Le Passeur de Mondes [En correction]

Parsec 28 = Le Réveil

           Karon dormait paisiblement dans l'Orin, quand le Passeur Elior, fanatique gorgé de colère, y avait glissé le bras pour venir le couper en deux, en commençant par le cœur.

           Ténèbres absolues. Haine viscérale. Un ko d'une incroyable perversité se dressait face à lui, lui injectait toute sa rage.

– C'est de TA faute, Karon ! Tu vas payer pour tout le mal que tu m'as fait ! Un être aussi puissant que toi ne devrait pas exister ! L'Orin s'est fourvoyé ! Tu fais plus de mal que de bien, le comprends-tu ? Regarde-moi ! ... REGARDE-MOI, BORDEL !

           Face au petit être chétif et faible, l'être le plus pur et le plus formidable du massivers ouvrit ses yeux lentement, sur l'infini de l'univers. Jusqu'à cet instant, Karon imaginait l'Axial comme un lieu de béatitude parfaite, un endroit où tous les ko rêvaient d'aller, l'aboutissement de toute forme de vie. Sans même se douter de ce qu'il ne percevait pas, mais qui croissait lentement dans un coin, telle une plante carnivore abandonnée et affamée. La plénitude sereine de sa création s'envola en milliers de morceaux d'espoir très fins. En un résumé simple, Karon, l'être le plus puissant du massivers, venait de perdre sa naïveté en contemplant la première graine de Mal, qu'il avait lui-même créée, sans même s'en douter.

– Tu es...

           Mais Elior ne lui laissa ni le temps de parler ni celui de réfléchir aux conséquences de ses actes. D'un geste violent, sec et décidé, il termina de pénétrer dans l'Orin, acheva son occupant, avant de l'absorber tout entier. Jamais encore il n'avait ressenti une telle puissance, depuis son arrivée sur l'Axial ! Jamais, il n'avait senti quiconque à sa merci. Et l'esprit torturé du Passeur sombra totalement dans la démence, quand il comprit qu'il lui suffisait de lever le bras, afin de refaire le massivers à sa guise.

           Elior était invincible !

           L'Axial s'immobilisa brutalement et perdit ses belles couleurs...

           L'image se figea.

           La gardienne du Mestre se pencha sur Yann pour l'entourer délicatement de ses bras. L'homme venait de contempler son passé et prendre de plein fouet la dure réalité des événements qui l'avait conduit ici en ce jour funeste. Reprenant lentement conscience, il mit plusieurs minutes à comprendre que cette scène avec Elior avait tellement meurtri son âme, qu'il réagissait comme s'il la ressentait à nouveau. Pourtant tout allait bien, il se trouvait en sécurité, aux côtés de cette femme de lumière douce et compréhensive.

– Vous... Pourquoi ? Je...

           Yann ne parvenait toujours pas à focaliser son esprit sur une pensée cohérente, encore paniqué. Seuls les bras de sa guide autour de lui le rassuraient peu à peu, ce qu'il trouva étrange. Ce n'était pas la première fois qu'il la comparait à sa mère...