommeil. Il prit tout son temps pour bailler, sans remords pour la bienséance, tandis que Yann signait le reçu avant de récupérer son colis. Son arrivée représentait un événement tout aussi imprévu que l'appel de ce matin...

– Au'r'voir, baragouina le coursier avant de s'éloigner sans attendre.
– Bonne journée, répliqua Yann par automatisme.

          Un instant, les yeux bleus de l'homme scrutèrent le lourd paquet rectangulaire avant de jeter, par réflexe, un œil à la pendule murale. Il jura entre ses dents, déposa son colis sur la table basse et y récupéra le magazine posé là plus tôt. Il fila vers la cuisine pour prendre son simulacre de petit déjeuner. S'il n'accélérait pas, il finirait en retard au travail !

          Ses mains s'activèrent toutes seules, tandis que son esprit replongeait dans sa lecture scientifique, interrompue par toute cette cacophonie matinale. Il apprécia d'un soupir le calme retrouvé, non sans savourer son café au goût de noisette et sa tranche de pain beurrée. Le monde autour de lui n'existait plus. Yann Becquerel, astrophysicien français, se passionnait pour l'univers depuis ses sept ans...

– Yann ? T'es-tu au moins coiffé avant de descendre ? questionna une voix féminine assez sèche depuis l'étage.
– Oui, oui, chérie, répliqua-t-il d'un ton détaché, en mode automatique.

          Un grommellement fort peu distingué, qu'il ignora, l'aurait averti que sa femme savait encore très bien interpréter ses « oui, oui » lancés sans conviction. Mais, plongé dans sa lecture attentive d'un article fort intéressant sur la masse des particules élémentaires, tout le reste devenait inintéressant au possible. À un détail près, néanmoins...

Le Passeur de Mondes [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant